Un nouveau rapport sur le TTIP, (aussi nommé TAFTA, GMT et ainsi de suite) est en cours de discussion au Parlement européen. Rédigé par l’allemand Bernd Lange, membre du groupe socialiste et démocrate (S&D) il est bien sûr favorable au projet de Grand Marché Transtlantique auquel je m'oppose depuis 10 ans. Mais, fait nouveau, il prend quelque peu ses distances avec le « mécanisme de règlement des différends », c'est à dire l'instauration des tribunaux d'arbitrage, en lui opposant les systèmes déjà existants : « Le règlement des différends entre États et le recours aux juridictions nationales sont les moyens les plus appropriés en cas de litige relatif aux investissements ».
Cela aurait dû convenir au gouvernement français. Tout en soutenant ardemment le projet transatlantique, il avait cependant émis quelques critiques contre le mécanisme de règlement des différends. En janvier, Matthias Felk, le secrétaire d'État français au Commerce extérieur, à la promotion du tourisme et aux Français de l'étranger (ouf !) déclarait même que « La France n'acceptera jamais que des juridictions privées saisies par des firmes multinationales puissent remettre en cause les choix démocratiques de peuples souverains ».
Mais, au contraire, dans une note adressée aux élus européens français par les services de Matignon, le 24 février, le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) défend désormais le mécanisme.
Le SGAE précise ainsi que « même si la France estime que l’inclusion d’un mécanisme d’arbitrage investisseur-Etat (RDIE/ISDS) n’est pas nécessaire avec les Etats-Unis, le projet de résolution tranche de manière un peu trop catégorique cette question. Une approche plus prudente sur ce sujet délicat pourrait être préférable en raison des risques de précédent, avec des États dont les standards juridictionnels ne correspondent pas à ceux qui prévalent aux Etats-Unis ».
Ah, mais que c'est joliment dit ! La « bonne » position est trop clairement énoncée. Comment pourra-t-on ensuite faire le contraire ?
Mais quelle est donc la position de la France dans ce dossier ?
Rappelons que le Sénat s'est prononcé en février 2015 contre le mécanisme de règlement des différends. Cela s'est fait dans une proposition de résolution européenne à propos du règlement des différends entre investisseurs et États dans les accords commerciaux entre l’Union européenne, le Canada et les États-Unis. Le texte « Plaide, s'agissant du projet d'accord en cours de négociation entre l'Union européenne et les États-Unis, pour envisager le recours à un mécanisme de règlement interétatique des différends en matière d'investissements, inspiré de l'Organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce, ou, à défaut, pour retirer de ce projet d'accord tout mécanisme d'arbitrage privé pour régler les différends entre investisseurs et États ». Cette décision du Sénat faisait elle-même suite à la résolution de mai 2013 de l'Assemblée nationale, beaucoup plus directe, qui réclamait « que soit exclu du mandat le recours à un mécanisme spécifique de règlement des différends entre les investisseurs et les États pour préserver le droit souverain des États ».
Matthias Felk dénonce aujourd'hui la note du SGEA, qui n'aurait selon lui pas été validée…
Cet homme devrait se renseigner car, le 21 février, Manuel Valls adoptait, avec une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernements sociaux-démocrates européens réunis à Madrid, une disposition commune qui, en réclamant « l'amélioration » de ce mécanisme, abandonne pourtant tout espoir de suppression. Sous couvert de « préserver la capacité des États à prendre des décisions souveraines » le texte demande timidement l'exclusion de certains secteurs comme la santé ou l’environnement. Du coup, mine de rien, le principe de l'arbitrage est validé.
Enfin, une nouvelle note du SGAE, reçue le 4 mars tente de préciser la position française, c'est à dire de l'embrouiller davantage. Elle réussit ainsi à dénoncer et à approuver le mécanisme dans un même paragraphe. La courte note commence par la phrase « la France estime que l’inclusion d’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États n’est ni utile ni nécessaire ». Pour conclure en ces termes « Toutes les options doivent rester ouvertes : en tout état de cause, la France considère que l’invention de nouvelles modalités de règlement des différends entre Etats et investisseurs (…) est nécessaire. »
C'est clair : c'est pas clair ! Et quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup. Le loup, c'est le PS et son gouvernement : menteur, pipoteur, truqueur, enfumeur. Et ainsi de suite.