sept 13 19

C’est reparti ! Sans vergogne est orchestrée contre moi une attaque mensongère, mille fois recommencée, à propos des langues régionales. Dans cette mêlée confuse, on trouve, d’un côté, des progressistes ainsi que quelques amis trop rapides dans leurs analyses et, de l’autre, d’odieux ethnicistes d’extrême droite identitaire, qui reprennent à intervalle régulier le même procès calomniateur contre mes positions sur le sujet. En cause cette fois ci : mon vote mercredi dernier au Parlement européen contre un rapport de M. Alfonsi préconisant la ratification par les Etats de l’UE de la Charte des langues régionales du Conseil de l’Europe. Contrairement à ce que prétendent mes calomniateurs, mon vote n’était nullement dirigé « contre » les langues régionales ». Il l’est contre la Charte des langues minoritaires. En atteste mon explication de vote. Confondre les deux questions est le signal d’une volonté de manipulation. Car j’ai déjà expliqué mes positions et les distinguos qu’elle contient à de nombreuses reprises, non depuis huit jours mais depuis quatorze ans. Jamais aucun de mes détracteurs ne s’est donné le mal de répondre sur le fond de mes arguments. Tous ont préféré les vociférations et invectives : cela leur permet de se dispenser d’être obligés d’assumer le contenu des articles de la Charte dont je condamne l’application. 

Oui, je suis absolument opposé à la ratification des articles de cette Charte que le Conseil Constitutionnel français a condamnés. Notez que je parle des articles retoqués, non de la Charte dans l’ensemble de ses dispositions. Notez également qu’une bonne partie des dispositions de la Charte s’appliquaient en France avant la Charte et s’appliquent depuis sa promulgation. Personne ne demande que ces dispositions-là soient abolies. Je dois le répéter : le problème que me posent ces articles n’a rien à voir avec la diffusion des langues régionales. Il concerne la nature républicaine des institutions que cette charte entend abroger. En effet, son contenu comme ses origines contredisent plusieurs principes républicains, à commencer par le plus essentiel : le principe d’égalité des citoyens devant la loi et les services publics. Mes arguments à ce sujet sont connus car je les ai déjà clairement exposés à plusieurs reprises. Je l’ai fait dès 1999, quand cette Charte a été signée par la France et que le Conseil constitutionnel s’est opposé à sa ratification, en rappelant que « les principes fondamentaux de la République s’opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d’origine, de culture, de langue ou de croyance ».  Ceux qui m’attaquent depuis cette époque connaissent parfaitement mes prises de position et mes arguments. La campagne qu’ils mènent contre moi, en confondant volontairement la discussion de la Charte avec celle sur la diffusion des langues régionales, est donc clairement malhonnête et politicienne. Pour ceux qui veulent connaître mes arguments dans le détail, je vous renvoie à la note que j’ai publiée à ce sujet en 2008 sur mon autre blog, où se trouve l’intégralité du discours que j’avais fait au Sénat à l’époque. Je résume ici mes arguments, en partant précisément de ce discours.

Pour moi, la question n’est pas de savoir si l’on est pour ou contre les langues régionales. Ce serait absurde. Comment peut-on être « contre les langues régionales » ? Qu’est-ce que cela pourrait vouloir dire concrètement ? Abroger les lois existantes qui les protègent ? Je ne l’ai jamais ni demandé ni souhaité. Être contre le bilinguisme ? Pourquoi ? Je suis moi-même bilingue. Encore plus ridicule serait le fait d’être « contre la diversité culturelle ». En réalité, je suis dans la position de celui qui défend cette diversité contre une vision étroitement ethniciste de la diversité en France. Pourtant, il semble que quiconque refuse la Charte et n’obtempère pas immédiatement et sans discussion à l’ordre de l’adopter les yeux fermés est aussitôt accusé d’être « contre les langues minoritaires » et « contre la diversité culturelle ». Dans la foulée, les mêmes en profitent pour garnir leurs accusations de quelques insultes contre le « jacobinisme », dans une définition de ce dernier qui démasque souvent l’origine réactionnaire de ces imprécateurs. Les amis de la « Charte » oublient de faire connaître le contenu de celle-ci et les problèmes qu’elle soulève dans la conception républicaine. Ils posent aussi un voile d’oubli très inquiétant sur les origines politiques sulfureuse de ce document. Pour moi, une attitude rationnelle et argumentée consiste au contraire à se demander si le cadre légal existant est adapté, car il en existe déjà un, ou si la France a besoin de ratifier l’ensemble de cette Charte européenne des langues régionales ou minoritaires pour faire progresser la diffusion de celles-ci.

