déc 11 24

Mario Monti, le nouveau Premier ministre italien est ancien conseiller de Goldman Sachs. Draghi, Président de la Banque Centrale Européenne est l’ancien directeur en exercice de Goldman Sachs International. La mode est lancée. Voici en Espagne Monsieur de Guindos, gros bonnet de Lehman Brothers. Ces messieurs n’ont pas seulement en commun d’être des hommes de la finance la plus concentrée, la plus manipulatrice, la plus cupide et prédatrice. Ce n’est pas rien déjà qu’une telle conjonction de tels hommes à de tels postes. Et ceci au moment où se joue dans l’Union Européenne, avec le nouveau traité, le coup d’Etat qui place les impératifs de la finance au sommet de la hiérarchie des normes politiques. Ceci explique cela, je le sais bien. C’est une prise de pouvoir. Mais ce qui me frappe c’est que ces hommes soient ceux-là mêmes qui ont ruiné tout ce qu’ils ont touché. Draghi est le nul qui a plongé la Grèce dans le chaos budgétaire. Aujourd’hui à la tête de la Banque Centrale Européenne, le personnage donne le sentiment de ne pas croire lui-même à la pérennité de la monnaie qu’il est censé défendre ! Monti est un Premier ministre italien sorti du chapeau. Qui a pensé à aller le chercher? Comment est-il sorti du chapeau ? En trois jours l’homme est devenu sénateur à vie puis deux jours plus tard Premier ministre de son pays ! En fait il s’agit d’un crétin buté, idéologue ultra-libéral qui bloquait toute intervention de la Banque Centrale Européenne lorsqu’il y siégeait. C’est aussi un anti-Français grotesque. De Guindos le nouvel homme des finances espagnol, est un ancien de Lehman Brothers ! Quelle référence ! Leur présence simultanée aux postes-clefs des dispositifs sent la grosse combine. Elle éclaire aussi leur passé. Ces gens agissaient en toute connaissance de cause. Ils n’ont aucun sens même lointain de l’intérêt général. Ils ont travaillé de façon étroitement intéressée pour le compte du système financier qui les employait. Et c’est ce qu’ils continuent à faire. Je ne pense pas surprendre en le disant. Mais la conséquence que cela suggère est que cela sera un facteur d’accélération du chaos. Car le système que ces hommes incarnent et défendent a été rendu hautement instable du fait même de leurs conceptions et méthodes. L’actualité récente en a encore attesté.

La semaine a été marquée par une massive injection de liquidités en faveur des banques. Cinq cent milliards d’euros sont ainsi passés de la caisse de la Banque Centrale Européenne vers 523 banques. Je crois que cette action mérite d’être spécialement regardée de près pour être bien méditée. A première vue beaucoup de gens ne s’arrêtent pas sur ce type d’information. Elle leur paraît très technique. Et le résultat semble souvent totalement incompréhensible. La nature même de l’opération n’est pas comprise. Mais comment expliquer en grand public que ces cinq cent milliards, la Banque Centrale ne les a pas tirés de ses coffres ? Que c’est de l’argent créé à partir de rien. Et ainsi de suite. Bref, c’est exactement le genre d’information qui ne retient pas l’attention des gens à qui pourtant, le reste du temps, on cherche à faire peur avec la « dette monstrueuse » des Etats et ainsi de suite ! Pourtant, voyons la somme d’abord. C’est cinq fois ce dont avait besoin la Grèce pour faire face au paiement de la totalité de sa dette lorsque la crise a éclaté ! C’est davantage que la somme dont dispose le fond européen de stabilité. C’est trois fois et demi la somme versée au FMI pour venir aider ensuite l’Europe selon le scénario d’usine à gaz inventé par les eurocrates « merkelisés » il y a quinze jours. Si je donne tous ces points de repères c’est évidemment pour montrer quels bobards ont été les cris poussés par ceux qui prétendaient qu’une telle somme « si elle était imprimée sur la planche à billets » provoquerait un cataclysme inflationniste. Raison pour laquelle nous fûmes moqués de tous côtés par les grands esprits et leurs perroquets médiatiques. Ce qu’il faut retenir c’est que cette opération aurait pu être conduite pour une somme trois fois moindre au départ de la crise pour tuer la spéculation en arrosant l’Etat grec de crédit bon marché !

Voyons à présent le taux d’intérêt auquel cet argent est prêté aux banques : 1% ! Cinq fois moins que le taux des prêts que la troïka consent à la Grèce chaque fois que ce pays accepte de nouvelles amputations budgétaires et de nouveaux bradages de biens publics. Dix-huit fois moins que ce que les mêmes banques consentent à la Grèce ! Ce n’est pas tout : cet argent est prêté pour trois ans et non plus pour quelques jours comme auparavant ! C’est donc une monstrueuse faveur qui leur est faite. Pourquoi ? On lit ici et là que ce serait avec un pacte plus ou moins implicite pour que ces banques rachètent le plus possible de titres de dette des Etats sur le marché. On solliciterait donc comme une faveur de leur part de bien vouloir prêter cher l’argent qui leur aura été prêté très peu cher. Quelle trouvaille ! Tout ça pour ne pas violer un dogme idéologique d’après lequel les Etats seraient, par nature, dépensiers inconséquents tandis que les banques sauraient gérer au mieux l’allocation des ressources. Du dogmatisme libéral à l’état pur. Après cela que voit-on ? Que les banques ne se servent pas de ces facilités pour acheter des titres de dettes publiques. Tout ce grand montage pour rien ! Encore une cartouche tirée en vain. Pas assez, pas au bon endroit, trop tard. La gestion de la crise par ceux-là même qui auraient le plus d’intérêt à la juguler est une collection d’aberrations. Sauf si…

