Ce matin 28 septembre, grand jour au parlement européen. Discours de monsieur de Barroso sur « l’état de l’union ». Sa proposition centrale e st de créer une taxe sur les transactions financières. Certes, avant d’y venir, le discours enfile les tautologies bien pensantes. Non sans lucidité parfois, comme un aveu. « La situation est le plus grand défi de toute l’histoire de l’union. C’est aussi une crise de confiance à l’égard des dirigeants et de leur capacité à trouver des solutions ». A ce niveau de généralités, enrobé de compliments pour le parlement, le discours séduit la droite masochiste. L’analyse des causes de cette situation est assez générale aussi pour plaire largement. « Certains pays ont vécus au-dessus de leurs moyens », « l’Europe n’a pas su relever les défis compétitivité », « certains comportements financiers ont été irresponsables ». Et de « proposer un renouveau européen ». Pourquoi pas. Mais voilà la limite : « Avec nos institutions et non contre elles ». Le plus surprenant est alors le compliment que lui adresse Martin Schultz au nom du groupe socialiste. Il le qualifie de « réaliste et de combatif ». Il l’en « félicite ». Et ainsi de suite. Schultz sera bientôt élu à la présidence du parlement avec la droite. Il cotise donc au flot des poncifs et congratulations. Oublions. Voyons le reste du discours Barroso.
La parole du président de la Commission s’est faite un peu aigre douce. Et même un peu vindicative. Il rappelle qu’il existe un gouvernement économique et qu’il en est le chef. Double coup de gueule ! « L’Europe a besoin d’une autorité indépendante comme la Commission pour avancer et prendre les décisions courageuses ». « Les gouvernements ne peuvent pas le faire ». « La commission est le gouvernement économique de l’union, nous n’avons pas besoin d’autres choses. » A bon entendeur salut ! Le reste est connu. C’est un plaidoyer pour les mesures bricolées dans l’été et la fin de l’année écoulée avec le succès que l’on a pu constater. Sinon qu’on apprend de sa bouche que le Fonds Européen de Stabilité devra en effet « soutenir la recapitalisation des banques ». Il propose aussi de faire cet instrument un moyen d’achat de dette souveraines sur le marché secondaire pour « empêcher la contagion ». Mais de changer le rôle de la Banque centrale, pas un mot. Sinon pour l’enjoindre d’agir dans le cadre des traités. Donc de ne se pas se mêler du financement des Etats pour leurs dettes souveraines
Pour autant le discours, nonobstant les poncifs, développe une vision cohérente de l’avenir que les orateurs de la droite ont repris, chacun à leur manière, à sa suite. Il s’agit d’approfondir la « coordination de la zone euro » par l’imposition de règles communes s’imposant aux Etats « incapables de prendre les mesures chacun devant leur opinion ». Joseph Daulh, UMP, président du groupe de la droite va plus loin. Il souligne que les élections dans chaque pays vont être un obstacle supplémentaire aux bons choix ! Bref, la démocratie quel encombrement !
Pour Barroso le progrès c’est d’avoir imposé le semestre européen. « Donc nous pourrons discuter des décisions budgétaires avant application dans les différents pays. » La souveraineté populaire voilà le problème. Telle est la vision de l’achèvement de l’union comme il le décrit : « Achever les objectifs monétaires par des objectifs budgétaires communs. » Selon lui ce serait « une illusion de croire possible une union monétaire sans union économique et une coordination budgétaire ». Dit comme ça, pourquoi pas. Mais le fond de l’affaire est que le fil conducteur de cette coordination c’est la dérégulation, le recul de l’Etat et la concurrence libre et non faussée pour tous. Donc ce qui nous a plongé dans la crise et rendu impuissants à y répliquer. Parfois on se pince en entendant la psalmodie des recettes éculées que Barroso rabâche. « Développer la croissance grâce à l’application de la directive service. » « La réforme des systèmes des retraites est urgente ». Et enfin le plus grotesque : « Un quart de jeunes n’ont pas d’emplois en Europe. ! Je lance un appel aux entreprises pour proposer des stages aux jeunes ! Les fonds sociaux peuvent les aider. Mieux vaut un stage que rien ». Consternant !
