Le Parlement européen a décidé ce matin de soumettre à leur tour les Etats non membres de la zone euro à la domination de la Troïka. Les saignées austéritaires ne seront donc plus seulement le lot de ceux qui ont l'euro pour monnaie. Cela prouve s'il le faut que le fond du problème n'est pas l'euro en soi mais bien la volonté politique de nos gouvernants d'organiser la casse de l'Etat social partout en Europe.
Vous trouverez ci-dessous une note détaillée expliquant de quoi il retourne cette fois-ci, mon expression en séance sur le sujet, et le nom de ceux qui ont avalisé ce mécanisme infernal.
Un mécanisme existe déjà: le "Mécanisme de soutien financier de l'UE"
Créé en 2002, ce mécanisme permet l'octroi de prêts (avec intérêts) aux États membres de l'UE non membres de la zone euro passant par des connaissant des difficultés graves
-dans leur balance des paiements courants
-dans leur balance des mouvements de capitaux
La Commission est habilitée à contracter, des emprunts sur les marchés ou auprès d'institutions financières à cette fin.
Il fonctionne de la façon suivante:
• Le Conseil peut (décision à la majorité qualifiée) mettre en œuvre ce mécanisme à l'initiative
-soit de la Commission
-soit de l'Etat concerné
• L'octroi du prêt est subordonné à des "conditions de politique économique en vue de rétablir ou d'assurer une situation soutenable de la balance des paiements" (aussi appelé "programme de redressement") que le Conseil précise dans un "protocole" et qu'il peut modifier à la majorité qualifiée
C'est à la Commission que revient ensuite la décision des versements successifs des tranches de prêt
La proposition de la Commission est de le rendre plus semblable au MES
(et donc de soumettre les Etats concernés à la Troïka)
Vous retrouverez le détail du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) sur ce blog et son lien avec le TSCG (Traité Merkozy) dans L'Europe austéritaire.
La logique de rapprochement est clairement indiquée par la Commission européenne dès ses propos introductifs:
"La révision des dispositions actuelles du règlement vise à mettre à la disposition des États membres n'appartenant pas à la zone euro des instruments de financement analogues(à ceux qui ont été mis en place ces derniers mois: MES et TSCG)"
Au cas où nous ne l'aurions pas compris, il est précisé que l'idée est d'imposer la logique austéritaire aux Etats non encore membres de la zone euro:
"Elle permettra par ailleurs d'intégrer dans le règlement le renforcement de la gouvernance économique et de la coordination économique et budgétaire qui a été convenu récemment, en vue de garantir une plus grande équité entre les États membres de la zone euro et ceux qui n'y appartiennent pas encore"
La nature de l'assistance proposée est la suivante:
• Il peut s'agir soit
1. d'un prêt
2. d'une ligne de crédit conditionnelle à titre de précaution (PCCL) prise sur le budget européen
3. d'une ligne de crédit à conditions renforcées (ECCL) prise sur le budget européen
Voici le fonctionnement prévu en cas de prêt:
1. L'Etat concerné introduit une demande auprès de la Troïka (Commission, BCE, FMI) Pour rappel: dans le cas du MES la demande n'est jamais spontanée mais fait suite aux pressions de la Troïka
2. L'Etat et la Troïka se mettent d'accord sur un plan d'austérité ("programme d'ajustement macroéconomique")
3. Le Conseil statue à la majorité qualifiée (pas de droit de veto pour la France et de l'Allemagne contrairement au MES) sur ce plan, sur l'octroi du prêt et sur le calendrier de versement des tranches du prêt
4. La Troïka exerce une surveillance a ccrue de l'application du plan d'austérité
5. La Troïka peut proposer des modifications au plan d'austérité. Le Conseil statue sur ses propositions à la majorité qualifiée (il n'est pas indiqué clairement que l'aval du gouvernement de l'Etat concerné soit requis).