Sauf si l’esprit de lucre et la cupidité sont les deux seules motivations des intéressés. Incapables de gérer leurs intérêts de classe à long ou moyen terme, les décideurs issus des grandes banques qui dorénavant gouvernent l’Europe restent le nez collé sur leur objectif de court terme. Il s’agit de réaliser des profits maximum, le plus vite possible, en comptant que le risque final retombe sur les moins malins, les moins prompts, ou les plus asservis. Jusqu’à présent, en poussant les affaires et les transactions d’un jour sur l’autre, les grosses panses se sont gorgées. Tant qu’on croit que la Grèce paiera, et que les autres états paieront eux aussi, c’est une très bonne affaire dans les bilans que ces titres à 18%, même restructurés et étalés dans le temps. On peut même suspecter ces banques de garder leur pelote d’emprunts, à 1 % et pour trois ans, que vient de leur servir la Banque Centrale Européenne pour le moment où la note de la France et d’autres sera dégradée, ce qui leur permettra de prêter beaucoup plus cher qu’elles ne peuvent le faire aujourd’hui. Il n’y a pas longtemps à attendre. L’argent pas cher de la BCE est tombé dans leur caisse le 22 décembre. Début janvier viendra la mauvaise note. Tout le monde aura oublié d’où sera venu l’argent dont disposeront les banques pour venir « à l’aide » des Etats !

J’évoquais il y a un instant « l’état d’esprit » des décideurs. Je le fais car j’observe que dans nos rangs beaucoup croient qu’il y a une clairvoyance de ceux-ci. Comme si toutes ces personnes avaient un plan et une méthode déterminée d’après des objectifs lointains et assurés. Je crois au contraire que ce qu’il y a d’idéologique dans la façon de procéder de ces gens, c’est la certitude qu’ils ont de vivre dans un système indépassable dont seul le bon maniement importerait quand bien même il est moralement inacceptable et grossièrement inégalitaire. D’ailleurs pour ces sortes de gens comme pour leurs griots cyniques, l’inégalité n’est même pas un inconvénient mais plutôt un stimulant. Elle est inscrite dans l’état de nature. Et bien sûr, la morale n’a rien à voir avec le sujet sérieux et objectivement hors norme qu’est le fonctionnement du marché. Je m’intéresse à cet aspect du problème que nous pose la conduite des affaires par les gens qui les mènent à présent car j’y vois une des causes qui accélèrent les crises et les catastrophes. D’un point de vue capitaliste, moins de cupidité et plus de raisonnement pourrait très bien conduire à préférer nos solutions comme un moindre mal. Notons que c’est déjà le cas à propos de notre revendication de faire financer par la Banque Centrale les emprunts des Etats. Mais pour autant cela n’aura pas lieu. C’est une caractéristique des fins de régime que cette impuissance à se tourner vers les solutions de recours efficaces tranchant les nœuds gordiens d’une situation. Naturellement il y a des exceptions à la règle. Peu nombreuses. C’est le cas quand un Roosevelt arrache les Etats-Unis aux méthodes de Hoover. L’aveuglement des élites et de leur appareil de cour est une cause puissante de révolution. Je me faisais cette remarque en lisant le journal « Les Echos » où un chroniqueur, Gilles Coville, éditorialise avec aplomb dans le sens du pire aveuglement. Voyant la manne de la BCE pompée par les banques et déplorant que le décrochage des indices boursiers attribue ce nouvel avatar aberrant aux finalités que semble viser la BCE ! « Quoi ! » proteste-t-il en substance, « prêter de l’argent aux banques pour acheter des titres de dette des Etats ! Ce serait une énorme sottise qui déprimerait les marchés ». Il donne donc un conseil. Donner à boire à l’alcoolique ! «  Privilégier la liquidité et la profitabilité des banques plutôt qu’acheter la dette des Etats pour faciliter leurs fins de mois, c’est un message difficile à faire passer aussi bien auprès des gouvernements que des opinions, voire des professionnels des marchés. Ce serait pourtant une vraie preuve d’indépendance que de faire le travail ». Je suis fasciné par ce genre de gourous qui prétendent agir au nom de vérités qui leur sont révélées et dont ils conviennent que les peuples, les gouvernements, et même les marchés qu’ils prétendent servir, ne veulent pas. Et tout cela pour permettre une « profitabilité » des banques qui n’ont pourtant manqué de rien l’an passé, ni le précédent, et fait même des bénéfices records ! Dans cette ambiance où tout peut être dit et rabâché contre toute évidence, le travail d’élucidation est rendu difficile. Il est pourtant  absolument vital de le mener.  


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