Les décisions brutales de l’UE confirment sa dérive autoritaire
Le 23 Juin, à Bruxelles, au parlement européen se votait le paquet des mesures de cohésion décidées pour mettre toute l’Europe au pas de la politique d’austérité. C’est tellement barbare que le front du «oui » au traité de Lisbonne s’est rompu. Les socialistes ont voté contre et même le Verts ont rejeté une partie des textes. Je sais que vous trouvez parfois lassant mes commentaires sur l’actualité des décisions européennes. Je me sens tenu pourtant d’y revenir car cette fois-ci j’estime qu’un seuil a été franchi dans la dérive autoritaire de l’Union Européenne. J’y reviens donc. Pour caler ma pensée par écrit, bien sûr. Et aussi parce que cela fait partie de l’idée que je me fais de mon mandat. Je reviendrai sur ce point très bientôt puisque j’ouvre un blog spécialement réservé à mes travaux parlementaires en utilisant le matériau que constitue depuis le début de mon mandat mes résumés de textes et mes explications de vote. Aujourd’hui c’est la gravité de la situation qui me ramène au sujet. On devine le contenu économique de la politique qui s’appliquera désormais. Je vais y venir. Le fait nouveau est que dorénavant cette politique s’appliquera de gré ou de force. C’est le point essentiel. Une mutation fondamentale du système politique de l’Union s’opère. Je suis frappé de la faiblesse du débat sur le sujet, et pour mieux dire, de son inexistence.
Le système mis en place prévoit une politique économique, des indicateurs de réussite obligatoire dans le cadre posé et des sanctions pour les récalcitrants. Oui, des sanctions. Leur absurdité saute aux yeux. Il s’agit d’une amende correspondant à une fraction de la richesse totale du pays. Prendre de l’argent à ceux qui en manquent, quelle trouvaille ! La décision de prendre cette sanction est l’apanage de la Commission et d’elle seule. Il n’est possible de s’y opposer en réunion du conseil des gouvernements qu’en réunissant une majorité qualifiée contre l’amende. Autant dire qu’elle devient automatique. C’est un changement considérable à mes yeux. Jusque là les nations déléguaient au niveau européen des compétences qui relevaient jusque là de sa souveraineté. C’était un acte libre, sans contrainte. De bas vers le haut en quelque sorte. A présent c’est la Commission qui a le droit de prendre et de contraindre un Etat que ce soit en le menaçant de sanction ou en les lui appliquant.
Il est évident que ce système ouvre une nouvelle ère dans la construction européenne. Celle de la souveraineté limitée sous contrainte des nations qui composent l’Union. C’est une sorte de fédéralisme autoritaire qui est institué. Mais au moment où l’arrogance est la plus grande, cette nouveauté signe la faillite d’un modèle de construction. Car c’est bien de cela dont il est question. Ce système ne peut pas marcher. Même dirigé par des lâches ou des illuminés du libéralisme, quelle nation acceptera en pleine crise de payer des amendes aussi terribles ? Au total un tel ordre contraint ne peut marcher qu’en évacuant aussi loin que possible l’intervention des citoyens. L’Europe de la contrainte ne peut tenir que par contrainte. Nous voici rendus donc au point que pronostiquait Emmanuel Todd dans son dernier livre lorsqu’il prévoyait que la fin de la démocratie est un des moyens du système pour bien fonctionner et davantage encore pour éviter sa mise en cause.
Quand nous faisions campagne en 2005 contre le TCE, nous dénoncions souvent cette tentative de constitutionaliser un modèle économique et de faire de ses normes un invariant perpétuel. Nous rappelions qu’une telle prétention ne se retrouve que dans la Constitution de la république islamique d’Iran. On nous objecte que ce qui se fait aujourd’hui n’a rien à voir avec une idéologie en particulier. Ce serait juste une politique de bons sens et peut-être même d’évidence. Seulement de la bonne gestion pour tenir les comptes en ordre. Je ne fais pas l’injure aux lecteurs de ce blog de reprendre le raisonnement qui montre comment il ne s’agit au fond que d’obliger les Etats à nourrir sans fin l’appétit de banques. Et en tout cas de maintenir un ordre économique où le capital financier transnational conserve tous ses droits acquis en trois décennies d’amputation de tous les autres compartiments d’activité économique et humaine.
Ici encore, le maître des lieux, à cet instant de décisions si brutales, montre encore le nez. Sachez que la seule exception acceptée pour des dépenses nouvelles d’un Etat serait celle qui résulterait de la mise en œuvre d’un programme de privatisation des retraites. Oui. Pourquoi cela ? Parce que l’instauration d’un régime de retraite par capitalisation ne marche jamais s’il n’est pas encouragé par des avantages fiscaux. Et cela coute. Donc, comme l’objectif et la recommandation du nouveau pacte "euro plus" c’est la mise en place des retraites par capitalisation il ne fallait pas que le plan de contrainte des dépenses des Etats n’empêche la poursuite de la manœuvre. Je vois là comme une signature ! Souvenez-vous que ces gens qui considèrent les retraites par capitalisation comme des dépenses prioritaires ont refusé de retirer du calcul des déficits un investissement pour l’avenir comme le sont les dépenses dans le budget de l’éducation. Tout est dit, non ?
