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Proposition de Résolution PE 450.529 – B7-0699/2010, déposée à la suite de déclarations du Conseil et de la Commission conformément à l'article 110, paragraphe 2, du règlement
Gabriele Zimmer, Nikolaos Chountis, Marie-Christine Vergiat, Elie Hoarau, Jacky Hénin, Jean-Luc Mélenchon au nom du groupe GUE/NGL

La proposition de résolution

Le Parlement européen,

– vu la stratégie commune Afrique-UE ("la stratégie commune") et le premier plan d'action (2008-2010) pour la mise en oeuvre du partenariat stratégique Afrique-UE, adoptés par les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne et d'Afrique réunis à Lisbonne les 8 et 9 décembre 2007,

– vu l'accord de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000, modifié par l'accord modifiant l'accord de partenariat signé à Luxembourg le 25 juin 2005 (ci-après "l'accord de Cotonou"),

– vu la note du 16 février 2009 de la commission ad hoc du Parlement panafricain pour les relations avec le Parlement européen et de la délégation ad hoc du Parlement européen pour les relations avec le Parlement panafricain aux présidences en exercice de l'Union africaine (UA) et de l'Union européenne, à la Commission européenne et à la Commission de l'UA sur le rôle des Parlements panafricain et européen dans la mise en oeuvre et le suivi de la stratégie commune,

– vu sa résolution du 24 mars 2009 intitulée "Un an après Lisbonne: le partenariat Afrique- UE en action",

– vu l'évaluation commune à mi-parcours de la stratégie commune Afrique-UE, – vu le plan stratégique de l'UA 2009-2012,

– vu le rapport de la commission du développement sur la deuxième révision de l'accord de partenariat ACP-CE (2009/2165),

– vu sa résolution du 25 octobre 2007 sur l'état des relations entre l'Union européenne et l'Afrique,

– vu sa résolution du 17 novembre 2005 sur une stratégie de développement pour l'Afrique,

– vu le règlement (CE) n° 1905/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 portant établissement d'un instrument de financement de la coopération au développement,

– vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,

A. considérant que la stratégie commune Afrique-UE ne pourra atteindre ses objectifs ambitieux que si certaines questions fondamentales pour le développement de l'Afrique sont dûment traitées,

B. considérant que la sécurité alimentaire est à la base de tout développement et qu'actuellement, plus d'un quart des Africains sont sous-alimentés,

C. considérant que dans l'Afrique sub-saharienne la prévalence des maladies est plus importante, le taux de mortalité maternelle est plus élevé, l'accès au planning familial est plus difficile et les inscriptions à l'école primaire sont moins nombreuses que dans toute autre région du monde,

D. considérant que les femmes, les enfants, les minorités et les personnes handicapées et les autres groupes vulnérables sont les plus touchés par le sous-développement,

E. considérant que la fuite illicite des capitaux et la fraude fiscale coûtent à l'Afrique des milliards de dollars chaque année en perte de recettes,

F. considérant que depuis 1980, la dette publique extérieure à long terme de l'Afrique (c'està- dire la dette contractée ou garantie par les autorités publiques) a continué à augmenter fortement, que les méthodes imposées par les organisations internationales, en particulier le FMI et la Banque mondiale, et à travers eux les créditeurs les plus puissants, mènent indiscutablement l'Afrique et le monde à une impasse et constituent un obstacle majeur à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement des Nations unies,

G. considérant que l'architecture institutionnelle de la stratégie est maintenant bien en place mais que les résultats tangibles et la valeur ajoutée se font attendre et que les engagements politiques demeurent timides de part et d'autre,

H. considérant que l'Afrique est sous-représentée dans les organisations internationales et les forums multilatéraux qui statuent sur de nombreuses questions influençant l'avenir du continent,

I. considérant que les parlements pan-continentaux sont désormais des acteurs à part entière de la stratégie mais que la dimension parlementaire reste à inscrire dans l'ensemble de la stratégie;

