Quelle ambiance dans ce parlement européen ! C’est de la propagande à jet continue. Mercredi, nouvelle cataracte de bons sentiments et de propagande anti communiste. Il s’agit d’un lot de résolutions bêlantes et d’une séance de vulgarité totale à propos de la réunification allemande. Madame Merkel n’est pas là. C’est dire l’intérêt que soulève la séance chez les importants. Mais on a sorti de la naphtaline Lothar De Mazière, le dernier premier ministre de l’Allemagne de l’est. Un bigot qui se réclame de son identité de « huguenot », cire les pompes du pape comme vainqueur du communisme et ainsi de suite. Un flot de bla bla prétentieux qui se garde bien d’aborder le bilan de cette réunification pour les allemands eux-mêmes. Et pour l’Europe qui l’a financée. Et sur les raisons qui conduisirent ces messieurs-dames les gouvernants allemands de l’époque à trainer plus d’un mois pour reconnaitre la frontière à l’est du nouvel état unifié. La fameuse ligne Oder-Neisse. Hésitation qui manifeste mieux que tout ce que les permanences de l’histoire veulent dire. Et après ça, voilà Jacques Delors invité à nous édifier. Un compatriote. Un socialiste. Mis en place par François Mitterrand à la tête de la Commission. Mais lui ne dira pas un mot du président défunt. Il n’hésitera pourtant pas à se citer lui-même, en toute modestie bien sûr, et après avoir fustigé l’ingratitude des successeurs qui ont oublié leurs devanciers. Il faut l’entendre pour le croire. Je garde pour moi ce que m’inspire la démocratie chrétienne internationale qui aujourd’hui fait la fête à ses patriarches sous prétexte d’unité allemande. A la fin de ces ondées lénifiantes on joue un prétendu hymne européen en présence d’un prétendu drapeau européen. On se lève sur nos bancs, mais on n'en pense pas moins. Et voilà Gollnish député d’extrême droite qui fait l’habituel numéro de circonstance. C'est-à-dire rappeler que le drapeau et l’hymne ont été retirés du traité de Lisbonne. Cris, tumulte…Le président du groupe de droite Parti populaire européen, le français Joseph Daulhe vocifère et déclare que ceux qui soutiennent cette position n’ont qu’à renoncer à leur indemnité. « Profite et tais-toi », en quelque sorte ! C’est rafraichissant. Mon voisin, Jacky Henin, qui se contenait à grande peine depuis le début de ce bal de faux cul, explose de colère : « donc on a juste le droit d’être d’accord, sinon on doit rembourser ! » Moi je n’en peux plus non plus.
Vite, on fait encore une cinquantaine de votes à la chaine. On vote une résolution contre la peine de mort dans le monde en exigeant de tous les pays qui la pratiquent des comptes. Tous, sauf les Etats Unis d’Amérique, bien sûr. Et, ouf, ça y est c’est fini ! Pas un mot sur le coup d’état en Equateur, bien sûr ! Si le dalaï lama s’était fait voler une sacoche à sa mobylette le parlement européen aurait dénoncé un complot communiste. Mais un président élu qui se fait tirer dessus par des policiers qu’est-ce que c’est ? Une mutinerie de la police, pas davantage. Indigne d’une délibération de notre noble rassemblement des amis des droits de l’homme !
Je résume la vision de l’histoire qui nous a été assénée cette fois ci comme les autres. L’Europe a été libérée par les américains sans l’aide de personne ni que l’URSS et ses vingt millions de morts au combat y soit pour quelque chose. Puis, l’Europe a été victime du communisme dont elle a été libérée par le pape disant aux polonais « n’ayez pas peur ». L’Allemagne a été réunifiée par enchantement et les français n’avaient rien à dire sur le sujet. Grâce à Jacques Delors au pape et à Helmut Kohl, et un peu Georges Bush l’essentiel a été réalisé sans verser une goutte de sang ce qui prouve bien le côté fondamentalement pacifique de l’ouest. Ah, la réunification ! Quel « cela-va-de-soi-tout-est-bien ». De son côté, nos camarades de Die Linke ont un autre bilan de cette bonne action fondamentale de l’ouest bienveillant à l’égard de l’Est martyrisé. En effet, le rapport annuel du gouvernement allemand sur l’état de l’unité allemande arrive à la conclusion que la réunification serait en très bonne voie. C’est une estimation erronée, selon la présidente de Die Linke, Gesine Lötzsch. Je publie donc son texte, traduit par Claudine Girod.
20 ans d’unité allemande? Un regard réaliste. « L’ « unité allemande » est évoquée et fêtée à grands renforts d’argent par le gouvernement fédéral. Mais dans les têtes et dans la vie de millions d’hommes, elle n’a pas réussi parce que tous les gouvernements fédéraux des 20 dernières années ont tout fait pour semer la discorde entre l’Est et l’Ouest. CDU/CSU, FDP, SPD et Verts ont fait de l’Allemagne de l’Est un « pays Hartz IV ». (Il s’agit d’une réforme extrêmement dure du gouvernement du socialiste Schröder qui a notamment réduit drastiquement les indemnités des chômeurs). La rénovation des centres villes, la construction d’une infrastructure de réseaux et de voies de communication sont sans doute aucun des progrès. Mais ceci ne doit pas cacher l’aspect le plus important : les personnes, en Allemagne de l’Est trouvent moins de bons emplois, les salaires et les retraites ne sont toujours pas au même niveau. Il y a un manque de places en formation pour les jeunes, et ceux-ci n’ont aucune chance de promotion. C’est pourquoi par exemple plus de la moitié des soldats qui sont engagés dans la guerre en Afghanistan viennent de l’Est.
La chancelière vient de l’Est. Mais elle non plus – comme tous les gouvernements qui l’ont précédée- n’a rien fait pour donner aux allemands de l’Est une chance de bonne formation et de promotion dans cette société. Il n’y a aucun ministre ou secrétaire d’état, aucun directeur de chaîne publique de télévision, aucun rédacteur en chef de la presse nationale, aucun général de l’armée fédérale, aucun ne juge au tribunal constitutionnel fédéral, qui vienne de l’Est. On aurait pu parler d’une vraie unité entre Est et Ouest si au moins quelques acquis de la RDA avaient été introduits à l’Ouest, comme par exemple les crèches et les polycliniques.
Casse sociale à l’Est et à l’Ouest. Tous les gouvernements fédéraux soignent tant bien que mal l’Allemagne de l’Est, sans véritable succès. Si on mesure les résultats à l’aune des moyens investis, alors le résultat est honteux. Les gouvernements fédéraux ont porté la casse sociale à l’Ouest. Depuis la chute du mur beaucoup de gens des anciens Länder ont vu leurs conditions de vie empirer. Les salaires baissent, il y a de plus en plus d’emplois qui ne permettent pas de vivre. Pour les indemnités de chômage, il y a eu la réforme Hartz IV. Avec la perte de compétitivité du système, c’est l’économie sociale de marché elle-même qui est mise en pièces. Plus la situation sociale empire pour les citoyens de l’Est et de l’Ouest, et plus les attaques contre la RDA, disparue depuis 20 ans, ont tendance à disparaître. Die Linke a tiré les leçons des erreurs de la RDA et des 20 dernières années. Nous avons compris que le capitalisme d’aujourd’hui ne peut pas résoudre les problèmes des allemands de l’est et de l’Ouest, pour ne rien dire de ceux du monde. DIE LINKE lutte pour une société où ce ne sont ni les profits ni la peur qui gouvernent, une société qui n’exclue pas, qui n’humilie pas les hommes, une société qui mise sur la solidarité et la justice. »