Il n'y a pas sur ton blog Jean Luc, ou alors je le trouve pas, de lieu où on peut t'envoyer des messages pas forcément reliés à un article en particulier.
C'est dommage, il faudrait que tu entendes certaines choses, par exemple cette histoire de "sortir de l'euro" c'est du maréchalisme, je suis désolé mais c'est un peu court et c'est bêtement polémique contre Le Pen. Ne la met pas en valeur bon dieu, cette c...
Et sur l'euro consulte Sapir et d'autres. On est à la veille d'une catastrophe !
Ce blog m'apprends de manière didactique tout ce que je cherche sur les enjeux cachés de cette décennie, et que l'oligarchie actuelle et les medias volontairement serviles, passent au second plan- que dis-je relèguent à l'oubli, focalisés qu'ils sont à formater les esprits, et conditionner la plèbe à l'acceptation de tout par peur que cela n'aille encore plus mal....La culpabilisation généralisée des petites gens, et des classes moyennes, y compris des méfaits qu'ils sont les premiers à subir- bulles financières qui ne tarderont pas à recommencer pour l'enrichissement de ceux qui les organisent, endettements des etats, otages volontaire pour prendre en charge les pertes bancaires - ou plus précisement pour opérer un transfert de richesse à leur profit, politiques de contraintes et de précarisation pour maintenir un ordre de la peur et éviter trop de contestations, mercantilisme généralisé imposé comme "système pour s'en sortir" -y compris jusqu'à la recherche d'un emploi meme sous-payé - qui devient le privilège de ceux qui font montre d'adhésion au système par une course aveugle derrière les "réseaux"....et ainsi la boucle est bouclée, tout n'est plus que soumission à la règle, acquisition de privilèges (au mérite) et érosion de toute tentative de sens critique!
Il est temps que JLM nous fasse un livre blanc à destination du grand public , que dis-je un " l'europe pour les Nuls" pour dénoncer ce qui se trame depuis une décennie, et montrer la spirale qui s'est mise en place pour constitutionnaliser une theologie néoliberale, par des methodes si peu démocratiques appuyée sur la peur, la menace, et le dictat de ceux qui "ont et savent".....
Ce livre serait une acte de résistance, et d'orientation du débat pour la présidentielle vers les vrais enjeux au niveau européén - voir mondial pour ce qui est de la finance, plutot que de laisser la bienpensance dominante imposer les thématiques de la peur et de l'echec et l'explication des mesures "raisonnables et responsables" pour en assumer les conséquences!
Un grand merci...
Bonjour,
AH, non, non, cher Jean-luc Mélenchon, vous ne nous ennuyez pas du tout sur vos commentaires.
" Je sais que vous trouvez parfois lassant mes commentaires sur l’actualité des décisions européennes."
Vous êtes, au contraire le premier "candidat" à nous éclairer : c'est si important de pouvoir être éclairés, nous, citoyens dans un régime démocratique qui n'en n'est plus un! quand je pense que nous avons voté, NON, comme vous, au Traité de Lisbonne et que nous en sommes là! Nous ne savons jamais rien, si peu de se qui se joue à l'UE : il est temps de savoir pour pouvoir, enfin prendre notre destin en main car la démocratie appartient au peuple et pauvre peuple que nous sommes aujourd'hui, nous sommes roulés dans la farine et tout le monde parait se taire en s'en accommodant, en ce moment, en France.
Continuez donc, nous vous lirons et merci encore, très cordialement, Marie-Laure Borel, animatrice, citoyenne.
La politique de l'Union européenne devient de plus en plus autoritaire, et la responsabilité de la Commission européenne est évidente. Mais elle ne doit pas être seule mise en cause. Aux Conseils des chefs d'Etats européens, quelques-uns entraînent tous les autres dans des orientations néolibérales aveugles (si, le néolibéralisme est une idéologie). Ces chefs d'Etats sont à mon avis ceux de l'Allemagne d'abord, puis ceux de la France, de la Grande-Bretagne et de l'Italie. De concert avec M. Barroso notamment, ils fixent des orientations strictes, qu'appliquent la Commission et toutes les structures de l'U.E. Je suis d'accord pour dénoncer la Commission qui a trop de pouvoirs, mais ces pouvoirs lui ont été donnés par ces chefs d'Etats, et je pense qu'il y a lieu de les dénoncer aussi, à commencer par celui qui prétend représenter notre pays. Sinon leur ancien refrain "C'est la faute à Bruxelles !" pourrait reprendre.
André Delcroix, militant Attac.