Cette semaine le Parlement européen a voté sur le fameux « two-pack », sorte de retranscription législative du traité Merkozy et du traité instituant le Mécanisme européen de Stabilité (MES). Les deux propositions de règlements qui le composent (d’où son nom « paquet de deux ») n’ont pas été définitivement votées lors de cette séance, les rapporteurs ayant demandé à poursuivre les négociations avec le Conseil et la Commission en la matière. Nous n’avons donc voté que sur la proposition telle qu’amendée par le Parlement pour renvoi en négociations. C’est cependant l’occasion de vous donner à voir ce qui se prépare et qu’elle est la position sur laquelle s’accorde la majorité du Parlement européen, sociaux-démocrates compris.
Règlement numéro 1 : ou quelle forme prendra le carcan austéritaire pour les Etats déjà sous le coup d'un programme UE-FMI?
Le but du règlement
Entériner dans la loi européenne les "possibles conditions liées à l'octroi de l'assistance financière" mise en place via le Fonds européen d'assistance financière et qui seront ensuite mise en place via le MES.
En gros: il s'agit d'entériner dans un règlement européen (transposition telle quelle obligatoire) les conditions de fonctionnement qui entourent l'élaboration, la mise en place et la surveillance des plans UE-FMI d'ores et déjà appliqués à la Grèce, l'Irlande et au Portugal.
Les points clés du règlement
1. Mise en place automatique d'une surveillance accrue de la Commission sur des Etats qui
-risquent une situation financière grave et devraient recevoir une assistance financière
-ont reçu une assistance financière "de précaution" liée à un programme d'ajustement partiel (assistance financière provenant d'un ou plusieurs Etats membres, du Fonds européen de stabilité financière, du Mécanisme européen de stabilité financière, d'une institution financière internationale "comme le FMI" )
-ont reçu une assistance financière liée à un programme d'ajustement complet comme en Grèce ou en Irlande assistance financière provenant d'un ou plusieurs Etats membres, du Fonds européen de stabilité financière, du Mécanisme européen de stabilité financière, d'une institution financière internationale "comme le FMI")
A noter: l'Etat concerné n'aura le droit que de donner son point de vue sur le sujet. La Commission pourra quant à elle décider de prolonger son mandat de surveillance renforcée tous les 6 mois.
2. A la demande de la Commission, les Etats sous surveillance accrue devront
-transmettre les informations sur les informations financières qui sont sous la surveillance de superviseurs nationaux
-mettre en place des stress test et des analyses sur le secteur bancaire, le tout sous le contrôle de la BCE et en faire un rapport détaillé
-suivre les avis de l'autorité bancaire de surveillance (agence liée à la Commission) sur son système bancaire
-communiquer toute information sur sa gestion des déséquilibres macroéconomiques
3. La BCE et la Commission enverront des experts contrôler l'application des mesures
4. Le Conseil peut décider de recommander à un Etat de demander une assistance financière et d'appliquer un programme d'ajustement.
-Cette décision est prise à la majorité qualifiée, sur rapport de la Commission,
-Cette recommandation est rendue publique.
5. Programmes d'ajustement:
-quelle que soit l'origine de l'assistance financière reçue (autres Etats membres, FESF, MESF, FMI) l'Etat doit négocier un programme d'ajustement avec la Commission et la BCE
-le programme est préparé par la BCE, la Commission et le FMI "lorsque que cela est possible"
-les Etats membres de la zone euro adoptent le programme d'ajustement à la majorité qualifiée de ses membres (pas de droit de veto possible pour sauver un autre Etat de la cure d'austérité. pas de droit de vote de l'Etat concerné)
-La Commission et la BCE surveillent l'application du programme et négocient avec l'Etat concerné les modifications à y apporter
-Le Conseil adopte les modifications à apporter à la majorité qualifiée
6. La surveillance accrue dure jusqu'à ce que l'Etat concerné ait remboursé 75% de l'assistance financière qu'il a reçue d'un ou d'autres Etat-s membre-s, du FESF ou du MESF (rien n'est dit pour les aides du seul FMI).
-Les missions des experts de la Commission et de la BCE sont maintenues.