5 bis. La Troïka peut aussi proposer de suspendre les versements des tranches du prêt. Là encore Conseil statue sur cette proposition à la majorité qualifiée (l'aval du gouvernement de l'Etat concerné n'est évidemment pas requis).
• Si l'Etat consent à prendre les mesures d'austérité demandées par la Troïka dans un délai de six mois, le Conseil vote à la majorité qualifié pour décider de la reprise ou non des versements.
• Si l'Etat ne met pas en place les mesures d'austérité demandées par la Troïka dans un intervalle de six mois, plus aucune tranche du prêt ne sera versée.
Et attention: Tout État membre ayant bénéficié d'une assistance financière de type fait l'objet d'une surveillance post-assistance aussi longtemps qu'il n'aura pas remboursé au moins 75 % du principal de l'assistance financière. De plus, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, peut prolonger la durée de la surveillance post-assistance.
Voici le fonctionnement prévu en cas d'octroi d'une ligne de crédit
1. L'Etat membre concerné introduit une demande auprès de la Troïka (Commission, BCE, FMI)
• Si la Troïka estime que cet Etat respecte les critères ci-dessous, une ligne de crédit conditionnelle à titre de précaution (PCCL) lui sera octroyée
Conditions:
-respect du Pacte de Stabilité (3% du PIB de déficit et 60% de dette publique) ou met déjà en place les mesures pour y parvenir dans les délais convenus
-a un solde extérieur viable
-et qu'il n'y a pas de problème de solvabilité des banques qui présenterait un risque systémique pour la stabilité du système bancaire
• Si la Troïka estime que cet Etats ne respecte pas ces critères mais qu'il est en mesure de le faire rapidement, une ligne de crédit à conditions renforcées (ECCL) lui sera octroyée
Il devra alors mettre en place les mesures qui lui sont demandées pour rentrer au plus vite dans les clous.
2. Le Conseil vote à la majorité qualifiée
3. La Commission et l'État membre concerné concluent un protocole d'accord détaillant les conditions dont est assortie la ligne de crédit.
4. La Troïka exerce une surveillance renforcée sur les Etats concernés
5. La Commission peut décider seule, si l'Etat respecte toujours les conditions d'admissibilité, de renouveler la ligne de crédit à deux reprises, chaque fois pour une durée de six mois
5 bis. Si la Commission estime que la ligne de crédit ne permet plus à l'État membre concerné de faire face à ses difficultés, le Conseil, statuant sur recommandation de la Commission, peut décider d'y mettre fin et de recommander à l'État membre concerné de solliciter un prêt
Et attention: Tout État membre ayant bénéficié d'une assistance financière de type fait l'objet d'une surveillance post-assistance aussi longtemps qu'il n'aura pas remboursé au moins 75 % du principal de l'assistance financière. De plus, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, peut prolonger la durée de la surveillance post-assistance.
Quant au rapport proposé au suffrage des députés européens en plénière…
…il fait quelques propositions de modifications mineures mais ne revient pas sur la logique austéritaire du mécanisme proposé.
J'ai voté contre ce nouveau mécanisme austéritaire.
Voici ce que j'en ai dit en séance:
Ce rapport avalise la proposition de la Commission européenne de soumettre les Etats non membres de la zone euro à la logique austéritaire gravée dans le TSCG et le traité instituant le MES. Il place de fait la Troïka non élue et à la botte des Etats-Unis à la tête de l'ensemble de l'Union européenne. Un pas de plus est franchi dans la négation de la souveraineté des peuples européens. Il prouve au passage que le cœur du problème n'est l'euro en soit mais la soumission de nos gouvernants aux intérêts des marchés financiers et des Etats-Unis. Le Grand Marché transatlantique n'est pas loin. L'imposition de ces mesures austéritaires préfigurent ce qu'il sera. Je vote contre ce texte et le dénonce.
On voté POUR ce texte:
Tous les députés UMP présents
Tous les députés MODEM présents (sauf Sylvie Goulard qui s'est abstenue)
Tous les députés PS présents
Tous les députés EELV présents