L’affaire YPF (Yacimientos Petrolíferos Fiscales)
Les faits :
Le Lundi 16 avril la Cristina Fernandez, présidente de l’Argentine, annonce lors d’une conférence de presse qu'elle vient de signer une proposition de loi de nationalisation de 51% d’YPF et qu'elle vient de le transmettre au Senat argentin.
Elle annonce en outre que le prix que l'Argentine payera en compensation de cette nationalisation sera évaluée par le tribunal compétent (Tribunal de Tasaciones de la Nación).
Principale compagnie concernée, la pétrolière Repsol demande la somme exhorbitante de 8 millards d'euros. Le vice-ministre argentin de l'économie indique très clairement que l'Argentine ne paiera jamais une telle somme.
Le Mercredi 18 Avril, le gouvernement d'inclure la société YPF Gas, une autre société contrôlée par Repsol qui distribue du butane et du propane, dans le projet de loi de nationalisation d'YPF.
Le même jour, le texte de loi a été adopté en commission au Sénat argentin, ouvrant la voie à son adoption en séance plénière la semaine suivante
A noter
Le traité bilatéral d’investissement (TBI)signé avec l’Espagne en 1992 stipule que les nationalisations ou expropriations sont possibles à conditions que ce soit « exclusivement pour des raisons d’utilité publique ». Il est en outre précisé qu’elles ne pourront « en aucun cas être discriminatoire » et qu’elles doivent donner lieu à une « compensation convenable ». Ce traité n’a jamais été remis en cause depuis sa signature.
YPF ?
YPF (Yacimientos Petrolíferos Fiscales) a été créé en 1922. C’était la première compagnie pétrolière au monde à être entièrement gérée par l'Etat.
L’opération fut un tel succès que le gouvernement argentin nationalisa les ressources en hydrocarbures du pays.
Mais sous la dictature, la situation d’YPF devient catastrophique. La compagnie enregistre jusqu’à 6 millards de dollars de pertes en 1983.
Le président Carlos Menem mettra en place sa privatisation (1991-1993).
L'Etat conserve cependant 25% de la compagnie jusqu'en 1999 moment où Repsol rachète 98% de l'entreprise.
Repsol possède actuellement 57%.
Pourquoi Cristina Fernandez a-t-elle décidé de nationalisé 51% d’YPF ?
- Repsol a favorisé l’exportation et pas le marché argentin. Résultat en 2011, l'Argentin est devenue importatrice net de gaz et de pétrole
- Repsol rémunère prioritairement ses actionnaires et n’investit pas en Argentine dans l'exploration et le développement des forages
- Les réserves de pétrole argentines ont baissé de 50% entre 2001 et 2011
- Le pays est fragilisé par la crise économique
-En 2011, le pays a connu plus de mobilisations sociales qu’en 2001 ! Le gouvernement doit mettre en place des avancées sociales
Les réactions
A savoir : en 2008, le gouvernement a déjà nationalisé Aerolíneas Argentinas qui avaient été mise à sac par Iberia et Marsans. Aujourd’hui, le gouvernement ne se penche pas seulement sur le cas d’YPF. Il s’intéresse de près à plusieurs entreprises d’électricité et de téléphonie qui font de bénéfices, paient peu leurs employés argentins et ne réinvestissent absolument pas en Argentine.
Ce contexte explique en partie la virulence des réactions.
- Le président de Repsol Antonio Brufau a déclaré sa compagnie avait l'intention de combattre le projet "illégal" de Kichner et pourrait faire un recours devant Ciadi, le tribunal international de la Banque Mondiale.
- Mariano Rajoy a déclaré que "c'est une décision négative" qui "rompt la bonne entente précédente entre les deux pays". Il a en outre annoncé que le gouvernement prendrait « toutes les mesures qu’il juge appropriées pour défendre les intérêts légitimes de Repsol et de toutes les entreprises espagnoles à l’étranger. »
- Du côté des Etats-Unis, Whashington a appelé l’Argentine à « normaliser ses relations avec la communauté financière internationale ».