En premier lieu, je veux rappeler que la République protège les langues régionales. Je n’accepte donc pas la caricature qui voudrait faire croire que la République française réprime ou méprise ces langues. Ce n’est pas vrai ! La France s’est dotée dès les années cinquante d’un cadre législatif très favorable aux langues régionales. Elle a été et reste, aujourd’hui encore, en avance sur beaucoup de pays d’Europe dans ce domaine. La loi du 11 janvier 1951 relative à l’enseignement des langues et dialectes locaux, qui porte le nom du socialiste Maurice Deixonne, a officiellement autorisé et favorisé l’apprentissage des langues régionales de France dans l’enseignement public. C’est le cas, dès cette époque, du basque, du breton, du catalan et de l’occitan, auxquels se sont ajoutés ensuite le corse en 1974, le tahitien en 1981, et quatre langues mélanésiennes en 1992. De sorte qu’aujourd’hui, et depuis 1970, tous les élèves qui le souhaitent voient ces enseignements pris en compte pour l’obtention du baccalauréat. La loi Toubon de 1994 a confirmé ce cadre légal favorable. Lionel Jospin, par la loi du 22 janvier 2002, a mis des moyens particulièrement importants à la disposition de l’enseignement de la langue corse, si bien que quiconque le veut peut suivre un enseignement en corse à l’école, au collège et au lycée, à raison de trois heures par semaine. Ici, la Charte n’apporte strictement rien de plus à cette situation. La question posée est plutôt de savoir si les moyens de ces enseignements sont mis à disposition ou pas.

La République a aussi contribué, en lien avec les collectivités locales qui le demandaient, à rendre possibles les signalisations routières bilingues, ce qui permet, dans certains départements, de pouvoir enfin lire les indications rédigées en français, qui étaient jusque-là surchargées de graffitis en langue locale. Par ailleurs, de nombreuses régions font preuve d’innovation pour favoriser le développement des cultures et des langues régionales. Jamais leurs initiatives n’ont été brimées ou abrogées par l’Etat. Par conséquent, rien dans le cadre légal et réglementaire actuel, ni dans la pratique effective, n’est de nature à brider la pratique et la transmission des langues régionales. Et il n’existe pas une voix en France – et certainement pas la mienne ! – qui s’oppose à ce que soient pratiquées les cultures ou les langues régionales. Si le nombre de locuteurs diminue et si leur âge moyen s’élève, il faut en chercher la cause ailleurs que du côté de la République et de la loi ! Cependant il est tout à fait clair que je m’oppose à ce que l’on soit obligé d’apprendre ou de parler sur notre territoire une autre langue que le français. Tout doit être proposé, et non imposé, avec la plus large palette de choix possibles. Ce qu’il faut dénoncer à cet instant, c’est la domination de l’enseignement de l’anglais comme seconde langue et la volonté a peine cachée des élites libérales et solfériniennes d’y soumettre tous les jeunes français. Celles-là n’ont aucun mal à voter tout ce qui leur est suggéré au Parlement européen, alors qu’elles font le contraire et organisent la marginalisation de leur propre langue nationale. Je note que mes détracteurs n’ont rien à dire à leur sujet.