-Le Conseil peut encore recommander à l'Etat de prendre des mesures d'ajustement (vote à la majorité qualifiée, une fois de plus)
7. Si un Etat sous le coup d'un programme d'ajustement ne remplit pas les conditions de ce dernier, les octrois de fonds structurels de l'UE vers cet Etat seront suspendus
Ce règlement entrera en vigueur 20 jours après sa publication au journal officiel de l'UE. Le commissaire Olli Rehn a annoncé lors de la conférence de presse de présentation du nouveau "paquet" qu'il en ferait usage "dès le premier jour de son entrée en vigueur"…
Les amendements de la commission parlementaire des affaires économiques (Rapport Gauzès A7-0172/2012)
Positif
-rappelle que la libre circulation des capitaux "peut être restreinte par des législations nationales si cette restriction est motivée par des raisons d'ordre public. Ces motifs peuvent inclure la lutte contre l'évasion fiscale, notamment pour les États membres qui connaissent ou qui risquent de connaître de graves difficultés du point de vue de leur stabilité financière dans la zone euro"
-rappelle que "le Conseil peut autoriser des restrictions vis-à-vis de pays tiers responsables de mouvements de capitaux provoquant de sérieuses difficultés pour le fonctionnement de l'Union économique et monétaire"
-demande d'"impliquer les partenaires sociaux et les organisations de la société civile dans la préparation, la mise en œuvre, le contrôle et l'évaluation des programmes d'assistance technique"
-supprime " la suspension des paiements ou engagements des fonds de l'Union" si un Etat ne remplit pas les conditions prévues pare la troïka
-demande qu'" un État membre faisant l'objet d'un programme d'ajustement macroéconomique réalise un audit complet de son encours de dette afin, notamment, d'évaluer les raisons qui ont entraîné l'accumulation d'un niveau de dette excessif ainsi que toute irrégularité ayant marqué le processus d'émission de dette"
Peut mieux faire
-demande que la surveillance renforcée soit"proportionnée à la gravité des problèmes et graduée en conséquence"
-propose que la Commission puisse placer temporairement un Etat "sous protection juridique", c'est-à-dire à geler les taux d'intérêts de la dette d'un Etat qui ne parvient plus à payer sa dette. LeConseil pourrait abroger cette décision de la Commission à la majorité qualifiée
Attention! Il y a des conditions à cela:
-les nouveaux prêts consentis à l'État membre par des organismes privés "doivent être remboursés en priorité"
-l'Etat membre devra mettre en œuvre strictement les mesures demandées par la Commission et autres institutions financières
Attention! Cette "protection juridique" ne sera pas mise en œuvre avant… 2017!
-demande que le Conseil puisse abroger la décision de la Commission de mettre un Etat sous surveillance renforcée dans un délai de 10 jours
-se contente de demander que le Parlement européen "soit régulièrement informé"
Négatif
-demande que " les États membres présentent à l'avance leurs plans d'émission de dette publique à la Commission et au Conseil" (=TSCG)
-rappelle qu'il faut que " les États membres veillent à ce que la situation budgétaire de leurs administrations publiques soit, à moyen terme, équilibrée ou excédentaire"
-demande la présence du FMI "le cas échéant" dans les missions d'évaluation de la Commission et de la BCE dans les Etats membres mis sous surveillance renforcée et dans la préparation des plans d'austérité liés à une "assistance financière"
-demande que les programmes d'ajustement ne soient plus adoptés par le Conseil par la Commission et que le Conseil ne puisse plus l'abroger dans un délai de 10 jours à la majorité qualifiée (il s'agit donc d'appliquer la majorité inversée à tous les plans d'austérité, y compris les plus drastiques: ceux qui sont liés à une assistance financière!)
-propose la même chose pour les réajustements de ces plans d'austérité liés à une assistance financière!
-insiste sur la collaboration de la Commission avec "d'autres institutions européennes et/ou internationales pertinentes" (comprenez principalement le FMI) pour l'"assistance technique" à la mise en œuvre des plans d'austérité
-précise que cette assistance technique devra être "axée sur des domaines tels que: l'amélioration des marchés publics, la promotion de la concurrence, la lutte contre la corruption et l'amélioration de l'efficacité de la collecte des impôts afin de promouvoir la viabilité financière à long terme"
-demande que le règlement s'applique auxÉtats membres faisant déjà l'objet d'un programme d'assistance à la date de l'entrée en vigueur du règlement
Voici ce que j’en ai dit en séance :
Ce rapport aggrave les dispositions prévues dans le 6 pack et dans le traité MES en cours de ratification. Il donne à la Commission européenne, organe non élu, le pouvoir de placer tout Etat membre de la zone euro sous le coup de plans d'austérité et de missions de surveillance dont elle seule décidera. Le Conseil ne pourra abroger ces décisions que s'il le décide sous 10 jours à la majorité qualifiée prévue. Le texte fixe aussi les contours des plans d'ajustement à venir. Ils devront en outre promouvoir la libre concurrence notamment dans le domaine des marchés publics. Pour combler le tout ce texte s'appliquerait aux Etats d'ores et déjà sous le coup d'une "assistance financière" et modifie donc les conditions auxquelles ces Etats pourront se libérer de la tutelle de la troïka. Quant à la "protection juridique" mise en avant, elle ne serait effective qu'à partir de 2017 et consacrerait le remboursement des intérêts de la dette des Etats sans condition de légitimité. Je vote contre ce texte et le dénonce.
