jan 17 16

peMartin Schulz a quitté ses fonctions de Président du Parlement européen lors de la dernière session plénière du mois de décembre. Telle est la tradition de la combine permanente entre le PS et la droite : à mi-mandat les postes tournent pour que chacun en profite un moment. Son poste, désormais vacant, fait donc l’objet d’une élection au sein des membres du Parlement européen. Évidemment, aucun débat n’aura lieu à ce sujet dans l’enceinte parlementaire puisque c’est là l’une des particularités de ce pseudo « Parlement » européen, de ne jamais débattre. Aussi c’est le média états-unien Politico qui s’est chargé d’organiser un débat filmé ! Alors qu’il y a un mois à peine le Parlement européen dénonçait la prétendue propagande Russe en Europe et réclamait a haut cris des médias européens autonomes, voilà que les mêmes confient le sort de notre Parlement au média de la superpuissance qui la domine.

Pourtant, cette fois-ci encore, un débat avec les parlementaires dans l’hémicycle aurait eu son intérêt pour les citoyens européens. Car, fait nouveau, les groupes sociaux-démocrates (S&D), libéraux (ALDE) et réactionnaires (PPE) ont rompu leur alliance électorale conclue en début de mandat. Celle-ci prévoyait qu’ils soutiendraient ensemble la candidature d’un social-démocrate, en l’occurrence Martin Schulz, en début de mandature, puis un candidat de droite à mi-mandat. Prétendant rompre avec la « grande coalition » qui gouverne l’Europe, les sociaux-démocrates ont choisi de présenter un candidat issu de leurs rangs : l’italien Gianni Pittella. On se retient de rire. Car Martin Schulz, le président PS qui quitte son poste en application de l’accord de grande coalition se prépare lui-même a entrer au gouvernement de madame Merkel dans le cadre de la grande coalition en Allemagne.

On devine que la rupture de la grande coalition dont parle Pittella, le président du groupe PS, a des limites. Il ne s’agit évidemment pas pour le candidat le PS de rompre avec la politique d’austérité, ni la logique de guerre froide, déjà soutenue par Martin Schulz. C’est seulement le résultat d’une stratégie électorale. Pittella ne s’en est pas caché lors de son audition devant mon groupe parlementaire « nos électeurs veulent une polarisation sinon nous abandonnons le terrain aux forces antisystèmes ». Ce n’est donc qu’une posture. Sur le fond rien ne change. D’ailleurs le candidat a refusé de se prononcer sur les grands débats à venir… Et il faut voir quels débats !

Sur le CETA dont le vote est prévu en février, il n’a pas d’avis personnel ! Et il indique qu’il suivra la position de son groupe. Sur l’Union européenne de la Défense et sa course à l’armement, il ignore tout bonnement les questions des députés. De toute manière, le candidat PS n’en est pas à une approximation près. Dans sa déclaration de candidature il certifie vouloir défendre la démocratie au sein du Parlement, notamment en donnant la parole aux petits groupes, alors qu’en décembre dernier il soutenait le rapport décrié de son collègue socio-démocrate Corbett. Ce rapport visait au contraire à restreindre les possibilités d’expression des « petits » groupes politiques afin d’accroitre celles des « grands ». Pittella a donc personnellement approuvé les modifications des seuils nécessaires aux dépôts d’amendement, aux demandes de votes nominatifs, et aux propositions de résolution ! Tout cela permet depuis aux gros groupes, celui du PS et de la droite d’agir seuls. Les autres ont juste le droit d’être empêchés d’agir. Résumé : Pittella joue du menton, le temps de l’élection. C’est tout. Pour le reste il ne s’agit pour lui que de pouvoir continuer la même politique.

Le candidat de la droite (PPE), Antonio Tajani n’est guère plus réjouissant. Eurocrate confirmé, il est dans les arcanes européens depuis 1994. Quatre mandats de député européen et deux de commissaire européen, de quoi faire du dégât ! Et d’ailleurs, quand il était Commissaire aux Transports puis à l’Industrie (2008-2014), il a participé à la mise en place la législation sur les émissions sur les moteurs diesel. Mais lorsqu’il a eu vent des tricheries de Volkswagen par le centre de recherche lié, il les a ignorées. Il affirme aujourd’hui que « Le Dieselgate n’est pas un problème pour moi ». Adversaire farouche de la laïcité, lorsqu’il était Vice-président du Parlement il n’a eu de cesse de promouvoir « le dialogue entre les religions ». Et il soutient l’idée que « Les religions sont cruciales pour mettre nos valeurs en action ». Lors de son audition devant le groupe GUE, il a défendu les mêmes convictions réactionnaire en prétendant fallacieusement que les droits des femmes « ne relèvent pas des compétences de l’UE » ou encore que le Parlement ne « pourra pas ré-ouvrir les négociations sur le CETA ».

Enfin, le candidat ALDE est le libéral belge Guy Verhofstadt. Je le connais parce que je vois son travail d’orateur dans l’hémicycle et qu’il parle français dans ses interventions. Je le connais aussi pour avoir dû supporter le klaxon qui lui sert de bouche dans un débat où Henri Guaino et moi échangions sur l’Europe ! L’un et l’autre nous nous sommes confessés n’avoir jamais entendu quelqu’un crier autant pour parler que lui ! Les ONG le connaissent aussi pour ses liens avec les lobbys. En effet, il siège dans de nombreux conseils d’administration dont l’un des plus grands groupes maritimes belges, Exmar, ou encore Sofina, la Société financière de transports et d’entreprises industrielles, pour lesquels il touche plus de 200 000 euros en jetons divers tous les ans. Il se plaçait en position d’arbitre de l’élection, en début de semaine, avant ses déboires avec le mouvement italien des 5 étoiles. Il avait envisagé d’inclure ces 17 députés eurosceptiques dans son groupe européiste avant de se raviser. Il me semble que ce genre de manœuvre lui a fait perdre au passage toute crédibilité dans les bancs des autres eurolatres libéraux.

Pour ma part, je soutiendrai la candidature courageuse de ma camarade italienne Elonora Forenza. Militante féministe et altermondialiste, elle s’oppose à la grande coalition et la politique de rigueur qu’elle a impulsé en Europe. Elle réclame également plus de démocratie dans le Parlement européen, ce qui a le mérite de dire que la situation actuelle est une honte.

De toute manière, vue la façon dont sont organisés les votes (3 tours à la majorité absolue et un 4ème tour avec les deux candidats les mieux placés) tout est fait pour que la même politique perdure. Ainsi, quel que soit le nom du futur président, la politique de la « grande coalition » sera toujours à l’ordre du jour. Il ne faut pas compter sur moi pour contribuer à cette pantalonnade.


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