- La Commission européenne a, elle, annoncé le 17 avril, sa décision de reporter jusqu’à nouvel ordre une réunion d’un Comité mixte UE-Argentine prévue les 19 et 20 avril, en expliquant que la décision du gouvernement Argentin créait une incertitude « qui n’aide pas nos relations économiques et l’économie en général »
- Le groupe du PPE voulant s’exprimer aussi sur le sujet, Joseph Daul en a fait la demande à l’hémicycle. Sa requête a obtenu les faveurs des nationalistes, des conservateures, des libéraux et des sociaux-démocrates. Ces groupes ont d’ailleurs rédiger ensemble une résolution commune dont vous découvrirez le contenu plus bas.
La GUE/NGL soutient le gouvernement argentin
Le groupe de la GUE/NGL a décidé de déposer une résolution forte en soutien à la décision de Cristina Fernandez.
Cette résolution :
Rappelle qu’à la base YPF était publique
- Rappelle que « la privatisation d'YPF avait eu lieu dans les années 1990, suite à la mise en œuvre de politiques purement néolibérales qui avaient conduit à une augmentation de la pauvreté et à l'effondrement de l'économie »
Rappelle cette nationalisation n’est pas illégale
- Rappelle qu' « il est légal, et que cela relève de la souveraineté de chaque État, d'intervenir dans le domaine économique pour défendre l'intérêt public »
- Rappelle que « le traité bilatéral d'investissement (1992) signé entre l'Espagne et l'Argentine indique clairement que les nationalisations ou expropriations sont autorisées dans l'intérêt public, sans discrimination et avec une compensation adéquate »
- Rappelle que « par le passé, la plupart des pays européens ont nationalisé certains secteurs de leur économie pour défendre l'intérêt public de leurs citoyens »
- Rappelle que « l'Argentine a annoncé qu'une compensation appropriée serait accordée, dont le montant sera fixé par le tribunal argentin (Tribunal de Tasaciones del Estado) compétent en matière de nationalisations, et que l'évaluation n'établira pas de distinction entre les détenteurs d'actions ressortissants du pays et les actionnaires étrangers »
Dénonce la politique de Repsol
- Dénonce le fait que « Repsol n'est pas une entreprise espagnole, étant donné que la moitié des parts est détenue par des étrangers, et considérant que les politiques de Repsol profitent à une petite élite économique formée par ses actionnaires »
- Dénonce le fait que « Repsol n'a déclaré que 24,8 % de ses recettes en Espagne, 21,41 % en Argentine et le reste dans d'autres pays, paradis fiscaux compris »
- Dénonce le fait que «les bénéfices de Repsol ont augmenté de 11 % entre 1998 et 2007, alors que les travailleurs ont bénéficié d'une augmentation de salaire de seulement 1,7 % »
- Dénonce le fait que « Repsol a pour coutume de verser un retour sur dividendes de 7 %, alors que d'autres compagnies pétrolières versent 3 % en moyenne à leurs actionnaires »
- Dénonce le fait que « Repsol a failli à ses obligations en Argentine, étant donné qu'il a donné la priorité au marché international, tout en ignorant les besoins nationaux »
- Dénonce le fait que « Repsol est responsable d'une baisse de 54 % de la production de pétrole brut et de 97 % de la production de gaz, forçant l'État à importer des combustibles pour une valeur de 9 397 millions de dollars US »
Soutient la décision d’expropriation
- « respecte le droit de chaque pays d'exercer son droit souverain de gérer ses ressources naturelles et de réglementer son économie conformément à l'intérêt public »
-« soutient la décision du gouvernement de nationaliser YPF »
Demande à l’UE de changer de ton
-Demande à « tous les États membres, et particulièrement l'Espagne, la Commission et Mme Ashton » de « maintenir de bonnes relations avec l'Argentine et de « se garder d'accuser son gouvernement et d'annoncer des mesures de représailles avant même de connaître le prix qui sera payé aux actionnaires, sur la base de l'évaluation qui sera effectuée par le tribunal compétent (Tribunal de Tasaciones de la Nación) »
Demande à l’UE de changer de politique
-Demande « un plus grand contrôle ou même une nationalisation de Repsol par le gouvernement espagnol et d'autres devraient être envisagés, étant donné que cette solution entraînerait le paiement approprié des taxes, ainsi que le transfert d'une partie de ses bénéfices au profit des travailleurs et des consommateurs, au lieu de donner la priorité à l'intérêt des actionnaires »
