Proposition de Résolution PE 459.653 – B7-0121/2011, déposée à la suite du débat sur la déclaration de la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, déposée conformément à l'article 110, paragraphe 2, du règlement
Willy Meyer, Marisa Matias, Jean-Luc Mélenchon, Patrick Le Hyaric, Marie-Christine Vergiat, Eva-Britt Svensson, Ilda Figueiredo au nom du groupe GUE/NGL
Le Parlement européen,
– vu les déclarations du Président du Parlement européen des 26 et 28 janvier 2011 et du 4 février sur la situation en Égypte,
– vu le plan d'action UE-Égypte de 2007, et l'accord d'association Union européenneÉgypte, qui est entré en vigueur le 1er juin 2004,
– vu ses précédentes résolutions sur la situation des droits de l'homme en Égypte,
– vu sa résolution précédente sur la politique européenne de voisinage et sur l'Union pour la Méditerranée,
– vu son rapport du 14 mai 2010 sur la politique de l'Union européenne en faveur des défenseurs des droits de l'homme,
– vu sa récente résolution sur la Tunisie du 3 février 2011,
– vu la déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l'homme et le pacte international des Nations unies relatif aux droits civils et politiques, ratifié par l'Égypte en 1982,
– vu les conclusions du Conseil sur l'Égypte du 31 janvier 2011, et la déclaration du Conseil européen sur l'Égypte et la région du 4 février 2011,
– vu les déclarations de la haute représentante de l'UE sur la situation en Égypte et sur les journalistes et défenseurs des droits de l'homme en Égypte des 27, 28, 31 janvier, 3 et 4 février,
– vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que l'assassinat brutal d'un homme de 28 ans par la police a déclenché le besoin du peuple égyptien de lutter au moyen de protestations civiques contre l'impunité et l'injustice,
B. considérant que le 25 janvier, il y a eu une manifestation au Square Tahrir, et que le 1er février, un million d'Égyptiens se sont réunis dans la "marche d'un million de personnes" pour exiger la démission de Moubarak,
C. considérant que la haute commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay, a exhorté les autorités égyptiennes à "écouter les demandes du peuple de réformes fondamentales en vue d'améliorer les droits de l'homme et la démocratie",
D. considérant que les mobilisations en Tunisie ont donné une impulsion au soulèvement du peuple égyptien, qui est exaspéré par l'absence de liberté, de justice sociale et de démocratie et par les signes de corruption à une échelle inégalée,
E. considérant que la population rejette clairement un système qui a privé le peuple des droits fondamentaux et a commis une série de graves abus, notamment la pratique généralisée de la torture,
F. considérant que des journalistes, des réalisateurs et des blogueurs ont été arrêtés, blessés et même tués, ou poignardés, comme ce fut le cas du journaliste grec Petros Papaconstantinou,
G. considérant que les connexions internet et téléphoniques ont été coupées pendant 5 jours,
H. considérant que selon la haute commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, la réaction répressive du gouvernement aux manifestations populaires ont fait près de 300 morts, plus de 3000 blessés et entraîné des centaines d'arrestation,
I. considérant que la mobilisation n'a pas diminué et continue d'exiger la démission de Hosni Moubarak,
J. considérant que les élections parlementaires de novembre et décembre 2010 ont été entachées de fraude, de corruption et de répression,
K. considérant que l'Égypte est le pays arabe le plus peuplé avec plus de 80 millions d'habitants,
L. considérant que, selon le plan d'action UE-Égypte, dans le cadre de la politique européenne de voisinage, l'Égypte a donné l'engagement à l'UE qu'elle renforcerait la démocratie et le pluralisme politique, en augmentant la participation à la vie politique et en respectant tous les droits de l'homme et libertés fondamentales, et que les autorités égyptiennes n'ont tenu aucun de leurs engagements en ce qui concerne la démocratie, les droits de l'homme, ou la justice sociale;