Règlement numéro 2 ou quelle forme prendra l’austérité pour tous les autres Etats et plus particulièrement les Etats en situation de déficit excessif?
Le but
Il s’agit de faire rentrer dans le droit communautaire les principales règles contenues dans le TSCG et d’expliciter le rôle renforcé de la Commission européenne en matière budgétaire.
Les propositions clés du règlement proposé par la Commission
1. Le contrôle total des budgets nationaux:
-Les Etats membres de la zone euro devront désormais tous présenter à la Commission leurs budgets tels qu'adoptés par les parlements nationaux au 15 Octobre de l'année précédent l'exercice budgétaire.
-Toute devra être absolument détaillé à la Commission (avec une tolérance: "la description peut être moins détaillée pour les mesuresdont l'incidence budgétaire est estimée inférieure à 0,1 % du PIB")
-La Commission se réserve le droit d'amender publiquement ce budget avant le 30 Novembre. Elle propose de venir présenter ses amendements devant les parlements nationaux.
-Attention! Si l'Etat membre et donc les députés décident de ne pas suivre l'avis de la Commission, celle-ci considérera que c'est un facteur aggravant au moment de décider ou non un pays sous le coup d'une procédure pour déficit excessif (ce qui suppose désormais des sanctions automatiques).
-Les budgets devraient tous être adoptés au plus tard le 31 Décembre.
2. Vers une harmonisation des règles budgétaires:
-Des règles d'équilibre budgétaire communes à tous les Etats membres de la zone euro devraient être adoptées et mise en œuvre de façon contraignante dans les Etats membres.
-La Commission demande qu'elles soient de préférence constitutionnalisées
-Il est par ailleurs demandé aux Etats membres de ne procéder à aucune réforme fiscale majeure sans avoir préalablement consulté la Commission et les autres Etats membres.
-Il est même demandé qu'un "Conseil budgétaire indépendant" soit mis en place dans chaque Etat pour assurer la mise en œuvre des règles budgétaires convenues au niveau européen.
3. Surveillance renforcée pour les Etats en situation de déficit excessif:
-Les Etats en situation de déficit excessifs sont ceux qui ont un déficit supérieur à 3% du PB (tous les Etats de l'UE sauf la Suède -non membre de la zone euro- et l'Estonie -membre de la zone euro- sont sous le coup d'une procédure de déficit excessif)
-Ils seront automatiquement sous le coup d'une surveillance rapprochée sans qu'il soit nécessaire de procéder à un votre au Conseil pour cela.
-Ils devront rendre des rapports réguliers sur leur exécution budgétaire.
-Ces rapports seraient rendus publics
-Si la Commission estime qu'il y a un risque qu'un Etat ne procède pas aux corrections nécessaires pour sortir de la situation de déficit excessif dans le temps qui lui a été imparti, elle rendra publique les recommandations qu'elle fait à cet Etat. L'Etat en question devra alors lui rendre rapport sur les mesures qu'il compte prendre. Ce rapport sera lui aussi rendu public.