Puis il évoque les « euros obligations » dont il se déclare partisan comme « instruments de stabilité ». Là-dessus il annonce des propositions à venir. Sans dire lesquelles. Mais, au détour, il note que certaines de ces propositions « seront conformes aux traité et d’autres non. » Alors ? « Il faudra donc faire des modifications des traités.» Ah bon ! Donc c’est possible ! N’est-ce pas ce que nous disons depuis des mois et des mois ? Et Barroso d’ajouter « qu’aujourd’hui règne la règle de l’Etat le plus lent. » « Souveraineté nationale disent-ils ! Mais les autres pays ont aussi une souveraineté nationale et ils ont le droit aussi d’aller plus vite. » Voilà ce qu’il faut noter pour mes répliques quand je dis que nous pouvons avancer avec ceux qui veulent vers l’harmonisation sociale et fiscale par le haut. En effet on me réplique chaque fois que j’ai une vision « brutale » ou que je veux faire « l’Europe française » ou que « les autres ne veulent pas ».
Vient la proposition phare de la matinée. « Ces trois dernières années, les Etats, je devrais dire les contribuables, ont donné 4,6 trillions d’euros de garanties financière. Il est temps pour le secteur financier d’assumer ses responsabilités ! ». 50 milliards de revenus sont attendus par lui de la taxe sur les transactions financières. Crise de bolchévisme ? Non ! « Questions d’équité ! » « Le secteur bancaire doit aussi apporter sa contribution. Allons-nous encore taxer le travail et la consommation ? » Voilà qui est très nouveau. Il y a trois mois de tels propos ne s’entendaient pas autrement que comme un amusant folklore gauchiste. A présent, c’est parole officielle. Pour autant, la confusion reste de mise entre décideurs européens du même camp. Voyons le détail du moment.
Le Fond Européen de Stabilité est décrété d’ores et déjà insuffisant par une partie de ceux qui l’ont créé. Ils auraient gagné du temps pour le savoir en lisant les textes de notre mouvance. A peine ce diagnostic est-il posé par les uns que les autres, dont le ministre des finances allemand, le qualifient de « stupide ». Tout en nuance. A cet aveu et cette prise de cheveu s’ajoute une série de projets spécialement calamiteux. Le premier serait de recapitaliser les banques avec ce fond, comme l’a proposé Barroso. Quelle trouvaille ! Les états vont emprunter aux banques pour prêter aux banques ! C’est fort ça ! Deuxième absurdité. Le Fond va acheter sur le marché secondaire des titres de dettes publiques. A qui ? Aux banques qui s’en sont gorgées ! De l’argent frais contre du papier pourri ! Génial. Mais prêter directement aux Etats ? Jamais ! Rien n’arrêtera donc le désastre en cours. Avant la catastrophe des petits malins vont gagner beaucoup d’argent. Ça leur donnera l’illusion que la fête n’aura pas de fin ! Vieille illusion. Puisque Barroso vient de proposer la création d’une taxe sur les transactions financières, taxe que j'ai proposé au Sénat … le 1er décembre 1999! Voilà la solution que le sieur Barroso vient de découvrir! Pris dans les méandres de l'Union européenne, le projet de taxation présenté aujourd'hui ne pourra être appliqué au mieux qu’en 2014. Quinze ans de perdus depuis notre proposition devant le Sénat. Et quelle timidité ! Je déplore en effet que la proposition Barroso envisage une taxation réduite pour les produits dérivés. Ce sont pourtant les transactions les plus massives et les plus nocives pour l'économie. Pour autant on peut se frotter les mains.
Car la proposition Barroso apporte un cinglant démenti à tous les beaux esprits qui ont expliqué pendant 15 ans combien cette taxe serait « dangereuse », « irréaliste », « inapplicable » et ainsi de suite. Ce n’est pas tout. Elle démontre aussi qu'il est possible, comme nous l’affirmons, de désobéir au Traité de Lisbonne qui interdit les limitations à la libre circulation des mouvements de capitaux ! Enfin cette proposition prouve aussi qu'il est possible d'appliquer cette taxe à un groupe de pays sans attendre que tous les autres l’aient décidé. En effet Barroso envisage la mise ne œuvre de sa proposition dans le cadre d’un projet de coopération renforcée. Nous lui laissons la joie de découvrir ce que le traité prévoit en la matière si l’interdiction tout à fait explicite qu’il contient concernant les mesures d’harmonisation fiscale parvient à être contournée.
Dans ces conditions, et sans attendre une éventuelle décision européenne en 2014, je crois possible l'application immédiate en France d'une taxation des transactions financières, comme nous y autorise déjà l'article du code des impôts, voté par la gauche en 2001. Et je peux dire que si en 2012, le Front de Gauche arrive au pouvoir, il pourra décider immédiatement d'appliquer une telle taxe de manière uniforme sur tous les types de transactions sans butter sur l’interdit européen. Et du coup d’autres propositions d’harmonisation fiscale seront aussi possibles. Il faut donc ouvrir la brèche dès à présent.