-Demande à l’UE « de trouver le bon équilibre entre les droits et les obligations des investisseurs »
-Demande à « tous les États membres, et particulièrement l'Espagne, la Commission et Mme Ashton, au lieu de défendre principalement les profits des actionnaires de l'entreprise Repsol, à défendre les intérêts de tous les citoyens, leurs intérêts sociaux et l'environnement, à tenir compte des besoins des travailleurs et de la stabilité de l'emploi, des besoins des consommateurs, à la fois en Argentine et au sein de l'Union européenne, de la lutte contre la pauvreté et du respect de l'environnement »
-Demande que « compte tenu du nombre croissant de conflits entre les entreprises et les populations locales et les autorités locales d'Amérique latine, d'Afrique et d'ailleurs, il est urgent qu'un dialogue constructif entre pairs s'installe entre l'Union européenne et les pays tiers sur l'avenir des investissements étrangers, afin de mettre en place un équilibre approprié entre les droits et les obligations des investisseurs et des entreprises, ainsi qu'une utilisation adéquate des ressources naturelles, et de rechercher d'autres solutions par rapport aux instances d'arbitrage actuelles que sont la CIRDI et la CNUDCI »
-Demande « à la Commission et aux États membres d'arrêter d'appliquer des politiques néolibérales nuisibles et obsolètes qui accentuent la crise économique actuelle, aux dépends des citoyens européens, notamment de la population pauvre, et d'envisager une approche plus créative et courageuse pour résoudre la crise, s'inspirant éventuellement de certaines solutions économiques appliquées par certains pays d'Amérique latine »
La droite et les sociaux-démocrates ont, eux, choisi de condamner et de menacer l’Argentine
Leur texte :
-Dénonce
—- la « campagne publique de harcèlement qui, associée à de nombreuses décisions administratives, a provoqué une chute du cours de son action boursière et, par conséquent, un préjudice pour ses actionnaires et les entreprises associées »
—- l’ « ingérence politique des autorités argentines dans le marché libre »
-Condamne le gouvernement argentin
—-« se félicite de la déclaration de la haute représentante, Mme Ashton, qui a condamné l'action du gouvernement argentin »
-Fait des déclarations aberrantes
—-déclare même que défendre Repsol c’est « défendre les intérêts de l’Union »
—-déclare que la décision du gouvernement argentin « ne concerne qu'une seule entreprise du secteur et seulement une partie de ses actions, ce qui pourrait être considéré comme discriminatoire »
-Menace l’Argentine
—-« met en garde contre les effets négatifs que de telles mesures peuvent produire, notamment un désinvestissement à l'échelle internationale et des conséquences défavorables pour l'Argentine au sein de la communauté internationale »
—-« fait également observer que les décisions prises par les autorités argentines peuvent peser lourdement sur le climat de compréhension et d'amitié nécessaire à la conclusion (de l'accord d'association UE-Mercosur) »
-Demande des sanctions
—-« demande à la Commission de réagir à ces restrictions en usant de tous les instruments de règlement des différends disponibles au sein de l'Organisation mondiale du commerce et du G20 »
—-demande à la Commission et au Conseil de prendre « toute mesure nécessaire afin d'éviter que de telles situations se reproduisent, notamment la suspension partielle éventuelle des préférences tarifaires unilatérales accordées au titre du SPG »
R : J’aurais voté contre ce texte odieux. Il menace de représailles un gouvernement qui agit légitimement et en toute légalité pour le bien des citoyens de son pays. Il prend fait et cause pour une compagnie pétrolière qui non seulement mène une politique nuisible à l’étranger mais ne paie même pas les impôts dus en Europe. Je soutiens la décision du gouvernement de Madame Cristina Fernandez. Elle est conforme à celles que je propose pour préserver l’intérêt général en France et en Europe. Je dénonce cette résolution commune et le soutien que lui a apporté le groupe des socialistes et sociaux-démocrates et les socialistes français prouvant leur attachement aux intérêts des multinationales et leur mépris de l’intérêt des peuples.