fév 17 22

stopcetaLe CETA vient d’être validé, le 15 février dernier, par le Parlement européen. Je veux faire ici un point précis. Et récapituler mes arguments d’opposant à ce traité. Et je commence par l’étude politique du vote. Si on fait les comptes par groupes, les 408 voix en faveur du traité et 254 contre montrent que ce sont les sociaux-démocrates, majoritairement pour le CETA, qui ont rendu possible cette défaite des progressistes. Cela d’ailleurs se fait en cohérence avec leurs engagements passés. Nous ne sommes pas dupes !

Le président Hollande a soutenu le CETA, au nom de la France, le 30 octobre 2016 devant le Conseil européen. En novembre 2016 Mathias Fekl, secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur et un temps pressenti pour être directeur de campagne de Hamon déclarait encore « le CETA est un bon accord ». Le 2 février 2017 ce fut un point d’orgue. Les sociaux-démocrates n’ont même pas daigné venir voter à l’Assemblée nationale au moment où était présentée une résolution déposée par le groupe Front de Gauche qui s’opposait au CETA en demandant un referendum. La résolution proposait aussi la saisie de la cour de justice européenne sur la légalité du CETA. Benoît Hamon lui-même était absent. Quant aux députés PS incapables de trancher entre les pour et les contre, ils décidaient de s’abstenir. Ne perdons pas de vue que pendant ce temps plus 4 millions de citoyens européens ont signé une pétition d’opposition à l’appel d’initiative citoyenne européenne et des 2 000 Collectivité locales s’étant déclarée zone hors-CETA et hors TAFTA.

Pourtant, les raisons de contester cet accord sont nombreuses, comme on le sait et on l’aura répété pendant des mois. Mais le plus frappant c’est que bon nombre d’entre elles sont confirmées par les organismes responsables. Ainsi sur l’emploi en Europe. Les études les plus optimistes de la Commission n’osent pas promettre plus de 0,018% d’augmentation d’emploi pour les 10 prochaines années. C’est optimiste. Car des études indépendantes un peu plus documentées prévoient des pertes d’emploi effectives s’élevant à 204 000 dans l’ensemble de l’Union. Cela veut dire 45 000 en France, 42 000 en Italie et 19 000 en Allemagne.). En effet seront directement menacées les 20,9 millions de PME européennes qui seront dès lors exposées à la concurrence avec les entreprises canadiennes. D’autant que les conditions de travail et salariales ne sont pas les mêmes des deux bords de l’Atlantique. Le Canada n’a, à ce jour, toujours pas ratifié la convention de l’OIT sur le droit d’organisation et de convention collective et ne dispose toujours pas de mécanisme de sanctions pour les cas de violation des droits et de la réglementation en matière sociale et du travail. Dans ces conditions, les objectifs même de croissance envisagés par la Commission ont été revus à la baisse. À côté des discours pompeux et pleins de promesses, ses propres chiffres annoncent la déprime. Ils envisagent au mieux une augmentation du PIB de 0,03% à 0,08% par an en Europe.

Ce traité aura également des incidences sur la politique de coopération internationale. Car l’augmentation du commerce UE -Canada sera fera principalement au détriment du commerce de l’UE avec les pays en développement, essentiellement l’Afrique. Cela aura nécessairement des impacts négatifs sur les débouchés économique de ces pays et donc sur leur développement. Accroissant du même les inégalités Nord/Sud et les pressions migratoires qui en découlent.

Cette augmentation des échanges (prévision de 23% d’augmentation) avec le Canada aura également un fort impact sur l’environnement. Car elle entraînera de fait une augmentation des transports et donc une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, notamment de méthane et d’oxyde d’azote. Ces données sont confirmées par l’étude d’impact de la Commission elle-même ! Où sont alors passés les engagements de réduction des gaz à effets de serre de 40% d’ici 20130 pris à l’occasion de la COP 21 ? D’ailleurs l’accord de Paris n’est pas cité une seule fois dans le texte de l’accord. Et les deux seuls chapitres de l’accord CETA évoquant à l’environnement (chapitre 22 «Commerce et développement durable» et chapitre 24 «Commerce et environnement ») ne contiennent aucune mesure contraignante. Cet accord facilitera de plus l’importation d’énergies fossiles en Europe, particulièrement les sables bitumineux canadiens dont l’extraction produit une fois et demie davantage de gaz à effet de serre que les pétroles conventionnels.