-En cas de risque qu'un État membre ne respecte pas le délai fixé pour la correction de son déficit excessif, des mesures devront être prises "dans un délai déterminé" (comprenez sous peine de sanction)
Ce règlement entrera en vigueur 20 jours après sa publication au journal officiel de l'UE. Le commissaire Olli Rehn a annoncé lors de la conférence de presse de présentation du nouveau "paquet" qu'il en ferait usage "dès le premier jour de son entrée en vigueur"… Or ce règlement s'appliquera aux Etats faisant déjà l'objet d'une procédure pour déficit excessif, donc à la France
Les amendements de la commission parlementaire des affaires économiques (Rapport Ferreira A7-0173/2012)
Positif ou presque
-retire l'idée que mesures doivent être prises par un Etat "dans un délai déterminé" en cas derisque qu'un État membre ne respecte pas le délai fixé pour la correction de son déficit excessif
-précise que le règlement "n'affecte ni le droit de négocier, de conclure ou de faire exécuter des conventions collectives ni le droit de recourir à des actions collectives conformément aux législations et aux pratiques nationales"
-précise que "les questions liées au plan annuel d'émission de dette des États membres, comme les besoins financiers ou le renouvellement de dettes en cours, ne sont pas publiées"
Peut mieux faire
Inscrit de la croissance et de l'emploi sans cadre précis:
-demande que dans les projets de budgets soumis à la Commission "une description des dépenses directement liées à la réalisation de la stratégie de l'Union pour la croissance et l'emploi, y compris les investissements publics, en même temps que la présentation des relations avec la réalisation des objectifs budgétaires à long terme, ainsi qu'une évaluation de l'impact social des mesures prévues dans le plan budgétaire"
-propose la mise en place d'une " Feuille de route pour un cadre de coordination des politiques économiques renforcé et pour une facilité pour la croissance" sur proposition de la Commission, sans que la date de cette proposition soit précisée
-propose que la Commission fasse une " proposition d'instrument pour la croissance durable dans la zone euro en vue de mobiliser environ 1% du PIB par an sur une période de dix ans, y compris au moyen d'une augmentation du capital de la BEI et d'emprunts obligataires pour le financement de projets, à investir dans des infrastructures européennes, notamment scientifiques et technologiques"
Négatif
-Avalise le semestre européen
-Inclut des dispositions du TSCG:
"Les États membres faisant l'objet d'une procédure de déficit excessif devraient présenter un programme de partenariat économique incluant une description détaillée des réformes structurelles. Il est essentiel que de telles réformes structurelles soient mises en place et appliquées pour assurer une correction efficace et durable de leur déficit excessif"
-demande la mise en place d'un "mécanisme qui est déclenché en cas d'écart significatif par rapport à l'objectif budgétaire à moyen terme ou à la trajectoire d'ajustement qui doit conduire à la réalisation de cet objectif, afin d'assurer un retour rapide à l'objectif à moyen terme"
-demande que les projets de budget soumis par les Etats à la Commission " couvrent à la fois les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement et, à cette fin, des objectifs budgétaires clairs sont fixés pour les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement et, dans le cas de ces dernières, une évaluation de leurs retombées économiques est publiée"
-demande que "les plans budgétaires à moyen terme contiennent une projection mise à jour des dépenses pluriannuelles exprimées en pourcentage du PIB pour les administrations publiques et leurs principaux éléments, ainsi que des objectifs et engagements pluriannuels au niveau des dépenses prévues pour la réalisation des objectifs inscrits dans la stratégie de l'Union pour la croissance et l'emploi"
-demande que "les États membres rendent compte à la Commission et à l'Eurogroupe, au préalable et en temps utile, de leurs plans d'émission de dette souveraine"
Les nouveautés par rapport au TSCG
-propose la mise en place d'eurobonds avec l'austérité budgétaire qu'ils supposent
- propose"la mise en place d'un fonds d'amortissement sur une période d'environ 25 ans, conjointement avec la coordination de l'émission de dette par les États membres de la zone euro" (cette proposition n'a d'intérêt que si on sort de la tutelle des marchés financiers, ce que ce texte ne réclame pas et attention: ce fonds d'amortissement sera "fondé sur une responsabilité conjointe et une discipline budgétaire stricte" c'est-à-dire l'austérité budgétaire)
-propose "de créer une autorité européenne de la dette qui serait chargée de gérer et de coordonner toutes les questions liées au plan annuel d'émission de dette des États membres, au renouvellement de la dette en cours des États membres et à l'évaluation de la viabilité de l'endettement public de tous les États membres"
Voici ce que j’en ai dit en séance :
Ce rapport propose la mise sous tutelle de la Commission européenne de tous les Etats membres de la zone euro. Il place tous les Etats en situation de déficit excessif sous la surveillance renforcée de celle-ci. Il oblige l'ensemble des Etats à détailler chacune des dispositions de leurs projets de budgets à la Commission. Celle-ci pourra les amender. Ses amendements devront être adoptés par les parlements nationaux sous peine de sanction. Le texte reprend aussi nombre des dispositions du pacte budgétaire en cours de ratification. Il oblige ainsi les Etats à présenter tout investissement à la Commission pour validation, à mettre en place des "mécanismes de correction automatiques" en cas de non-respect des ajustements budgétaires prévus par la Commission. Il institue en outre les "programme de partenariat économique" prévus par le TSCG pour tous les Etats sous le coup d'une procédure pour déficit excessif. Je vote contre ce hold up démocratique