J. considérant que la stratégie pourra difficilement déployer tout son potentiel sans modalités claires de financement,

1. demande à l'Union européenne de placer le développement social et économique autonome, l'éradication de la faim, la lutte contre la pauvreté et la protection des ressources naturelles au coeur de la stratégie commune Afrique-UE et souhaite que la stratégie se penche sur les causes structurelles de la pauvreté dans le contexte des récentes crises, du changement climatique, de l'augmentation des prix des aliments et du pétrole et de la crise financière;

2. demande à tout le moins la suspension immédiate du remboursement de la dette pour les pays du Sud (et un gel des intérêts); souhaite que cette dette fasse l'objet d'un audit et que la part illégitime de celle-ci (c'est-à-dire celle qui n'a apporté aucun profit à la population des pays concernés) soit annulée, les montants annulés au titre de l'aide publique au développement ne pouvant être ici inclus pour gonfler artificiellement les chiffres; souligne qu'il est important que des indemnités soient versées, notamment en ce qui concerne la dette environnementale, économique et sociale des pays occidentaux, en particulier les pays de l'Union européenne, vis-à-vis des pays du Sud;

3. demande à toutes les parties prenantes de veiller à ce que la stratégie accorde le plus haut degré de priorité à la sécurité et à la souveraineté alimentaires sur tout le continent africain; insiste sur la nécessité de renforcer de manière viable le secteur agricole en Afrique, notamment en ce qui concerne les petits exploitants agricoles; soutient à cet égard la protection des marchés vulnérables essentiels en Afrique et le programme détaillé de développement de l'agriculture africaine, ainsi que la suppression des subventions européennes à l’exportation des produits agricoles;

4. constate qu’un nombre considérable de personnes, de groupes sociaux et de minorités culturelles n’ont pas ou n’ont plus accès à certaines ressources à cause de l’accaparement de celles-ci par des entreprises ou des entités privées bénéficiant du soutien des autorités politiques des États concernés; souligne que cette situation a notamment des conséquences en termes de pénurie alimentaire par l’expulsion de paysans, l’augmentation des prix des denrées alimentaires et l'accès aux biens fondamentaux, comme l'eau; demande par conséquent à l’Union européenne et aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à l’accaparement des ressources, notamment de terres, par des entreprises européennes et de promouvoir des propositions dans les enceintes et conférences internationales et régionales (Banque mondiale, OMC, Cnuced, FMI, OCDE, etc.) pour la reconnaissance des biens publics mondiaux et leur inscription dans une convention spécifique de l’ONU;

5. est d'avis que la stratégie doit à l'avenir accorder une plus large place au renforcement des services sociaux de base en Afrique; demande à l'Union européenne d'affecter au moins 20% de son aide aux soins de santé et à l'éducation de base et aux gouvernements africains de consacrer au moins 15% de leur budget national à la santé;

6. demande instamment aux dirigeants d'Afrique et de l'Union de mettre à profit cette stratégie pour stimuler les échanges commerciaux sur le continent africain, y compris par le biais de programmes de soutien renforcés pour les communautés économiques régionales et pour l'amélioration des infrastructures sur le continent africain; espère que l'Union européenne va honorer ses engagements en matière d'aide au commerce; souligne que l'ensemble des aspects de la relation commerciale entre l'Afrique et l'Union européenne doivent tenir compte de la capacité économique et de négociation moindre de l'Afrique;

7. demande que les politiques de déréglementation et de privatisation soient abandonnées, en collaboration avec les pays partenaires africains, en particulier la privatisation des services publics, des ressources naturelles, des semences, des plantes et de l'eau; appelle par ailleurs à la suppression des règles relatives à la protection par brevet, qui pourraient venir limiter les possibilités d'action politique en faveur de la promotion du développement économique et social des pays partenaires;