La domination croissante de l'anglais est pourtant la seule véritable menace qui pèse aujourd'hui sur la diversité linguistique. Avec le développement de l'enseignement des langues étrangères à l'école primaire, l'anglais est aujourd'hui la langue étrangère enseignée dans 93% des cas à l'école, alors que qu'elle ne représentait que 76% en 2002. Résultat : l'enseignement de l'espagnol et de l'italien ont été réduits de moitié dans le primaire, et celui de l'arabe a quasiment disparu, au point que la statistique de l'Education nationale affichait dans cette langue un chiffre de 0 % à la rentrée 2012 contre 0,2 % à la rentrée 2006. Dans le secondaire, ce n'est pas mieux puisque l'anglais est désormais la 1ère langue étrangère enseignée dans 95 % des cas. Alors que l'arabe est la 2ème langue parlée en France, elle n'est enseignée qu'à 9 000 élèves dans le secondaire, soit à peine 0,1 % des effectifs. C'est trois fois moins que le chinois et près de deux fois moins que le russe. Et surtout, c'est 20 % de moins que dans les années 1980, alors que les demandes non satisfaites sont toujours importantes. Faute de places dans l'Education nationale, les demandeurs doivent se tourner vers le secteur privé, confessionnel ou associatif, où le nombre de jeunes qui apprennent l'arabe est désormais 10 fois supérieur à celui des élèves auxquels il est enseigné en classe. Et la situation s'aggrave, puisque les postes ouverts par l'éducation nationale au concours de professeur d'arabe sont en chute libre : vingt postes en 2002, cinq en 2006 et aucun en 2011, le concours ayant carrément été fermé, avant d'être rouvert en 2012 mais sans qu'aucun candidat n'ait été admis. Avec l'arrivée de Vincent Peillon au ministère, on ne compte que deux postes ouverts en 2013. Par comparaison, quatre postes ont par exemple été ouverts par le même ministre au concours de professeur d'occitan. Alors que l'enseignement de la deuxième langue de France est donc sinistré, à l'inverse, la demande d'enseignement en langues régionales est largement satisfaite, y compris grâce à des classes à très faibles effectifs, ce qui permet à 400 000 élèves d'apprendre une langue régionale en France. On réalise avec ces quelques chiffres que le vrai problème de diversité linguistique en France ne tient pas seulement au sort réservé aux langues régionales, mais à la domination de l'anglais et à la relégation de la langue arabe.

Un argument souvent asséné est que la France serait l’un des «rares» pays européens à ne pas avoir ratifié la Charte. Pourquoi ce mensonge ? Cette Charte est très loin de faire l’unanimité dans notre continent. Quatorze pays membres du Conseil de l’Europe ne l’ont pas signée, dont la Belgique, le Portugal, la Grèce ou l’Irlande, qui ne sont pas des États réputés liberticides. Et puis, de quoi parle-t-on ? La France a signé la Charte ! Parmi ceux qui ont signé cette charte, comme la France, neuf États ne l’ont pas ratifiée, dont l’Italie. Au total, vingt-trois pays membres du Conseil de l’Europe se refusent donc à rendre applicable cette Charte sur leur territoire. Cela peut être attribué non pas exclusivement à leur « mépris pour les langues régionales minoritaires », mais probablement à d’autres causes. Pourquoi ne pas les examiner ? Pourquoi se contenter de condamner tout le monde en bloc sans examen des motivations ?  Et, surtout, sans considérer quelle est la situation réelle sur le terrain de ces Etats ! La France, par exemple, applique déjà beaucoup d’articles de la Charte sans avoir eu besoin de sa ratification pour le faire.

Comment ne pas voir que la définition des langues minoritaires donnée par cette Charte est extrêmement discutable et confuse ? Elle exclut de son champ d’application toutes les langues des migrants – je pense à l’arabe, à la langue berbère, et à bien d’autres –, comme si les citoyens qui les parlent du fait de leurs liens familiaux, alors qu’ils sont Français, devaient considérer ces langues comme des langues étrangères ! Aurait-on l’intention de dire aux Algériens, aux Sénégalais, aux Maliens et à combien d’autres encore, de considérer la langue française, langue officielle de leur pays, comme une langue étrangère à leur culture ? Veut-on ignorer que la langue française est dite « langue en usage commun » pour 29 pays dans le monde, dont 13 qui la considèrent comme la langue officielle et 16 comme la co-langue officielle ? Dès lors, en sens inverse, pourquoi les langues de ces pays seraient-elles considérées comme des langues « étrangères » en France si elles sont parlées par des centaines de milliers de personnes ? C’est pourtant ce que fait cette Charte ! Elle instaure donc ainsi entre les langues minoritaires une discrimination ethniciste qui ne veut pas dire son nom mais qui est bien réelle !

