Proposition de Résolution commune PE 459.635 – RC-B7-0103/2011, déposée conformément à l'article 110, paragraphe 4, du règlement en remplacement des propositions de résolution déposées par les groupes: Verts/ALE (B7-0103/2011), ALDE (B7-0104/2011), GUE/NGL (B7-0107/2011), S&D (B7-0112/2011)
Martin Schulz, Hannes Swoboda, Maria Badia i Cutchet, Claude Moraes, Juan Fernando López Aguilar, Csaba Sándor Tabajdi au nom du groupe S&D
Renate Weber, Sophia in 't Veld, Sonia Alfano, Alexander Alvaro, Louis Michel, Cecilia Wikström, Jens Rohde, Norica Nicolai, Marielle De Sarnez, Alexander Graf Lambsdorff, Ramon Tremosa i Balcells, Charles Goerens, Marietje Schaake, Frédérique Ries, Gianni Vattimo, Nathalie Griesbeck, Luigi de Magistris au nom du groupe ALDE
Daniel Cohn-Bendit, Rebecca Harms, Judith Sargentini, Helga Trüpel, Christian Engström, Hélène Flautre, Raül Romeva i Rueda, Eva Lichtenberger au nom du groupe Verts/ALE
Lothar Bisky, Rui Tavares, Eva-Britt Svensson, Patrick Le Hyaric, Willy Meyer, Jean-Luc Mélenchon, Jürgen Klute, Marie-Christine Vergiat au nom du groupe GUE/NGL
Le Parlement européen,
– vu les articles 2, 3, 6 et 7 du traité sur l'Union européenne (traité UE), les articles 49, 56, 114, 167 et 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE), l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ayant trait au respect, à la promotion et à la protection des droits fondamentaux, en particulier à la liberté d'expression et d'information et au droit au pluralisme des médias,
– vu la directive 2010/13/UE du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive "services de médias audiovisuels"),
– vu la Charte européenne pour la liberté de la presse du 25 mai 2009, le document de travail de la Commission sur le pluralisme des médias dans les États membres de l'Union européenne (SEC(2007)0032), "l'approche du pluralisme des médias en trois étapes" définie par la Commission et l'étude indépendante réalisée pour le compte de la Commission et achevée en 2009,
– vu ses résolutions du 22 avril 2004 sur les risques de violation, dans l'Union européenne et particulièrement en Italie, de la liberté d'expression et d'information (article 11, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux), du 25 septembre 2008 sur la concentration et le pluralisme dans les médias dans l'Union européenne, et du 7 septembre 2010 intitulée "Journalisme et nouveaux médias – créer une sphère publique en Europe",
– vu les déclarations de la Commission, les questions parlementaires posées ainsi que les débats tenus en séance plénière, le 8 octobre 2009, sur la liberté d'information en Italie, et le 8 septembre 2010, ainsi qu'aux débats au sein de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, le 17 janvier 2011, sur la loi hongroise sur les médias,
– vu la décision de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures de demander à l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne de publier un rapport annuel comparatif, comprenant des indicateurs, sur la situation relative à la liberté, au pluralisme et à la gouvernance indépendante des médias dans les États membres,
– vu la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, et notamment son article 5, paragraphe 2, et ses articles 7 et 11,
– vu l'article 110, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que l'Union européenne est fondée sur les valeurs de démocratie et de l'État de droit, comme l'énonce l'article 2 du traité sur l'Union européenne, et, dès lors, qu'elle garantit et défend la liberté d'expression et d'information inscrite à l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux et à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, qu'elle reconnaît la valeur juridique des droits, libertés et principes inscrits dans la Charte des droits fondamentaux, ce qu'elle a également prouvé en ratifiant la Convention européenne des droits de l'homme, pour laquelle la liberté et le pluralisme des médias constituent des conditions sine qua non; considérant que ces droits englobent la liberté d'opinion et la liberté de recevoir et de transmettre des informations sans contrôle, ingérence ni pression de la part des pouvoirs publics;
B. considérant que le pluralisme et la liberté des médias continuent d'être un sujet sérieux de préoccupation dans l'Union et dans ses États membres, notamment en Italie, en Bulgarie, en Roumanie, en République tchèque et en Estonie, comme en témoignent les récentes critiques exprimées à l'encontre des lois sur les médias et des modifications de la Constitution en Hongrie, promulguées entre juin et décembre 2010, par des organisations internationales comme l'OSCE et le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, des organisations professionnelles de journalistes, rédacteurs et éditeurs, des ONG actives dans le domaine des droits de l'homme et des libertés civiles, ainsi que par des États membres et la Commission,