Le traité présente également des menaces spécifiques sur l’agriculture. Tout d’abord du fait de l’ouverture de quotas de dizaines de milliers de tonnes de bœuf et de porc canadiens sans droit de douanes. Les marchés européens seront envahis de viande produite dans des fermes pouvant concentrer jusqu’à 30 000 bêtes ! Ces produits issus d’animaux nourris à 90% de maïs OGM et soumis à des antibiotiques activateurs de croissance rentreront directement en concurrence avec les produits européens aux conditions d’élevage bien différentes. 90% des animaux d’élevage en France sont nourris principalement à l’herbe, les activateurs de croissance sont interdits en France depuis 2005. Ainsi l’accord encourage un modèle agricole fondé sur les fermes-usines canadiennes au détriment de petites exploitations de qualité, du circuit-court et du bien-être animal.

C’est aussi le patrimoine agricole européen qui est directement menacé via la non-reconnaissance de la plus grande partie des 4 500 Indication Géographiques Protégées (IGP). Seules 173 IGP sont reconnues dans l’accord excluant ainsi des spécialités locales reconnues telles que le Rocamadour. Et pire ! Certaines indications géographiques considérées comme « génériques » par le Canada pourront toujours être utilisées. Ainsi pour le Munster ou la Feta, les producteurs canadiens qui utilisaient ces mentions avant 2013 pourront continuer à les utiliser. Et pour les nouveaux venus sur le marché, ils leurs suffira d’ajouter la mention «style» ou «type» pour être autorisé à revendiquer un nom lié à ces appellations et commercialiser du fromage de style Feta ou autre atrocités…. De même, les producteurs canadiens de «jambon de Bayonne», de «Beaufort» ou de « Comté » qui utilisaient ces noms avant 2003 pourront continuer à les utiliser, à condition d’ajouter un élément distinctif («Comté du prince Édouard», «Beaufort range»…), et évidement les commercialiser y compris à l’export, notamment en Europe.

Enfin ce traité représente une menace pour la démocratie.

Négocié dans l’ombre depuis 2009, le contenu de l’accord n’a été dévoilé qu’en 2014 à l’occasion de la conclusion des négociations. Et l’on comprend mieux l’empressement de la Commission à nous le cacher quand on découvre qu’il prévoit un mécanisme de règlement des différends investisseurs-États via des tribunaux d’arbitrages. Ces juridictions à la solde des entrepreneurs permettront aux multinationales (canadiennes et aussi aux américaines ayant une filiale au Canada) d’attaquer les États. Enfin, son adoption par le Conseil comme par le Parlement européen s’est fait dans un contexte de pression inouïe cherchant à étouffer les débats et les voix discordantes. Et dès son adoption accélérée par le Parlement européen il va pouvoir être mis en œuvre de manière anticipée. L’accord s’appliquera totalement sauf les chapitres relatifs aux tribunaux d’arbitrage (protection des investissements) et à la propriété intellectuelle dès le printemps 2017 et cela avant même qu’il soit ratifié par les 28 États concernés selon leurs procédures nationales. Et dans le cas où l’un des 38 parlements appelés à se prononcer dans cette procédure, refuserait d’entériner l’accord rien n’a été prévu ! On ne sait même pas si l’accord serait remis en cause dans son ensemble ou juste dans le pays contestataire !!! Autant dire que tout est fait pour que les États obéissent sagement et valident sans rechigner.

Mais c’est sans compter le peuple français, insoumis par caractère. Il peut encore faire échouer l’application de ce traité sur son territoire.


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