jan 17 30

stopcetaOn connait la ligne adoptée par Trump contre les traités de libre-échange. Il faut donc suivre de près ce qui se passe dans le tohu-bohu en cours. Car si Trump annonce être contre le TAFTA, accord de libre-échange entre son pays et l’Union européenne, pendant ce temps l’accord avec le Canada suit son parcours. Et ses partisans en Europe comme au Canada n’en sont que plus chaud-bouillants pour parvenir à le faire adopter. En effet le Canada deviendrait le point de passage de l’échange des produits entre européens et nord-américains. Car le Canada est, de son côté, intégré dans une zone de libre-échange avec les USA. Le trajet du texte est donc à suivre avec le maximum d’attention. Voyons cela.

Après avoir été validé par le Conseil européen le 30 octobre 2016, le traité de libre-échange UE-Canada arrive désormais devant le Parlement européen. Il sera soumis au vote de la plénière le 15 février prochain. À la suite de sa validation par le Parlement européen il sera soumis à la ratification dans chaque pays. Évidemment chacun a sa méthode et ce sera soit le vote du parlement du pays soit un referendum. On comprend bien que tout cela peut prendre du temps et finir par échouer tout simplement. Dans ces conditions, l’incroyable est prévu : une application « provisoire » du traité aura lieu !

C’est ce que prévoit la décision du Conseil en date du 30 octobre. « L’accord économique et commercial global (CETA) entre le Canada, d’une part, et l’Union européenne et ses États membres, d’autre part, est appliqué à titre provisoire par l’Union conformément à son article 30.7, paragraphe 3, dans l’attente de l’achèvement des procédures nécessaires à sa conclusion ». C’est incroyable mais vrai. Le Conseil a décidé que l’accord s’appliquerait même si aucun pays ne l’a ratifié ! Le coup vient de loin car l’article 30.7 du texte de l’accord CETA précisait déjà le calendrier de cette application : « Les parties peuvent appliquer provisoirement le présent accord à compter du premier jour du mois suivant la date à laquelle elles se sont notifié réciproquement l’accomplissement de leurs obligations et procédures internes respectives ».

Aucun dirigeant, aucun gouvernement ne peut donc dire qu’il ne le savait pas. Tout a été négocié et décidé pour réaliser ce coup de force. C’est au point que même l’avis du Parlement européen devient inutile. Le site de la Commission européenne, division Commerce, nous indique que cette mise en œuvre anticipée peut avoir lieu sans même attendre ce vote du Parlement européen ! « À la suite de la décision du Conseil, il sera possible d’appliquer l’AECG (CETA) à titre provisoire. ». Enfin, la majeure partie de l’accord peut alors être appliquée de manière anticipée : seuls les tribunaux d’arbitrages et les chapitres concernant la propriété intellectuelle en sont pour l’instant exclus. Et dans le cas où un état refuserait de valider l’accord alors que la mise en œuvre anticipée est déjà engagée aucune procédure n’est prévue pour stopper l’application de l’accord. En clair : le CETA, que vous en vouliez ou que vous n’en vouliez pas, c’est pareil !

Autant dire que le vote du 15 février n’est qu’une formalité, voire une politesse faite aux députés à qui l’on fait semblant de demander leurs avis. C’est d’ailleurs ce que semble penser le nouveau président conservateur du Parlement européen, Antonio Tajani. Il est tellement confiant dans le résultat du vote, qu’il a même pris la liberté d’avancer la venue du Président canadien au Parlement de Strasbourg. Justin Trudeau devait en effet venir en mars. Il sera là dès février. C’est qu’il s’agit aussi pour lui d’accélérer la procédure pour prévenir toute tentative d’opposition et ainsi asseoir son autorité au sein des institutions européennes. D’ailleurs M.Tajani avait prévenu avant son élection qu’il ne serait pas question avec lui de « ré-ouvrir les négociations sur le CETA ». De toute manière, on ne peut guère s’attendre à ce qu’une personne ayant déclaré, alors qu’il était commissaire au transport « Le Dieselgate n’est pas un problème pour moi », s’interroge sur les impacts écologique d’un tel accord.

Car le CETA est en totale contradiction avec le – déjà bien insuffisant – accord de Paris sur le Climat (COP 21). D’ailleurs, l’accord de Paris n’est même pas mentionné une seule fois dans les 454 pages de l’accord UE-Canada. Et les deux chapitres consacrés à l’environnement (chapitre 22 – «Commerce et développement durable» et chapitre 24 – «Commerce et environnement ») ne contiennent aucun élément contraignant. Pourtant, l’impact d’un tel traité de libre-échange sur le réchauffement climatique est conséquent. Même la Commission européenne reconnait dans son étude d’impact que l’augmentation prévue des échanges marchands (+23%) aura un impact négatif sur les émissions de gaz à effets de serre avec une augmentation des émissions de méthane et d’oxyde d’azote. Alors même que l’UE s’est engagée à réduire ces émissions de 40% d’ici 2030.

L’accord prévoit également de faciliter l’importation d’énergie fossile en provenance du Canada et plus particulièrement de sables bitumineux dont l’extraction et l’exploitation produit 1,5 fois plus d’émission de gaz à effet de serre que des pétroles conventionnels. Les échanges prévus entre l’UE et le Canada concernent pour une grande partie des produits agricoles avec notamment l’ouverture de quotas de dizaines de milliers de tonnes de bœuf et de porc canadiens exportable dans l’UE sans droit de douanes. Encourageant d’autant les fermes-usines canadiennes qui produisent à bas prix au détriment des petites exploitations, de la qualité des produits, du bien-être animal et des circuits-courts « production-consommation ».

Enfin, le mécanisme de règlement des « différents » contenu dans le traité, et même sous sa forme un peu édulcorée de Cour spéciale sur l’investissement (ICS), permettra aux entreprises d’attaquer les décisions des États, notamment dans le cas de mise en place de législation protectrice de l’environnement comme par exemple l’interdiction de la fracturation hydraulique dans l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste.

Pour ma part, j’alerte sans relâche sur les dangers de ce traité depuis 2013, et je signais encore ce samedi, à l’occasion de la journée de mobilisation européenne « Anti-CETA », une tribune à ce sujet. Et je voterai contre au Parlement européen.

Car, alors qu’il préfigure l’avenir de nos relations commerciale avec l’outre-Atlantique, le sujet se fait bien discret dans la présidentielle française. Et pour cause ! Les principaux candidats soutiennent cet accord, sans probablement même savoir ce qu’il contient. Ainsi Fillon déclare à qui veut l’entendre que « Le CETA est un bon accord » tandis que Macron ânonne que « Ce traité améliore la situation par rapport à l’actuelle ». Et la délégation socialiste du Parlement européen, après avoir soutenu, tout du long, le processus, vient de découvrir que le traité n’était finalement pas bon. Et alors que ses membres n’ont rien fait pour empêcher son adoption en commission parlementaire, ils jurent aujourd’hui, la main sur le cœur, qu’ils s’y opposeront de toute leur force. Pour ma part, je crois que leur capacité à s’opposer à quoi que ce soit n’est pas plus sérieuse que celle de Mme Le Pen qui prétend lutter contre le CETA sans même prendre la peine d’aller voter contre son adoption en commission « Commerce international » lundi 23 janvier.


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