Cette définition discriminatoire exige aussi des arrangements avec l’histoire des langues minoritaires des régions de France. Ils sont eux aussi très marqués, et même connotées, du fait de mécanismes de domination plus violents que ceux dénoncés contre les méthodes de diffusion de la langue française. Ainsi, quand on parle de « la » langue bretonne. Il en existait en fait cinq, dont une avec une racine latine, comme celle parlée à Rennes. Depuis l’édition du dictionnaire dit « unifié » de 1942, une seule langue est institutionnalisée. Parfois au prix du ridicule. Ainsi, par exemple, quand la double toponymie des lieux est faite dans une langue « bretonne » qui n’a jamais été parlée dans le secteur où on prétend l’imposer ! C’est le cas à Rennes, par exemple. Même arrangement quand on va prétendre imposer à tous la création d’un mot par tel ou tel original en vue de désigner des lieux comme « parking » ou quelques-uns des milliers de mots manquant dans le vocabulaire scientifique et technique ! Dans un registre tout aussi perplexe, dois-je signaler la difficulté qu’il y aurait à proclamer « un » créole officiel dans les Caraïbes, et même parfois sur le territoire d’un même département français des Amériques ? Par conséquent, la Charte, sur le terrain même de la reconnaissance de l’identité linguistique d’un parler et de sa culture de référence, n’est pas l’instrument d’intégration que décrivent ses admirateurs. Elle est au contraire aussi un moyen très blessant de choisir, trier, exclure, discriminer de nouveau, au moment où l’on croirait intégrer.

Je voudrais enfin souligner qu’il ne saurait être question d’ignorer l’origine de cette charte. Dans le contexte du néo libéralisme triomphant, la différence des droits est un élément essentiel de la guerre de chacun contre tous. Donner des droits et des exclusivités à certains du fait de leur pratique d’une langue est un habile moyen d’instaurer ce droit à géométrie variable et cet empire des lois « locales » dont rêvent les libéraux. L’ancrage de ces aberrations dans des identités locales largement reconstruites, et pourtant réputées indépassables et quasi-génétiquement transmises, donne un contenu ethnique identitaire très glauque à cette démarche. Ce n’est pas étonnant. La Charte n’est pas adaptée à notre réalité. Elle n’a pas été mise au point pour elle. Elle a été rédigée pour garantir les droits de peuples minoritaires dans les pays de l’est. Elle a été mise au point du temps du « camp socialiste », pour le déstabiliser depuis l’ouest. Pour autant, l’intention manipulatrice ne doit pas faire perdre de vue le bien-fondé de l’idée dans le contexte des minorités nationales. Car les découpages de frontières qui avaient partagé des peuples comme les Hongrois ou les Roumains dans des Etats différents donnaient lieu à de véritables politiques culturelles éradicatrices dans ces pays, au contraire de celles pratiquées en France à la même époque. Mais c’est une chose qu’une langue minoritaire et une autre qu’un peuple minoritaire. Il n’y a pas de peuple minoritaire en France. Il ne peut pas y en avoir. Car le peuple, en République, n’est décrit que par un seul critère : la citoyenneté et l’unité de la communauté légale qui en résulte. Mais que l’on s’accorde ou non sur ce point, il n’en reste pas moins que le travail de préparation de la « Charte des langues régionales » a été confiée à des personnages plus que discutables. La Charte, adoptée en 1992 par le Conseil de l’Europe, a été préparée, débattue et rédigée par plusieurs groupes de travail de cette instance qui étaient animés par des parlementaires autrichiens, flamands et allemands tyroliens. Leur point commun était d’être tous issus de partis nationalistes ou d’extrême droite. Tous ces groupes étaient membres de « l’Union fédéraliste des communautés ethniques européennes ». Le titre ne peut être plus clair. Cette union se retrouve sous le nom de « FUEV » selon l’abréviation allemande. Cette organisation est aujourd'hui dotée d’un statut consultatif au Conseil de l’Europe, et elle se présente elle-même comme la continuatrice du « Congrès des nationalités ». De quoi s’agit-il ? D’un instrument géopolitique du pouvoir allemand dans les années trente, dissous après la défaite des nazis à la Libération ! Un des principaux laboratoires de l’élaboration de la Charte fut ainsi le groupe de travail officiel du Conseil de l’Europe sur « la protection des groupes ethniques », dont la création a été obtenue par la FUEV et qui est également connu pour ses travaux sur le « droit à l’identité », le Volkstum. Tout cela ne peut être considéré comme une référence acceptable par des consciences de gauche héritières des « Lumières » (Aufklärung en allemand). J'ai d'ailleurs alerté sur ces origines problématiques de la Charte dès 1999, dans une question écrite au gouvernement dont la réponse n’a démenti aucune des informations que j’avançais.