C. considérant que la Commission a exprimé des inquiétudes et a demandé des informations au gouvernement hongrois sur la conformité de la loi hongroise sur les médias avec la directive "services de médias audiovisuels" et l'acquis communautaire en général, notamment en ce qui concerne l'obligation d'offrir une couverture journalistique équilibrée applicable à tous les fournisseurs de services audiovisuels, et s'est également interrogée sur la conformité de cette loi avec le principe de proportionnalité et le respect du droit fondamental à la liberté d'expression et d'information, consacré à l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux, avec le principe du pays d'origine et les obligations d'enregistrement, et considérant que le gouvernement hongrois a répondu en fournissant des informations complémentaires et en se déclarant disposé à revoir la loi et à l'amender,
D. considérant que l'OSCE a émis de sérieuses réserves quant au champ d'application matériel et territorial des dispositions législatives hongroises, à la liberté d'expression et à la teneur de la législation, à la nomination d'une seule personne incarnant l'autorité nationale des médias et des télécommunications, et au respect des principes régissant la diffusion des médias de service public, indiquant que la nouvelle législation compromet le pluralisme des médias, supprime l'indépendance politique et financière des médias de service public et grave dans le marbre des éléments négatifs pour la liberté des médias sur le long terme, et que l'Autorité des médias et le Conseil sont politiquement homogènes et exercent un contrôle gouvernemental et politique centralisé et envahissant sur tous les médias; considérant que d'autres inquiétudes sont soulevées, entre autres, par les sanctions disproportionnées et extrêmes infligées pour des raisons discutables et floues, l'absence d'une procédure automatique de suspension des sanctions en cas de recours en justice introduit contre une décision de l'Autorité des médias, la violation du principe de confidentialité des sources journalistiques et la protection des valeurs de la famille,
E. partageant les doutes sérieux exprimés par l'OSCE concernant l'Autorité des médias et le Conseil des médias, le fait que les caractéristiques les plus problématiques de cette législation sont en contradiction avec les normes de l'OSCE et les normes internationales sur la liberté d'expression, comme l'abolition de l'indépendance politique et financière des médias de service public, le champ d'application matériel et territorial de la législation, et la décision de ne pas définir les termes clés ne permettant pas aux journalistes de savoir quand ils sont potentiellement en infraction,
F. considérant que le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a demandé aux autorités hongroises de tenir compte des normes du Conseil de l'Europe sur la liberté d'expression et le pluralisme des médias, des recommandations pertinentes du Comité des ministres et de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et, notamment, des normes contraignantes établies par la Convention européenne des droits de l’homme et par la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, lors du réexamen de la législation sur les médias; considérant qu'il a épinglé l'utilisation de définitions peu claires qui peuvent donner lieu à de mauvaises interprétations, la création d'un mécanisme de régulation déséquilibré d'un point de vue politique et doté de pouvoirs disproportionnés, qui n'est pas soumis à un contrôle judiciaire suffisant, les menaces pesant sur l'indépendance des médias audiovisuels de service public et l'érosion de la protection des sources utilisées par les journalistes; que le Commissaire a également souligné que tous les acteurs intéressés, y compris les partis d'opposition et la société civile, doivent être véritablement associés au réexamen des dispositions de cette législation, car elles régissent un aspect tout à fait fondamental du fonctionnement d'une société démocratique,
G. considérant que la législation hongroise sur les médias devrait, par conséquent, être suspendue et faire d'urgence l'objet d'un réexamen sur la base des observations et des propositions de la Commission, de l'OSCE et du Conseil de l'Europe afin de garantir qu'elle soit pleinement conforme à la législation de l'Union et aux valeurs et aux normes européennes sur la liberté, le pluralisme et la gouvernance indépendante des médias,
H. considérant que, malgré ses appels répétés en faveur d'une directive sur la liberté, le pluralisme et la gouvernance indépendante des médias, la Commission a jusqu'à présent différé la publication d'une telle proposition, qui devient de plus en plus nécessaire et urgente,
