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La Belgique est un artefact récent. Il n’y a pas de Belgique, dans l’histoire profonde. Certes les belges sont mentionnés par César dans son récit de la Guerre des Gaules, en 52 avant notre ère. Mais ceux qu’il désigne sous ce nom occupent un territoire bien plus vaste et bien plus français, si l’on peut dire à l’époque,  que l’actuel Etat du même nom. Le reste de l’histoire dit mieux où sont les attractions culturelles. Je me suis régalé des aventures des liégeois et autres wallons sous l’ancien régime, complotant plus souvent qu’à leur tour avec les rois de France contre leur seigneur bourguignon. Bien sûr, on peut mentionner aussi nombre de grosses révolutions qui ont uni les bourgeois et leurs ouvriers, contre les féodaux de toute robe et allégeance, inclus les seigneurs mouvants du roi de France ! Mais il n’en demeure pas moins que l’atavisme français est si profond dans cette zone qu’elle constitua, de son plein gré, un département français à la suite de la révolution française de 1789.

En effet, en 1792, les troupes révolutionnaires françaises sont entrées aux Pays-Bas autrichiens et dans la principauté de Liège qu’elles ont libèrée de l’autorité despotique du saint empire germanique. Durant cette première libération, un plébiscite au suffrage universel est organisé. La population vote avec enthousiasme en faveur de la réunion du Pays de Liège à la France. Il est vrai que cette union prend le sens d’une révolution politique contre la monarchie et son fatras, au sens français d’alors, davantage que d’une question ethnique ou linguistique. Au début de 1793, les autorités françaises décident donc de réunir le comté de Hainaut et le Tournaisis pour former un nouveau département français : le département de Jemmapes. Ce sera le seul territoire de l’actuelle Belgique uni à la France à cette époque. Ce territoire fut officiellement rattaché à la République en 1795. Tout allait de soi.

Il faudra la défaite napoléonienne et la hargne anti française des anglais pour qu’apparaisse, au Congrès de Vienne de 1815, un Etat tampon, destiné à empêcher les français de maîtriser les côtes les plus proches d’Albion. Les anglais pensaient ainsi contenir la supposée volonté d’expansion des français. Pour fabriquer la Belgique, l’Europe de la revanche des rois et de la contre révolution, unit Pays-Bas méridionaux et les Provinces-Unies en confiant le tout aux monarques des Pays Bas. Quand, à la suite de la nouvelle révolution en France en 1830, les belges se débarrassent du roi dont les anglais les avaient affublés, ils brandissent encore le drapeau tricolore des français. Mais pour écarter le spectre de l’union avec la France, les garde barrières de l’Europe post napoléonienne, stipendiés par les anglais une nouvelle fois,  affligèrent les belges d’un drapeau aux mêmes couleurs que celui des Pays-Bas mais à la verticale et avec le rouge côté hampe ! Personne n’avait rien demandé de semblable ! Et le drapeau fut aussi artificiel que l’Etat qui l’affichait. N’empêche que jusqu’en 1878, la seule langue officielle de la Belgique sera le français. Puis un lent grignotage va donner au Flamand une assise et des exigences, puis des sectarismes, qui culminent aujourd’hui dans les persécutions contre les francophones majoritaires dans plusieurs communes des alentours de Bruxelles.

Bien sûr, ma façon de raconter cette histoire est orientée par mon « unionisme» aussi raisonné que spontané. Je ne me sens pas obligé de ratifier les haines anti républicaines du congrès de Vienne. Je préfère une France nombreuse et englobante à la petite chose rabougrie que dépeignent les « déclinistes » et les projectionnistes du COR. Il est vrai que je me demande pourquoi les wallons sont si timides face à l’arrogance flamande. Jusqu'à quel point d’humiliation sont-ils disposés à se laisser enfermer avant de tirer l’échelle ? Mais comme il est vraisemblable que les flamands le feront de leur propre chef et sans rien attendre ni entendre, à quoi bon s’exalter ? Laissons faire la nature, elle nous servira si bien ! Peu importe ce que nous nous figurons ou pensons. Ce qui compte c’est que le mouvement spontané du nationalisme flamand mine ce royaume folklorique d’une façon qui résume bien l’impasse du projet européen.

Quoi de plus conforme au style néo-babélien de l’union européenne que ce royaume ! Il fait varier ses frontières internes et les droits de ses citoyens selon les résultats de recensements linguistiques ! La Charte des langues régionales l’a rêvé, la Belgique l’a fait !  Voyez ces institutions empilées  (cinq niveaux de parlement !), son roi de circonstance et son régime d’Etat faible ! C’est un véritable hologramme du fatras institutionnel de l’Union avec son président de commission concurrent du président tournant et du président fixe, pour ne rien dire des mille feuilles aussi baroque que l’organisation de la politique étrangère ou la cogestion entre le parlement et la Commission, j’en passe et des moins belges ! Que la querelle s’enkyste à propos du statut des sujets-citoyens francophones des circonscriptions de la région de Bruxelles, capitale auto proclamée de l’Union européenne, quoi de plus emblématique ? La concurrence libre et non faussée appliquée à la vie des peuples donne ce résultat que les uns ne veulent plus des autres quand il s’agit de payer et d’être solidaires. La rapacité flamande est le visage emblématique de tous ceux qui refusent aussi à la Grèce les secours que l’agression qu’elle subit devrait lui valoir. L’Union européenne qui agonise à Bruxelles en tant que mode de fonctionnement institutionnel est déjà morte à Athènes pour le même motif. L’égoïsme n’est pas un contrat social.

J’ai dit ces choses à ma manière et je me doute qu’elles vont choquer. Mais je les ai toujours présentes à l’esprit quand il s’agit de penser le futur de notre continent. Et celui de notre patrie républicaine. Les permanences de l’histoire sont aussi actives en sont sein que nos rêves et projet. La lucidité commande de composer avec les unes pour soutenir les autres. L’union de l’Europe a été tentée maintes fois dans l’histoire. Toutes ont été des échecs. Toutes ces tentatives ont en commun d’avoir pensé pouvoir se dispenser de la démocratie au profit d’un autre principe d’organisation supposé supérieur et plus efficace pour unir les peuples que la citoyenneté et l’intérêt général. Le roi, l’empereur, le Christ, la race, le marché libre et non faussé. Tout a été tenté et parfois tout en même temps ! Mais jamais le peuple, sa volonté générale et son intérêt général.

Ce n’est pas nous les prétendus « xénophobes » que dégoisaient les amis du traité de Lisbonne  qui avons mis le feu aux poudres qui explosent à présent ! Au contraire ce sont les amis du volapuk européiste, leurs poses affectées et bien pensantes, leurs obsessions à propos des bienfaits spontanés du libre commerce et de la dérégulation comme seule matrice d’un destin commun qui ont organisé cette ruine calamiteuse du noble idéal européen. Et ça ne fait que commencer. L’incitation à l’égoïsme, à la compétition de tous contre chacun ne se contentera pas de démanteler la vie commune des peuples privés de service publics et jetés les uns contre les  autres pour le pain  quotidien à coups de directive services. Elle va faire merveille aussi pour l’unité de tous les Etats récemment constitués en Europe. Je pense à l’Italie ! Mais on verra ce qu’il en sera de l’Espagne et de ses « autonomies »,  le moment venu des sacrifices promis à toute l’Europe par les agences de notations et leurs vigilants protecteurs allemands ! Attendez que la France soit agressée à son tour par les pourfendeurs de déficits et que nos amis allemands nous traitent comme des grecs et alors on verra où mènent ces folies.

 


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