Il a été question, quelques lignes plus haut, de « la » langue bretonne qui entend se substituer aux cinq langues bretonnes qui existaient et continuent d’exister, en dépit de la publication du dictionnaire établissant une langue « unifiée ». Ce dictionnaire est paru en 1942. Son principal auteur, Roparz Hemon, est dans la veine des personnages inacceptables à l’origine de la Charte. C’était en effet un collaborateur des nazis, mettant au point ce dictionnaire en accord avec l’occupant qui le finança. Dans cette période-là, cette variété de collabos misait sur un découpage de la France par les vainqueurs du moment, et ils leur en avaient fait la proposition. Cet homme a été condamné à l’indignité nationale à la Libération. Il s’est enfui et n’est jamais revenu dans notre pays. Pour moi, célébrer l’œuvre d’un collabo, c’est oublier et mépriser la Bretagne rouge, et même la bleue, c’est-à-dire la Bretagne résistante. Laquelle parlait tous les bretons et combattait les armes à la main les partisans du dictionnaire unifié en raison de l’identité et du projet politique de leurs commanditaires.

Dans le contexte actuel, ce genre de tentation ethniciste prend un relief singulier. Celui que lui a donné Samuel Huntington et sa « théorie du choc des civilisations ». Pour ses partisans, dorénavant, « dans le monde nouveau, la politique locale est “ethnique”, et la politique globale “civilisationnelle” ». Derrière le fatras des bavardages mal ficelés sur la prééminence de l’ethnique dans la définition de civilisations, de son fondement culturel ancré dans la religion, Huntington est un théoricien de la balkanisation des Etats-nations et de la fracturation de l’unité de leur cadre juridique. Dans cette théorie, la Nation cesse d’être une communauté légale une et indivisible où la loi est la même pour tous puisqu’elle est décidée par tous. Les nations sont alors des collections provisoires de peuples différenciés par la diversité de leurs langues et de leurs religions et des droits y afférents. Nicolas Sarkozy avait traduit en français cette doctrine quand il déclara, dès son élection, que le premier risque que courrait notre pays était celui d’une « confrontation entre l’islam et l’occident » mettant face à face la deuxième religion de notre pays avec une région et ses supposés natifs « enracinés ».

J’aborde donc ce qui constitue pour moi le cœur du problème. Il ne saurait être question, sous prétexte de respect de la diversité culturelle, d’admettre une différence de droits entre citoyens égaux. Ce serait en contradiction absolue avec la pensée républicaine. Il n’y a pas lieu de créer des droits particuliers pour une catégorie spécifique de citoyens. Le fait de parler une langue différente ne suffit pas à instituer des droits particuliers en faveur de ses locuteurs ! Or, c’est ce que prévoit explicitement la Charte. Elle prétend encourager la pratique de ces langues « dans la vie publique et la vie privée ». L’expression a l’air banale. Elle ne l’est pas du tout.

S’agissant de la vie privée, je rappelle que le caractère laïque de notre République interdit que les institutions gouvernementales et étatiques fassent quelque recommandation que ce soit concernant la vie privée des personnes. Quant à la « vie publique », la Charte demande aux Etats de « prendre en considération les besoins et les vœux exprimés par les groupes pratiquant ces langues ». […] Va-t-on pour cela élire des représentants des locuteurs de telle ou telle langue ? Créer un sénat des nationalités ? Non ! Ce serait en totale contradiction avec l’idée d’égalité républicaine ! Mais le pire est cette idée de « faire bénéficier de procédures en langues régionales devant les autorités judiciaires », comme le prévoit l’article 9 de la Charte, ou devant les services publics, comme l’exige l’article 10. Témoigner, poursuivre en justice, signer des contrats dans une autre langue que la langue française constituerait un recul par rapport à l’ordonnance de Villers-Cotterêts de François Ier. Pourtant, c’est ce que prévoit cette Charte européenne des langues régionales ou minoritaires !

Le Conseil constitutionnel a donc eu raison de dire, en 1999, qu’en conférant « des droits spécifiques à des “ groupes ” de locuteurs de langues régionales ou minoritaires, à l’intérieur de “ territoires ” dans lesquels ces langues sont pratiquées, [cette Charte] porte atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français ». Pour toutes ces raisons, la République française n’a donc rien à gagner à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Elle ne pourrait que se renier en le faisant. Elle doit, tout au contraire, continuer une politique bienveillante et intégratrice, qui donne aux cultures et aux langues régionales toute leur place, dès lors que la République est première chez elle ! S’il faut avoir une discussion sur le sujet en France, elle doit porter sur les moyens à mettre en œuvre pour favoriser l’apprentissage des langues, la connaissance, la pratique et la création dans les cultures que l’histoire du pays nous a léguées. Pas de créer des discriminations, des dominations et, pour finir, faire de l’ethnicisme un horizon contre la nation républicaine.


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