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Ce jeudi 29 Mars, les députés européens questionnaient la Commission européenne sur l'avenir du programme d'aide alimentaire aux plus démunis. Un programme qui concerne 43 millions de citoyens européens à ce jour.

Le 15 Février 2012, le Parlement avait adopté le rapport Siekerski. Ce rapport avalisait la fin du programme d'aides alimentaire en 2014, condition posée par le Conseil pour l'attribution des aides alimentaires pour l'année 2012.

De son côté, la Commission européenne annonçait qu'elle ferait tout pour mettre sur pied une initiative législative permettant de rétablir le programme d'aide alimentaire, jusque là inclu dans la Politique Agricole Commune (PAC), dans une autre rubrique du budget de l'Union européenne. En effet, l'arrêt du programme des aides alimentaires en 2014 fait suite à un recours de l'Allemagne et la Suède devant la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE)

Les  aides alimentaires de la PAC, c'est quoi exactement?

Mises en place en Décembre 1987, ces aides prenaient la forme de stocks alimentaires composés des excédents de stocks achetés à un prix-plancher aux agriculteurs européens (on les appelle les "stocks d'intervention). Ces denrées étaient redistribuées gratuitement aux organismes humanitaires et d'aide alimentaire désignés par les Etats membres afin de venir en aide aux plus démunis. Ceux-ci les remettaient ensuite aux personnes les plus démunies soit gratuitement, soit à un prix ne dépassant pas le coût occasionné par le transport etc

A partir de 1992, les excédents se faisant moindre pour un nombre important de denrée, l'achat sur les marchés de denrées temporairement indisponibles dans les stocks a été mis en place par l'Union européenne. Les denrées concernées sont choisies en fonction des besoins déterminés par les Etats membres. Le financement qui leur est attribué à cet effet est ensuite décidé par l'UE.

En Octobre 2008, la Commission propose d'augmenter sl'aide alimentaire en la faisant passer de 300 à 500 millions d'euros pour tenir compte de la hausse des prix.

Que leur reprochent les gouvernement allemand et suédois?

En Décembre 2008, l'Allemagne et la Suède (qui ne demandent aucune aide) déposent devant la Cour européenne de Justice un recours en annulation de cette décision et en limitation de l'allocation mise à disposition des Etats membres pour acheter des denrées sur le marché communautaire.

Les arguments de l'Allemagne et de la Suède:

-L'idée initiale est de réduire les stocks d'intervention, pas de faire une politique sociale.
-L'aide aux achats sur le marché communautaire est censée n'être octroyée que pour des produits temporairement indisponibles, or les produits concernés sont indisponibles dans la durée
-Il n'est tenu compte que des besoins exprimés par les Etats membres et pas de l'état réel des stocks
-L'augmentation de 200 millions d'euros du budget alloué ne se justifie pas par la hausse des prix

En Mars 2009, l'UE a tenu a précisé que l'achat de denrée alimentaires sur le marché "devraient être réalisés dans un esprit de mise en concurrence, tout en encourageant l'achat de produits d'origine communautaire". Elle a augmenté le taux de cofinancement Etat membre/UE de l'aide alimentaire.

Mais ce n'était pas assez, l'Allemagne, soutenue par la Suède, a maintenu son recours.

La décision de la Cour de Justice de l'UE

La Cour de justice de l'UE a statué le 13 Avril 2011 sur le recours opposant l'Allemagne et la Suède d'un côté et la Commission européenne, l'Espagne, la France, l'Italie et la Pologne de l'autre.

- Elle stipule que "l’objectif du plan annuel et des achats supplémentaires qu’il détermine ne saurait être, comme l’affirme la Commission, de couvrir les besoins déclarés par les États membres participant au plan, mais de distribuer aux personnes les plus démunies les volumes des stocks d’intervention existants"

- Elle se prononce pour une interprétation restrictive des termes "temporairement indisponibles"

- Elle rappelle que l'objectif est l'écoulement des stocks d'intervention, pas la couverture des besoins déclarés par les Etats membres

- Elle annule donc l'article portant sur les aides aux Etats en fonction des besoins exprimés par ceux-ci

- Cette annulation n'est pas rétroactive (les allocations versées ne doivent pas être remboursées)

- Seules les denrées "temporairement indisponibles" dans les stocks d'intervention pourront désormais être financées par les Etats membres

La Commission européenne se plie à l'arrêt de la CJUE

Les plans annuels sont d'ordinaire adoptés en Septembre de chaque année par la Commission. Compte tenu de la réduction drastique de l'aide que la décision de la Cour impose, le plan 2012 a été adopté en Juin 2011.

Le 20 Juin 2011, la Commission européenne annonçait la réduction "sévère" (ce sont ses propres termes) des fonds alloués à l'aide alimentaire aux plus démunis. Celle-ci devait passer de 500 millions d'euros à 113 millions.

Le Conseil fait finalement une proposition en Janvier 2012

Le 13 Janvier 2012, le Conseil rendait finalement sa décision (attendue depuis le 20 Septembre 2011).

Le compromis auquel il est arrivé fait suite à la proposition de l'Allemagne lors du Conseil de l'Agriculture de Novembre de ne pas s'opposer au financement du programme de distribution alimentaire en 2012 et 2013, à la condition expresse que ce financement ne se poursuive pas après de 2013.