8. condamne les accords de partenariat économique (APE) entrés en vigueur jusqu'à présent; demande qu'un nouveau mandat, basé sur l'intérêt général des peuples d'Afrique et d'Europe, soit établi, de façon à ce que soient négociés des APE fondés sur la solidarité et visant la mise en place de systèmes de protection des marchés locaux et régionaux, dans l'intérêt des producteurs et de l'ensemble des citoyens africains; insiste pour que ce nouveau mandat ne permette ni d'exercer un chantage à l'aide publique au développement, ni d'imposer des contraintes de temps ou des pressions économiques, et reconnaisse l'égalité souveraine des pays ACP;

9. plaide pour la promotion de l'intégration régionale en Afrique et demande que des APE ne soient pas conclus avec des pays pris individuellement ou avec seulement une partie des pays d'un groupe régional;

10. demande que les droits d'accès au marché européen existants soient garantis pour tous les pays africains, qu'ils aient signé ou non un APE;

11. prie instamment les dirigeants africains et européens de favoriser, par le biais de la stratégie, l'accès au micro-crédit pour les petites entreprises et à des services financiers règlementés et transparents en Afrique;

12. estime que la stratégie devrait chercher à renforcer les synergies avec le mécanisme africain d'évaluation par les pairs et le nouveau partenariat pour le développement africain (NEPAD) et mettre en place des moyens permettant d'accroître l'efficacité de ces initiatives,

13. salue l'adoption, par l'Union africaine, de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance;

14. souhaite qu'une stratégie conjointe UA-UE s'attaque aux causes structurelles de la pauvreté en mettant en place une politique de développement durable, en vue de satisfaire les besoins fondamentaux de la population africaine et de lutter contre le chômage et les injustices sociales et économiques;

15. demande à l'Union européenne de définir une politique dans le domaine des matières premières qui respecte la souveraineté et les intérêts des pays africains; appelle à une politique rejetant toute idée qu'un conflit militaire puisse constituer un moyen de s'assurer l'accès aux matières premières et le contrôle sur celles-ci;

16. exhorte les dirigeants d'Afrique et de l'Union européenne à utiliser conjointement la stratégie pour militer en faveur de la lutte contre la fuite illicite des capitaux et l'évasion fiscale, pour encourager la pleine transparence et la communication d'informations pays par pays et pour accentuer les pressions internationales sur toutes les juridictions susceptibles d'autoriser la fraude ou l'évasion fiscale dans les pays en développement, de façon à garantir des sources durables de financement du développement qui, à long terme, viendraient se substituer à la dépendance vis-à-vis de l'aide extérieure;

17. espère que la stratégie mènera à la mise en place d'initiatives visant explicitement les groupes les plus vulnérables et défavorisés, en particulier les femmes, les enfants, les minorités et les personnes handicapées; attend avec intérêt le lancement de programmes spécifiques visant à intégrer l'égalité des genres, à lutter contre les violences sexuelles et à faire cesser les mutilations génitales des femmes et toutes les formes d'insécurité des personnes;

18. insiste sur le fait que la stratégie doit s'accompagner d'un programme de financement détaillé et être dotée de ressources adéquates, et correspondre à une ligne budgétaire dans chaque budget national africain et européen; demande que cet objectif soit pris en compte dans les prochaines révisions du budget de l'Union et du Fonds européen de développement (FED), y compris celle relative à la budgétisation du FED,

19. souligne que les parlements font partie de la structure institutionnelle de la stratégie, comme éléments distincts de la société civile, et invite ses partenaires institutionnels à continuer de prendre pleinement en compte cette dimension parlementaire dans le cadre de la prise de décision et de l'application de la stratégie;

20. demande à l'UA d'associer plus étroitement le Parlement panafricain à toutes ses activités, de telle sorte que celui-ci puisse exercer véritablement son rôle de supervision; estime que le renforcement du dialogue politique entre le Parlement panafricain et le Parlement européen peut être très bénéfique;

21. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Comité économique et social européen, au Conseil économique, social et culturel de l'Union africaine, à la Commission de l'Union africaine, au Conseil exécutif de l'Union africaine, au Parlement panafricain, au Conseil des ministres ACP et à l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE.


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