M. considérant que les différentes politiques d'ajustement structurelles (dérégulation des prix de l'alimentation, privatisations et mesures d'austérité) imposées par le FMI et les organisations internationales pendant des décennies jouent un rôle considérable dans les problèmes sociaux et économiques tels que le chômage et la pauvreté (40% des Egyptiens vivent en-dessous du seuil de pauvreté),
N. considérant que l'Union européenne, et en particulier quelques gouvernements des États membres et des États-Unis qui ont, pendant des décennies, soutenu le régime d'Hosni Moubarak ont une responsabilité particulière au vu de la crise actuelle, alors qu'Israël a demandé aux États-Unis et à plusieurs pays de l'UE de soutenir Moubarak les premiers jours de la mobilisation,
1. exprime sa solidarité avec tous les Égyptiens qui se sont opposés au régime de Moubarak, qui, suivant la même politique autoritaire qu'Anwar el-Sadat, a été au pouvoir, de façon non démocratique, pendant 30 ans, en maintenant également un état d'urgence complètement injustifié, tournant le dos à son peuple et le condamnant à la misère, à l'injustice sociale et à l'institutionnalisation de la corruption et de l'autocratie,
2. salue et soutient la lutte des Égyptiens pour des réformes fondamentales dans le système politique, économique et social de leur pays, pour la fin du régime corrompu et pour l'accomplissement d'une vraie démocratie, des droits de l'homme et de la justice sociale; exprime son souhait de voir un réel état constitutionnel s'établir en Égypte;
3. dénonce l'état d'urgence qui a été en vigueur pendant près de 30 ans en Égypte, permettant aux autorités gouvernementales, notamment, d'arrêter des présumés "terroristes et trafiquants de drogue", et permettant la répression contre l'opposition;
4. soutient les appels du peuple égyptien descendu dans les rues à la démission immédiate d'Hosni Moubarak et à l'élection d'un gouvernement démocratique qui a la confiance du peuple, ce qui signifie nécessairement l'exclusion, en particulier des grands ministères, des personnages impliqués dans le régime précédent;
5. demande qu'une commission d'enquête indépendante et impartiale soit constituée pour enquêter sur les violations des droits de l'homme, notamment dans les cas d'exécution extrajudiciaire et d'arrestation arbitraire, identifier les responsables et, le cas échéant, les traduire en justice, avec un dédommagement pour les victimes et leurs familles; demande aussi que toute la lumière soit faite sur la responsabilité d'autres pays qui ont soutenu ou été complices du régime d'Hosni Moubarak;
6. demande la libération immédiate de tous les manifestants arrêtés tout au long des événements et la libération de tous les prisonniers politiques, et réclame l'arrêt immédiat de toute procédure en cours à l'encontre d'opposants politiques;
7. condamne le soutien que l'Union européenne, et en particulier quelques gouvernements des États membres, ont apporté pendant des décennies au régime d'Hosni Moubarak et à son prédécesseur; dénonce l'ingérence économique et politique en Égypte; attire l'attention sur la connivence et la complicité des États-Unis et de l'Union européenne dont l'ancien régime égyptien a bénéficié au motif qu'il était une "protection contre l'islamisme"; souligne que le mouvement actuel est profondément populaire, social et démocratique;
8. par conséquent, s'oppose résolument à toute tentative d'ingérence dans les affaires de l'Égypte et de toute entreprise visant à déstabiliser le processus démocratique en cours;
9. demande à l'Union européenne de développer un réel partenariat d'intérêt mutuel pour le développement, dans toutes ses dimensions, de formes de coopération qui favorisent l'emploi, l'éducation et la formation, au lieu d'"accords d'association" fondés essentiellement sur l'établissement de zones de libre-échange conçues servant les intérêts des multinationales et du capital privé en exploitant une main-d'oeuvre privée de réels droits sociaux;
10. charge son Président de transmettre la présente résolution à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ainsi qu'aux gouvernements et parlements des États membres, à l'Assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée et au gouvernement et au Parlement de l'Égypte.