sept 09 19

Aujourd’hui c’est mercredi et je suis à Strasbourg pour la session du parlement européen. Au cours de cette session monsieur Barroso va être reconduit dans sa fonction de président de la commission européenne.

AVANT LE VOTE
Lundi 19 heures. ON VOTE A PROPOS DU VOTE
«C’est peut-être toi le n’importe quoi !», réplique Joseph Daul  avec son bel accent alsacien à couper au couteau. Pan sur le nez de Daniel Cohn Bendit qui venait de l’interrompre avec une de ces interjections familières dont il a l’habitude. Car j’arrive dans un hémicycle agité. Il y a débat. On vote pour savoir si on vote. C'est-à-dire que les Verts et les Sociaux Démocrates veulent qu’on attende l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne pour voter à propos du Président de la Commission. Ils font remarquer qu’on va désigner un président de la commission aujourd’hui d’après les règles d’un traité qui n’existera peut-être plus dans un mois. Et de toute façon le reste des commissaires sera désigné sous un nouveau régime de droit. Il faut bien dire que ce n’est pas faux et même que c’est une base de l’Etat de droit que de respecter ses propres textes, quoiqu’on pense de ceux-ci. Non ? Donc nous allons voter avec eux, les Verts et ls sociaux démocrates. On m’a d'aileurs fait venir en courant dans l’hémicycle pour être sûr que je pourrai voter. Pas de problème. Je suis en place à temps. Mais je n’ai pas le record de mobilisation. C’est José Bové qui l’emporte, haut la main. Je ne l’avais pas vu. Je le croyais à Paris pour le meeting de soutien à notre camarade Jodar, syndicaliste de l’USTKE mis en prison en Calédonie dans les conditions provocatrices que j’ai déjà décrites ici. Pourtant, José est ici, à son banc. Et il va faire l’aller retour, ce que je ne savais pas possible. D'autant que même quand il ne fait rien il milite quand même car il a commencé un jeune de solidarité avec les producteur de lait. Quand on se croise on s'embrasse et on bavarde. Je n'ai pas l'air malin avec cette histoire d'aller retour car il suffisait de regarder les horaires. Autant pour moi, donc. Mais Martine Billard, député de Paris dans la circonscription où a lieu le meeting, est personnellement engagée. Elle représentait notre collectif politique. Pas de carence donc. Mais moi j’ai juste le regret de ne pas m’y être trouvé. Car Jodar est un homme que je connais et sa détention est une provocation calculée. Le pouvoir des oligarques locaux est en mouvement pour reprendre la main sur le territoire alors que depuis 1988 et ensuite les accords de Matignon, puis tous les votes du parlement, la cause kanak a tenu le haut du pavé de la légitimité. Mes regrets sont d’autant plus grands que, dans cet hémicycle, j’ai eu le sentiment de faire de la pure figuration. Au vote nous sommes battus à plate couture. Ma machine à voter ne fonctionne pas. Je fais donc un vote par écrit. Ici, au paradis des libéraux anti-état et anti-règlement on passe sa vie remplir des papiers.