Résultat:

Le programme d’aide alimentaire aux plus démunis sera financé en 2012 et 2013 et ce rétroactivement à partir du 1er Janvier 2012

Mais

-la suppression du régime actuel se fera graduellement donc le financement va baisser d'ici à 2013. La Commission établira des plans annuels ("Afin de donner aux organisations caritatives des États membres utilisant le régime actuel de distribution de denrées alimentaires suffisamment de temps pour s'adapter à la nouvelle situation")

-le régime actuel de distribution ne sera plus financé au-delà de 2013

Notez tout de même au passage que la Suède, la Danemark et le Royaume-Uni ont voté contre ce compromis, et que la République tchèque s’est abstenue.

Le Parlement s'incline en Février 2012

Il valide la position du Conseil pour ne pas risquer de retarder plus le financement de l'aide en 2012.

Le problème qui était posé:

-d'un côté, il y urgence à valider le financement de l'aide pour 2012 et 2013. Ce sont 18 millions de personnes qui en ont besoin.

-de l'autre, il est inacceptable de valider un projet qui annonce la fin de cette aide sans qu'aucune compensation ne soit proposée. Si la PAC ne s'acquitte plus de cette aide sociale, celle-ci doit être réalisée via les volets sociaux de l'UE donc notamment le FSE.

Mais à l'heure actuelle, pas de trace de la nouvelle ligne budgétaire dédiée à cette aide….

Je m'étais exprimé à l'époque

La décision prise par le Conseil sous la pression de certains gouvernements est parfaitement inadmissible. Alors même qu'il impose des restrictions inouïes aux peuples européens, le Conseil détruit l'un des rares mécanismes de solidarité de l'Union européenne. Il retire même la charité à celles et ceux qu'il affame. C'est honteux.
Aujourd'hui, il a laissé aux députés un seul choix: laisser de braves gens mourir de faim dans les jours à venir ou accepter l'aide pour aujourd'hui et sa disparition pour demain.
Cette Europe ne vaut plus rien. Nous allons la reconstruire.

La  Commission annonce qu'elle se battra

La Commission annonçait alors qu'elle remettrait sur la table négociation Rubrique 1 du budget dans le cadre de la lutte contre la pauvreté (dans le Fonds Social Européen).

Elle annonçait un financement de 2,5 milliards d'euros pour le programme budgétaire pluriannuel 2014-2020.

Mais calculez bien: 2,5 milliards d'euros sur 7 ans, cela correspond à une baisse de 1 milliards d'euros!

Donc en fait elle annonçait
- que nous n'avons aucune assurance de conserver le programme d'aide alimentaire
-  par avance que si elle y parvenait elle le diminuera de 1 milliard (143 millions d'euros en moins chaque année). 43 millions de personnes dépendant d'une aide alimentaire aujourd'hui et ce nombre est en constante augmentation du fait des plans d'austérité.

Que propose la Commission maintenant?

Olli Rehn le vice-président de la Commission à l'euro, indique que le programme d'aide aux plus démunies doit faire partie d'un effort global au premier titre duquel il place la bataille pour l'euro fort… Il rappelle que la Commission le propose d'inscrire le programme d'aide aux plus démunis dans la rubrique 1  dans la partie de la stratégie 2020  pour la lutte contre pauvreté.

Il confirme qu'il y a un risque de rejet du Conseil ou de la CJUE tout en rappelant que 53 millions d'européens n'ont pas accès à des protéines tous les jours 7 millions d'enfants n'ont pas 3 repas par jours…

Bref. Rien de nouveau n'est annoncé. On ne sait toujours pas si l'aide alimentaire sera maintenue après 2014 ou pas. Ce qu'on sait par contre, c'est qu'elle sera diminuée si on y parvient. Cette Europe condamne de plus en plus de pauvres gens à la misère et ne leur offre même plus le moindre soulagement. C'est honteux.

Je n'étais pas présent au Parlement européen du fait de la campagne présidentielle. C'est mon camarade Patrick Le Hyarick qui y a pris la parole sur ce sujet pour le Front de Gauche:

Monsieur le Commissaire

Je regrette que vous n'ayez rien annoncé de concret.

Tout juste peut-on entrevoir dans ce que vous dites que l'on va ponctionner sur le fonds social européen sans augmenter le budget alloué à ce fond.
Si vous retenez le chiffre de 2,5 milliards d'euros dans le cadre du programme pluriannuel cela reviendra à une baisse de 100 millions d'euros par an consacré à l'aide alimentaire.

Or les pauvres n'ont pas demandé à l'être, ce sont les choix d'austérité qui font augmenter le nombre de personnes en difficultés. Une Europe solidaire doit faire d'autres choix.

Aussi je vous propose que la Commission européenne et le Parlement organisent une audition ou une conférence sur l'aide alimentaire aux plus démunis avec toutes les organisations de solidarité en Europe.
Cette conférence évaluerai les besoins réels, les moyens financiers à dégager et discuterait d'une proposition à soumettre au Conseil et au vote du Parlement en cherchant les modalités juridique de sa mise en œuvre.


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