Cet après-midi-là, Herman Van Rompuy a fendu l’armure. Mais quel étrange humour ! Il est venu rendre compte, devant la conférence des présidents du Parlement européen, du dernier Conseil européen des chefs d’États et de gouvernements qui s’était réuni jeudi 24 et vendredi 25 octobre à Bruxelles. Faute d’avoir à annoncer la moindre décision, Van Rompuy a ironisé face à des députés médusés : « j'avais peut-être l'allure d'un employé de banque il y a trois ans mais pourquoi m’accuser aujourd'hui d'être le seul responsable de la tempête électorale en Europe » ? Au moins a-t-il senti qu’une tempête se lève. Elle n’a pas effleuré le Conseil européen, qui s’est une fois plus enlisé dans le laisser-faire des bonnes intentions libérales. En plein milieu de nouvelles révélations d’écoutes de la NSA sur les « leaders » européens et à la suite de nouveaux drames des migrants de Lampedusa, on aurait pu penser que le conseil européen prendrait des mesures à la hauteur des événements. Bilan de cette rencontre : aucune décision pour aider les migrants. Le reste ne vaut pas mieux. Une issue des négociations déjà stagnantes sur l’union bancaire reportée à décembre et de timides déclarations concernant l’espionnage de la NSA, tout en osant se gargariser de « signes de reprise économique visibles » dans Union européenne. Alors que le chômage et la pauvreté continuent d’augmenter dans l’UE, avec ce triste record de 28 % de chômeurs atteint en Grèce.
Ecoutes de la NSA : l'Europe humiliée
Alors que ces dirigeants se disent outrés de la mise sur écoute de tous les peuples européens, et surtout d’eux-mêmes, ils réaffirment « la relation étroite qui existe entre l'Europe et les Etats-Unis » et « l'utilité du partenariat » transatlantique, « convaincus que ce partenariat devait être fondé sur le respect et la confiance » et croient à « la coopération des services secrets » européens et américains. Cette fausse naïveté révèle une fois de plus la servilité de ces dirigeants européens aux états-uniens. Courageux mais pas téméraires. Des caniches déchirés entre amour et bouderie.
D’ailleurs, ils ont encore une fois invoqué « la lutte contre le terrorisme » pour mieux bafouer les droits individuels en fouillant dans nos données personnelles. Aucune remise en cause de ces programmes odieux n'est à l'ordre du jour. Au contraire : Angela Merkel et François Hollande ont annoncé vouloir « mener des négociations bilatérales avec les États-Unis en vue de parvenir avant la fin de l'année à un accord sur les relations mutuelles dans ce domaine ». Pour le président du Conseil européen, M. Van Rompuy, venu présenter ces conclusions devant le Parlement européen ce mardi, il n’y a plus aucune inquiétude à avoir puisque « la principale intéressée, la Chancelière, est ravie et a contribué à la rédaction du texte ». Si Madame Merkel est ravie…
Economie du numérique : l’Europe au service du marché
Le thème principal de la rencontre devait porter sur le marché unique du numérique à mettre en place d’ici à 2015. Encore un marché « business-friendly », selon les dires de M. Van Rompuy lui-même. Dans leur texte de conclusions, les dirigeants se félicitent de la libéralisation des télécommunications, projet phare des technocrates de la Commission. Ils l’encouragent même à accélérer les réformes structurelles nationales. Bien sûr, il s’agit encore et toujours de l'ouverture des marchés des services en « saisissant toutes les occasions » pour « retirer les obstacles injustifiés ou disproportionnées afin de garantir des conditions de concurrence équitables ». Pour cela, ils invoquent la modernisation des administrations publiques qui doit passer par la « simplification administrative». Waoooooo !
La partie sur la lutte contre le chômage des jeunes (Garantie Jeunesse) se limite à deux misérables paragraphes (sur un texte de 20 pages) invitant les États membres à prendre des mesures, sans que l’on sache avec quels moyens dans le contexte de l'austérité. C’est d’ailleurs l’unique partie réellement réservée au social. Pour ne rien dire. Moi, je trouve ça monumental !
L’Union économique et monétaire (UEM) : les dirigeants rament depuis des lustres
Pour un projet censé être salvateur, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il se fait attendre. Voilà plus de deux ans qu’ils en parlent ! Mais il ne faut pas s’inquiéter, selon le président Van Rompuy, puisque « la crise existentielle de l’euro est derrière nous ».
Les dirigeants européens attendent avec impatience les « recommandations » pays par pays des réformes destructrices à entreprendre selon la Commission européenne, ainsi que son rapport sur le Mécanisme d'alerte qui se penchera sur « l'efficacité du service public ».
Sur l’Union bancaire, l’étau se resserre : les gouvernements se désarment eux-mêmes face à la Commission et à la Banque centrale. Avec le Mécanisme de surveillance unique, cher à François Hollande, et l'Autorité bancaire européenne (ABE), ils vont encore renforcer les pouvoirs de la BCE, dite « indépendante », dans une logique au profit des marchés plutôt que de l’activité et de l’emploi. Qui en doutait ? Que ceux qui croient que l’Europe « nous protège » lève le doigt ! Mince : personne.
Partenariat oriental : toujours plus de libre-échange contre les peuples
Au sommet de Vilnius prévu le 28 et 29 novembre, les dirigeants ont bien l’intention de parachever l’accord de libre-échange avec l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie. Dans le cas de l’Ukraine, ils veulent aider la business woman la plus corrompue d’Europe, Ioulia Tymochenko, actuellement emprisonnée, avant de conclure l’accord. Lorsqu’ils auront détruit les économies locales de ces pays, ils viendront se plaindre que des migrants économiques de ces pays arrivent chez nous.
Lampedusa : le Conseil européen pour la criminalisation des migrants
Ils appellent au renforcement de la politique de retour comme des activités de FRONTEX, agence dont toutes les ONG détaillent les violations quotidiennes des droits de l’Homme. Ils vont mettre en place une « Task force » en Méditerranée sous la houlette de la Commission, donc encore sans contrôle démocratique. Avec l'accord de François Hollande. Comme sur beaucoup de sujets, les chefs d'Etat ont cependant renvoyé tout ceci à une révision plus profonde l’année prochaine. Ça, c’est bien du Hollande : « on verra l’année prochaine ! Ou sinon la suivante ! »
Le règlement Dublin II (celui qui impose aux pays où arrivent les migrants de prendre seuls en charge les demandes d’asile et les hébergements) n’a d’ailleurs pas été mentionné. Alors que même le président du Parlement européen, Martin Schulz prétend qu'il faut plus de solidarité vis-à-vis des pays comme la Grèce, Malte et l’Italie, qui traitent le gros des demandes d'asiles, François Hollande n'a pas voulu s’avancer sur le sujet. Sur ce sujet comme sur les autres, il s'est une fois de plus aligné sur Angela Merkel. Et il fera mieux l’année prochaine sans doute.