Lundi 20 heures
A présent, nous allons avoir trente minutes de débat. Un régal. Une orgie de discours aura-t-elle lieu? Bien sûr tout le monde n’aura pas la parole. Mais chacun aura une interminable minute pour s’exprimer. Quel est le sujet de ce débat ? Il n’y en a pas. Chacun parle de ce qu’il veut. De toute façon il n’y a pas de réponse prévue. Le premier qui commence parle du sport et de la bonne santé. Trop long. Toc ! Coupé en route. Personne ne s’en rend compte. En effet, dans l’hémicycle c’est de nouveau l’ambiance de la place Jamal’fna à Marrakech. Tout le monde parle en même temps ! Heureusement beaucoup sont déjà sortis quand mon collègue communiste portugais prend la parole pour protester contre ce qui se passe au Honduras. Tout ce que le président trouve à lui dire est qu’il a dépassé son temps d’une minute de vingt trois secondes. Celui-là va sans doute nous parler avec des trémolos mouillés dans la voix de l'oppression soviétique et tout le tra la la. Comme elles étaient dures les dictatures avant! Et comme elles sont embarrassantes aujourd’hui avec toutes ces secondes perdues à en parler. Même molle indifférence sur les bancs et à la tribune des grands défenseurs de la liberté quand un orateur fait le tableau de la situation des populations sans défense de la bande de Gaza. Tout à l’heure ils iront verser leurs larmes de crocodile sur les ruines du mur de Berlin. Il n’est de bons murs lamentables que d’hier et déjà abattus. «Nous avons eu trente neuf interventions en quarante minutes. C’est un bon débat», déclare le président à la fin de cette scène. Je félicite les intervenants.» A présent il complète : «Je crois que la commission doit tenir compte de ce qui vient de se dire car sinon notre parlement ne serait qu’un défouloir. Je suis certain qu’elle va le faire car j’ai vu que la commission écoutait avec grand soin ce qui se disait.» minaude-t-il «  Et maintenant nous allons entendre une déclaration de la commission sur l’automobile et notamment la situation avec Ford ». Suit un nouveau morceau de bréviaire libéral sans signification particulière autre que de réciter les platitudes que l’on connait par cœur. Le commissaire qui fait des phrases est censé être chargé des affaires sociales. Il défend le marché et l’interdiction des aides et le refus du «nationalisme économique qui n’a pas sa place dans notre union» et ainsi de suite. Pour ce qui concerne le social, le bréviaire dit que les sacrifices d’aujourd’hui, nécessaires et indispensables, seront récompensés demain par des emplois. Tout juste comme on le fait en travaillant pour son salut éternel en souffrant aujourd’hui. Donc je fais une pause dans mes notes. A quoi bon continuer. Personne ne peut répondre à ce monsieur. Et si par hasard c’était le cas, on aurait droit à un temps d’une minute ou bien quarante secondes ou je ne sais quoi d’aussi grotesque. D’ailleurs quand commence la série des intervenants on a envie de pleurer. Même la Verte ne dit rien sur la place de la voiture dans l’économie du futur et se limite à des sornettes sur les emplois durables grâce aux vertus du marché. L’allemand de droite qui intervient fait l’apologie des productions de Ford et couine que la commission doit se prononcer sur le plan proposé par son gouvernement «dans un délai raisonnable». Au passage, toc, il jette un pétard ! Voici lequel : « j’espère que ce ne sera pas comme pour les banques, quoique dans ce domaine nous avons pu observer des délais très variables allant de vingt quatre mois pour les banques allemandes à  vingt quatre heures pour les banques hollandaises ». Goddam ! Joli revers ! On sourit sur les bancs. Aussitôt un député de droite portugais lève un carton bleu. « C’est la nouvelle procédure, se réjouit le président, avec votre permission votre collègue va vous interrompre pour vous interroger». Ca c’est la trouvaille. Comme le gouvernement ne répond à aucune question, les députés s’interrogent entre eux ! On va voir comment. Pour l’instant, le gars de la droite allemande n’a pas l’air spécialement réjoui : « bon d’accord, maugrée-t-il, si ça ne m’enlève pas du temps de parole» «Non, non, n’ayez crainte vous conservez vos douze secondes restantes, s’excite le président ». Aussitôt le portugais décharge sa question qui tue : «vous avez parlé d’un délai raisonnable, pouvez vous nous dire à quel délai vous pensez ?». «Merci cher collègue, s’extasie le président ! Nous voyons bien que la nouvelle procédure permet un débat beaucoup plus vivant car il faut bien dire que sinon ces débats étaient un peu ennuyeux dans le passé !» Le portugais est rouge de plaisir. L’allemand applaudit. Ces minauderies ont enfin leur terme ! «Vous avez la parole pour douze secondes encore, allez y cher collègue» relance le président. Etourdissant, non ? Je pense que nous atteindrons bientôt la densité d’une polémique dans un bureau des pompes funèbres. Je raccroche. Si j’avais su, j’aurais fait l’aller retour avec Paris et ma vie aurait eu un sens pendant plusieurs de ces heures inutilement anéanties à fournir le décor de cette pantalonnade.