I. considérant que les critères de Copenhague définissant les conditions d'adhésion à l'Union, arrêtés lors du Conseil européen de Copenhague tenu en juin 1993 et relatifs à la liberté de la presse et à la liberté d'expression, devraient être respectés par tous les États membres de l'Union et leur mise en oeuvre, garantie par une législation pertinente de l'Union,
J. considérant qu'aux points 45 et 46 de son arrêt dans les affaires jointes C-39/05 P et C2/05 P, la Cour a déclaré que l'accès à l'information permet une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu'une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l'administration à l'égard des citoyens dans un système démocratique et qu'elle constitue "une condition de l'exercice effectif, par ces derniers, de leurs droits démocratiques",
1. invite les autorités hongroises à rétablir l'indépendance de la gouvernance des médias et mettre un terme aux interférences étatiques qui affectent la liberté d'expression et la couverture équilibrée par les médias; estime qu'une réglementation excessive des médias nuit à l'existence d'un pluralisme efficace dans la sphère publique;
2. se félicite de l'initiative de la Commission de demander des éclaircissements concernant la loi hongroise sur les médias et sa conformité aux traités et au droit de l'Union, ainsi que de l'annonce des autorités hongroises se déclarant disposées à réviser cette législation;
3. déplore la décision de la Commission de limiter son examen à uniquement trois aspects de la mise en oeuvre de l'acquis communautaire par la Hongrie, et l'absence de référence à l'article 30 de la directive "services de médias audiovisuels", limitant de la sorte sa propre compétence de contrôle du respect, par la Hongrie, de la Charte des droits fondamentaux dans la mise en oeuvre de la législation de l'Union; invite instamment la Commission à examiner le respect, par la Hongrie, du régime de responsabilité établi par la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique et la transposition, par ce pays, des décisions-cadres sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal (2008/913/JAI) et sur la lutte contre le terrorisme (2008/919/JAI), qui comportent des références à la liberté d'expression et aux contournements des règles en matière de liberté des médias;
4. invite la Commission à procéder dans les meilleurs délais à l'étude approfondie des moyens de mise en conformité de la législation hongroise sur les médias avec la législation européenne, et notamment avec la Charte des droits fondamentaux, à fixer un délai strict pour que les autorités hongroises change la législation et, si ce délai n'est pas respecté, à entamer une procédure d'infraction;
5. invite les autorités hongroises à associer toutes les parties prenantes à la révision de la loi sur les médias et de la Constitution, ce qui constitue la base d'une société démocratique dans un État de droit, grâce à un équilibre des pouvoirs approprié afin de garantir les droits fondamentaux de la minorité face à l'éventuelle tyrannie de la majorité;
6. demande à la Commission d'agir, sur la base de l'article 265 du traité FUE, en présentant, d'ici la fin de l'année, une proposition législative conformément à l'article 225 du traité FUE, sur la liberté, le pluralisme et la gouvernance indépendante des médias, ce qui compenserait les déficiences du cadre législatif de l'Union sur les médias, en faisant usage de ses compétences dans les domaines du marché intérieur, de la politique audiovisuelle, de la concurrence, des télécommunications, des aides publiques, des obligations de service public et des droits fondamentaux de toutes les personnes résidant sur le territoire de l'Union, afin de fixer au moins les normes minimales indispensables que tous les États membres seront tenus de mettre en oeuvre et de respecter dans leur législation nationale pour garantir, sauvegarder et promouvoir la liberté de l'information ainsi qu'un degré approprié de pluralisme et d'indépendance de la gouvernance des médias;
7. invite les autorités hongroises, au cas où la législation serait déclarée incompatible avec l'esprit ou la lettre des traités ou du droit européen, notamment avec la Charte des droits fondamentaux, à abroger et ne pas appliquer les actes ou ceux de leurs éléments jugés incompatibles, sur la base des observations et propositions du Parlement européen, de la Commission, de l'OSCE et du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, des recommandations du Conseil des ministres et de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, ainsi que de la jurisprudence de la Cour de justice européenne et de la Cour européenne des droits des l'homme;
8. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'au Conseil de l'Europe, aux gouvernements et aux parlements des États membres, à l'Agence des droits fondamentaux et à l'OSCE.