J’étais à Strasbourg lundi et mardi. J’y retourne jeudi et vendredi. Mais la session de novembre est annulée. Elle devait avoir lieu à Bruxelles. Malheureusement les piliers qui soutiennent l’hémicycle sont fissurés. Et tout menace de s’écrouler. Cette allégorie de l’Etat de l’Union fait évidemment les gorges chaudes des mauvais plaisants de la maison. Ils sont nombreux. J’ai une bonne nouvelle pour vous. L’armée de robots euro béats qui peuple le Parlement européen semble hésiter. D’habitude elle débite avec ferveur les mantras du néolibéralisme cuit dans la soupe de droite ou social-démocrate. Cette semaine au Parlement européen, il y a un écho du bruit des rats qui quittent le navire pourri de l’Europe austéritaire. Je devais mentionner cette nouvelle ambiance au parlement européen. C’est tellement nouveau ! Après le dernier sommet européen, si creux et vain, plusieurs intervenants dans l’hémicycle ont commencé à s’interroger publiquement sur l’efficacité du prétendu remède que serait l’austérité. La panique commence à poindre.
C’est au point que nombre des orateurs harcelaient la Commission et même ce malheureux Van Rompuy. « Il faut agir ! Il faut agir ! » ont-ils pleurniché. « Mais nous agissons ! » ont répliqué Barroso et Van Rompuy. Justement ça ne donne rien et c’est le problème que semblent découvrir toutes sortes de gens. Barroso, l’homme qui parle huit langues pour ne rien dire, a fini par sortir de ses gonds ! Malin comme un singe il s’en est pris au caricatural nationaliste anglais pour lui jeter à la figure que l’Angleterre n’est pas malade à cause de la monnaie unique puisqu’elle n’est pas dans la zone euro. Si donc elle subit une cure d’austérité comme les autres c’est donc parce que comme les autres elle paie pour les politiques du passé. Mange mon gars ! Au passage il a aussi tapé le FMI qui s’est risqué lui aussi à crier à la catastrophe si l’Union européenne continue à serrer tous les budgets. Il n’est pas faux de dire que dans le bal des faux culs, le FMI bat des records de double langage. Donc Barroso fait des révélations : « La proposition de donner un an de plus à l’Espagne et au Portugal, c’est nous qui l’avons fait ! Pas le FMI », jure-t-il, au bord de l’apoplexie. Mais telle est dorénavant la situation, que Barroso lui-même doit mettre sac à terre et ne pas en faire de trop, contre les faits. Aussi le vit-on, beaucoup plus modestement, se réjouir que ce sommet ait été un moment important « en ceci qu’il a confirmé les décisions des précédents » ! Tu parles d’un exploit ! Avant de conclure dans le style admirable de la novlangue des eurocrâtes : « Le sommet a été un moment charnière pour accepter de discuter des difficultés que nous voulons surmonter ». Ce qui ne veut rien dire, comme on s’en rend compte si l’on s’y intéresse ; mais cela fait riche. Quand ce fut le tour de Van Rompuy, la malheureuse créature, président de je ne sais plus quoi, paraissait si désemparée qu’on lui aurait volontiers donné immédiatement son quatre heures pour qu’il ne pleure pas. « Nous avons sous-estimé l’ampleur et la profondeur de la crise dans nos pays », a-t-il gémi. Mais ce sera le seul aveu de faiblesse. Car, pour la suite, l’arrogance libéralo eurocratique est vite revenue. « L’austérité n’est pas venue d’en haut, de l’Union européenne, mais par les pays eux même, par la mal gouvernance, le mal governo » « Qui pouvait croire qu’avec une aussi mauvaise gestion cela pouvait continuer ? » « A partir du mal governo, l’austérité est une politique inévitable ». Passons. Il est compréhensible que, pour de tel personnages, le respect dû aux états souverains et à leur parlement ne soit déjà plus rien. Sinon un encombrement permanent. D’ailleurs, ce sera, à la fin du propos, le cœur de ce qu’il a annoncé pour la suite. « Pour aller plus loin, dorénavant on touche au noyau dur de la souveraineté. On le fera, pas à pas. » « On va atteindre des tabous ». Au moins vous êtes prévenus.
N’empêche que dorénavant les analyses que nous avons été tous seuls à tenir pendant si longtemps se répandent. De plus en plus de gens mettent en cause une politique qui aggrave le mal qu’elle prétend combattre. Il est vrai que leur foi naïve butte sur de troublants mystères. Comment expliquer qu’après tant de sacrifices, l’Espagne ne soit passée qu’à 8% de déficit venant de 9% tandis que la dette s’est creusée, que le chômage a explosé et que l’unité du pays est dorénavant mise en cause ? Rien de ce qui est annoncé par le dogme ne semble fonctionner. Même en ce qui concerne les bienfaits de la vertu. Comment expliquer que la Slovénie qui a un déficit public conforme, de 3%, et une dette pile poil dans les clous ne puisse emprunter à moins de 6% ? Comment expliquer qu’avec une politique monétaire non restrictive qui a conduit à distribuer 1000 milliards de prêts aux banques privée européennes il ne se passe rien dans l’économie ? Ce pauvre Van Rompuy aggrave les doutes en croyant culpabiliser les amis de la dépense publique. Il a démontré en effet que les taux d’intérêts payés par les Etats sont en baisse relative si on les compare à ceux que paye l’Allemagne pour se refinancer. Alors d’où viennent nos malheurs ? Le discours officiel ne permet pas de répondre à ces énigmes. « La dette, la dette », disent les grands pontifes de l’austérité. Impossible de discuter avec ces gens, ils sont hallucinés. Ils iront au désastre avec la bonne conscience implacable des doctrinaires.