Mardi 9 heures dix.  FORÊTS URGENTES
Ce matin d’abord des votes sans surprise sur le collectif budgétaire.  En réalité j’ai eu des surprises. D’abord quand on a voté une somme pour la forêt landaise sinistrée. Au total, les secours d’urgence auront mis neuf mois pour être décidés. On voit ce que l’urgence veut dire ici. 109 377 165 euros d’aide. Je ne comprends pas ce montant. Car la tempête Klauss a été reconnue comme catastrophe naturelle majeure avérée, avec 3,8 milliards d’euros de dégâts estimés. C’était un cas prioritaire ! Neuf mois de délibérations pour une priorité ! Si ce n'était pas si tristement absurde, on rirait de l'abîme qu'il y a entre la lenteur de la mise en œuvre de ce fonds, et la volonté affichée par ses créateurs de "permettre, par une prise de décision rapide, d'engager et de mobiliser, dans les plus brefs délais, les ressources financières spécifiques" Décision rapide, brefs délais, tout ça est écrit dans le «Règlement CE 2012/2002» du Conseil du 11 Novembre 2002 instituant le Fonds de solidarité de l'Union européenne selon mes assistants qui ont préparé le dossier. Le plan français de sauvetage de la forêt landaise avait déjà dû attendre 5 mois pour être autorisé par la Commission européenne qui le suspectait de violer la libre concurrence. Quelle horreur ! Pendant ce temps 40 millions de mètres cubes de bois pourrissaient et les coûts de sauvetage augmentaient faute de déblocage des aides à temps ! Par pur persiflage, on se rappellera pourtant qu’à l’automne, la Commission avait donné en urgence son feu vert à un plan bien plus considérable quand il s’agissait de sauver les banques! Pour les libéraux, le but de ce délai grotesque après la tempête est de s’assurer que le stock de bois tombé à terre ne va pas être subventionné. rien ne doit empécher que le dieu marché prélève tranquillement sa part de malheurs, de misères et de destructions sociales et environnementales qui lui permette de manifester ensuite ses effets bienveillants. Et s’il ne le fait pas, ce que personne ne peut savoir avec une culture qui demande vingt ou trente ans pour arriver à terme ? Eh bien : tant pis ! Car les victimes ne seront plus là pour protester. Et même si elles protestaient, qu’est ce que ca changerait ? L’union européenne se moque absolument de ce que pensent, veulent ou souffrent les gens. Voir le traitement réservé aux référendums. Ce n’est pas son objet. Son objet est la concurrence libre et non faussée. Comme si ça ne suffisait pas, une trentaine de voix se sont opposées à cette aide. Dont celle de Daniel Cohn Bendit. Je n’ai pas encore trouvé l’explication. Ca doit être sophistiqué. Mais ce ne sera pas la seule surprise.

Mardi encore le matin. MOUTONS NUCLEAIRES
Hé ! hé ! Voici le rapport Jutta A7-001062009. Le titre est extrêmement alléchant non ? Le temps de trouver la traduction en français et me voici confronté à un douloureux dilemme. Dans cette décision modificative il y a cinq rallonges budgétaires pêle mêle et il s’agit de répondre par un seul oui ou non. Voyons. De nouveaux crédits pour Europol, Olaf et eurojust. Dans la nov langue européenne il est facile de traduire ces sigles : euro-police, euro-frontière, euro-justice. Bien sûr, chacun de ces mots doivent être compris dans le cadre libéral qui veut souvent dire le contraire de ce que le bon sens suggère. Après ces trois paquets, voici un crédit pour faire face à la fièvre catarrhale de moutons ! C’est la maladie de la langue bleue. Rien de moins ! Par sympathie pour ces braves bêtes et solidarité avec leurs éleveurs, je suis tenté de vaincre mes doutes sur tout cet argent pour les frontières et la police. Mais voici un nouveau crédit. Cette fois-ci il s’agit du programme  complémentaire de recherche sur le réacteur nucléaire à haut flux de Petten aux Pays Bas ! Compris ? Les amis des bêtes seront repeints en amis du nucléaire d’un même coup de pinceau. Donc je vote contre et j’exprime mes regrets à tous les moutons atteints de la langue bleue en pensant que je vote aussi dans leur intérêt à long terme bien compris. Mais un vote pour cinq sujets aussi hétéroclites, c’est une trouvaille que seule un petite tête de techno peut avoir imaginée.

Mardi matin encore. MADRIGAL POLONAIS
Auparavant il y avait une séquence étrange pendant laquelle j’ai vu monsieur Barrot, le commissaire français parler dans un tohu bohu et une indifférence qui m’a sidéré. Au point que j’en ai fait une photo dont j’espère qu’elle rend compte de l’ambiance. Mais ce matin, la nostalgie anti-communiste est inscrite au cœur du menu. Le nouveau président du parlement, le polonais Buzek fait son madrigal d’installation. En face de lui, assis sur un premier rang constitué pour la circonstance, les anciens présidents trônent l'air inspiré. Ils sont disponibles pour toute séquence d’hommages et congratulations. Il n’en manquera pas. Après quoi, c’est le tour des députés de dire leur remarque après le laîus présidentiel. Un torrent de compliments émus passe. On nous beurre la biscotte de plusieurs couches épaisses d’émotion convenue sur cette présidence «historique» parce qu’elle est censée représenter l’Europe réunifiée et bla bla encore et encore. Seul ce pauvre Martin Schultz, président du groupe social démocrate fait rire tout le monde avec une grosse blague politicienne. En effet il rappelle que si beaucoup de monde évoque les cinq ans de présidence de Buzek, il rappelle qu’en deux ans et demi ce serait bien si tout était engagé. Ah ! Ah ! Tout le monde doit comprendre le sous entendu. Le brave Schultz rappelle ainsi de façon subliminale qu’un accord est conclu entre les sociaux démocrates et la droite pour que cette présidence tourne tous les deux ans et demi entre les sociaux démocrates et la droite !

Mardi 15 heures. BARROSO PARLE !
Yééé! Et voici Barroso dans l’arène! Habile homme. Il commence son discours en français excellemment parlé. Puis il enchaîne en anglais et je vois bien qu’il y jongle aussi. Ce qu’il dit est de la même eau que ce que j’ai déjà décrit à l’occasion de son passage devant mon groupe, la  GUE-NGL. Mêmes élans pour ne rien dire, même force du vent, Barroso nous joue le grand rôle pour son deuxième mandat : comment votre caniche est devenu un doberman. Un bon nombre d’orateurs vont d’ailleurs beaucoup ironiser sur ses élans en comparant avec son discours d’il y a cinq ans. Il faisait déjà les même promesses.. Le record d’ironie canonnière vient à Cohn Bendit. Barroso lui renverra la monnaie de sa pièce en lui disant qu’il avait presque de l’affection pour lui parce qu’il lui rappelle son adolescence. Tout ce grand monde rit à gorge déployée car Daniel Cohn Bendit les a beaucoup énervés et bien piqués. Quand arrive le tour de ce pauvre Martin Schultz, l’aboyeur du groupe «alliance progressiste des socialistes et des démocrates», tout le monde a le sourire au lèvre. Car tout le monde sait qu’il va faire un numéro de politicien. En effet, son groupe n’a pas voté encore pour fixer ce qu’il fera d’une part. D’autre part l’accord avec la droite est déjà vérifié par ce fait que les gouvernements sociaux démocrates ne proposent pas de candidat et soutiennent Barroso. On est servi. Humour a deux sous, vociférations sans contenu, Schultz est dans son rôle le mieux rodé : l’opposant d’accord avec celui qu’il attaque. Tout à l’heure Catherine Trautman, sera bien plus claire et directe. Au nom des socialistes français elle annonce qu’ils ne  voteront pas pour Barroso. Les autres socialistes européens font la tête. Quelle équipe que ces gens là ! Pendant les campagnes éléctorales ils roulent les mécaniques et chantent les louanges de leur grand parti qui permet, parait-il,de peser sur les évènements. Ils vont peser en se dégonflant comme des baudruches dans la confusion et l’incohérence. Bon, ça va être mon tour de parler. J’ai une glorieuse minute et demi de temps de parole. Je suis sur le grill. Le moment venu j’oublierai de me lever pour parler, moi qui ai horreur de parler assis. Et je déborde de 19 secondes. Le président me rappelle à l’ordre car il faut respecter le temps de parole un point c’est tout.. Dix neuf secondes de trop c'est trop! Ce n’est pas tout. L’huissier vient me demander si je suis empêché de me lever car le président me rappelle à l’ordre aussi sur ce point en admonestation privée. Bon. C’est mon jour. Autant pour moi. Je présente des excuses que l’huissier va rapporter au président. Tout va bien. Misère! Il est temps de glisser ici le texte de mon intervention.

Mardi 16 heures 25. UNE MINUTE QUARANTE NEUF DE HARANGUE
«Monsieur le candidat à la présidence, les institutions ne permettent pas à la gauche de présenter un candidat. Nous dénonçons cette situation de candidature unique et les accords politiques entre gouvernements de droite et les sociaux démocrates qui la rendent possible. En effet cette situation nie l’existence d’une large opinion européenne totalement opposée au modèle de construction libérale de l’Europe que vous incarnez. Ce modèle est celui qui précipite l’idéal européen dans un abîme d’abstentions hostiles aux élections européennes notamment dans les nouveaux Etats membres. Ce fait ne vous tire pas un mot de commentaires. Ce modèle est celui qui a transformé le rêve d’une Europe protectrice en une machine a détruire nos droits sociaux, nos industries nationales et qui dresse les peuples les uns contre les autres pour gagner leur pain. De plus en plus nombreux sont ceux qui disent : «d’Europe il ne vient jamais rien de bon !» Monsieur Baroso vous n’avez pas vu venir le désastre financier et la catastrophe écologique en dépit des nombreux avertissements qui vous ont été adressés. Au contraire, vous l’avez facilité avec cette dictature de la concurrence libre et non faussée qui étrangle nos sociétés, détruit l’esprit civique et nos services publics. Et maintenant vous changez les mots pour ne pas changer les choses. Mais votre programme se résume en une phrase : «dorénavant ce sera comme auparavant». C’est pourtant d’un grand changement dont nous avons besoin pour tourner la page du passé de ce système archaïque du capitalisme financier et du productivisme ! Les crises vont s’aggraver, nous le savons tous. Le changement pourrait donc commencer par le refus de vous investir. C’est pourquoi notre délégation vous refuse ses suffrages.»

APRES LE VOTE
Mercredi 16 septembre après midi. BAROSO SUPER-STAR
Ils ont donc réélu monsieur Barroso, dans un fauteuil. Celui-ci les a remercié à la fin de l’ovation debout qu’il a reçu de ces gens qui semblaient avoir remporté je ne sais quelle victoire contre je ne sais qui tant ils applaudissaient furieusement. De son côté Barroso a remercié le Parti Populaire Européen pour avoir « pris le risque » (sic en français dans le discours) d’affirmer son soutien des le début. Puis il a remercié le gouvernement social démocrate du Portugal et son premier ministre monsieur Socratés pour avoir porté sa candidature. Inutile d’évoquer les rires amers dans la salle sur nos bancs et notamment ceux de nos camarades portugais du Bloc de Gauche, notre «parti frère», qui auront des élections générales dans quinze jours au Portugal, le même dimanche que nos camarades allemands de Die Linke. Rendez vous dans les urnes, donc. N’empêche. Sans les abstentions et les votes favorables des sociaux démocrates monsieur Barroso serait resté en cale sèche. Comme j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur plusieurs médias et que je crois que cela a été vu et entendu je n’y reviens pas ici. Maintenir un libéral caricatural de la période qui est un des responsables du désastre financier que l’on sait est totalement pitoyable. Quelle désinvolture! On voit bien ici la limite de la prétendue démocratie d’opinion. Car l’opinion européenne exprimée de toutes les façons possibles dans la dernière période, et même à droite en France, a été massivement défavorable à monsieur Barroso. Cet épisode fonctionne comme une démonstration des effets possibles invraisemblables de l’effet de bulle en politique. L’union européenne est une bulle bien close. Ce vote restera je le crains dans les annales de l’histoire comme une manifestation de l’incurie de ce temps quand s’avanceront les désastres qu’il contient. J’espère que mes lecteurs ont bien noté que Barroso n’est élu que grâce à l’abstention du groupe socialiste du parlement européen. Ce point n’a pas été compris dans les moments qui ont suivi le vote parce que la règle du jeu est mal connue. Dans le cas présent ne sont comptés que les suffrages exprimés par rapport aux présents dans la salle. Dans ces conditions l’abstention est en réalité un vote favorable pour le mieux placé. Ce n’est donc pas un geste bien courageux de Martin Schulz, le président du groupe socialiste d’avoir demandé a ses députés de s’abstenir. Il a contribué à la victoire de Barroso. Si tout le groupe socialiste avait voté contre Barroso était retoqué. A présent c’est fait. «Je prie pour vous monsieur Barroso et je demande à la sainte mère de notre sauveur de vous inspirer les vertus de sagesse dont elle est si pleine» a déclaré un député conservateur polonais. Pourquoi pas, au point où nous en sommes dans cet hémicycle!

Mercredi encore, 16 heures. HOMOPHOBES
Eh! Celui là je connais son nom! C’est Landsbergis! N’est-ce pas le héros un tantinet folklorique de la lutte contre l’Union Soviétique en Lituanie? Peut-être un homonyme. Quoiqu’il en soit, en ce moment, un immense démocrate de ce nom est en train de défendre le vote contre une résolution qui vise son pays. Ce héros est en train de soutenir une loi votée en Lituanie qui organise la répression de l’homosexualité sous prétexte de protection de l’enfance. Un orateur se risque à faire remarquer qu’il est pitoyable de voir un pays qui a eu à souffrir l’oppression et qui a tant protester contre se mettre à organiser de telles formes dégradantes de répression. Il faut savoir que la Présidente lituanienne a opposé son veto à deux reprises à ce texte qui met sur le même plan l’homosexualité et la nécrophilie, entre autre sottise. Ce débat me change de mes démêlées d’hier à propos des moutons affectés de la langue bleue. S’agissant de l’homophobie de la majorité législative lituanienne, le commissaire Barrot a exprimé courageusement les «réserves» et même «l’inquiétude» de la Commission. Les homophobes de la Lituanie doivent frémir de peur. Mais comme l’a dit un intervenant de droite, favorable aux homophobes, l’Union Européenne n’a pas compétence dans ce domaine. Ce n’est pas l’avis des attaquants. Ils soutiennent au contraire que l’homophobie met en cause un droit fondamental dans l’Union. Bien vite le commissaire Barrot se presse de convenir que l’Union n’a pas compétence pour les lois sur la famille. Mais la loi homophobe peut remettre en cause les clauses concernant la création culturelle et sa diffusion médiatique et aussi la liberté du commerce électronique. Ca c’est du sérieux! Pour moi, il est temps de s’intéresser à ce que font réellement les pays baltes au lieu de les idéaliser. Ces pays contiennent des êtres humains comme les autres. Avec leur force et leur faiblesse, de droite et de gauche. Sans oublier les imbéciles largement répartis entre tous les camps. Il est absurde d’idéaliser ces pays et de fermer les yeux sur certains débordements qui ne seraient acceptés nulle part ailleurs. Le piédestal des premiers prix d’anti communisme est une vieillerie bien trop étriquée pour aider à vivre dans le moment présent. Cette réaction à la législation anti-homo de la Lituanie est un bon début pour une saine banalisation des relations entre les pays européens. Je déplore seulement qu’il n’y ai eu aucune réaction du genre de celles que nous constatons aujourd’hui quand les lettons ont décidé de payer des retraites aux anciens SS de leur pays. Disons pour l’honneur des gens qui sont ici, que la résolution qui flétrit la loi homophobe est portée sur tous les bancs, à droite et à gauche. Et de même en Lituanie. A présent je quitte mon banc au moment où commence la discussion d’une résolution a propos des traitements infligés aux animaux. On aurait tort de croire que cela ma fasse sourire le moins du monde. J’estime que la façon dont il est procédé dans le transport des animaux ou leur élevage hors sol est une des faces les plus hideuses de ce qu’est en réalité cette société du commerce et du fric ou un être sensible peut être traité avec moins de compassion qu’une chose.

L'EUROPE, HELAS
Je vais interrompre mon récit d’ambiance européenne. Je ne l’ai commencé que pour donner un autre regard sur la vie d’une institution en partant du vécu au fil des heures. Je n’ai pas l’intention d’enjoliver le tableau. Mais en faisant preuve d’ironie je ne crois pas forcer le trait. Bien au contraire. Il en reste tant à dire. Du matin au soir j’ai de bonnes raisons d’écumer de mécontentement. Voyez ces textes dont l’existence m’est révélée trois jours avant le début de la session. En version anglaise. Le programme de la séance, encore en anglais, absolument incompréhensibles qui ne permet de surcroit en aucune façon de savoir de quoi traite leur contenu. Que dire de ces réunions sans traduction, de cette désinvolture à bousculer les ordres du jour en dernière minute, et par-dessus tout, de cette obsession de la concision avec ces temps de paroles en spasme de crapaud. Je me garde pour l’instant de faire des rapprochements que l’on me reprocherait pour leur simplicité entre ces méthodes et le caractère intrinsèquement a-démocratique de cette institution. Mais je les pense de plus en plus fort. Et dans le même temps décroit la ferveur fédéraliste qui m’avait animé tant d’années. Car ce que je vois ne m’inspire rien qui vaille pour mon pays tant est violente, ici, la fureur idéologique des libéraux de tous les pays et puissant l’écho que leur renvoie le conseil et la Commission. Ici la plupart des conceptions qui sont un dénominateur commun de la culture politique française sont considérées comme des extravagances gauchisantes… Mars est plus proche de l'Union Européenne que la République française.


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