Sur la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union européenne
déposée à la suite des questions avec demande de réponse orale B7 0673/2011 et B7 0674/2011 conformément à l'article 115, paragraphe 5, du règlement
sur la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union européenne (2011/2958(RSP))
Ilda Figueiredo, Patrick Le Hyaric, Kyriacos Triantaphyllides, Paul Murphy, Willy Meyer, Jean-Luc Mélenchon, Marie-Christine Vergiat, Nikolaos Chountis, Jacky Hénin, Gabriele Zimmer
au nom du groupe GUE/NGL
Résolution du Parlement européen sur la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union européenne (2011/2958(RSP))
Le Parlement européen,
– vu les articles 21, 45 et 47 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et les articles 15, 21, 29, 34 et 45 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
– vu l'article 151 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
– vu le règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté ,
– vu la directive 91/533/CEE du Conseil du 14 octobre 1991 relative à l'obligation de l'employeur d'informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail ,
– vu les normes de travail fondamentales de l'Organisation internationale du travail et l'Agenda pour le travail décent de l'ONU et de l'OIT,
– vu le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ,
– vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ,
– vu le rapport de la Commission au Conseil sur le fonctionnement des dispositions transitoires relatives à la libre circulation des travailleurs en provenance de Bulgarie et de Roumanie (COM(2011)0729 final),
– vu l'article 115, paragraphe 5, et l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que le droit de vivre et de travailler dans un autre État membre que l'État membre d'origine constitue l'une des libertés fondamentales de l'Union et fait partie intégrante de la citoyenneté européenne reconnue par les traités;
B. considérant que le principe de la libre circulation des travailleurs permet aux citoyens européens de se déplacer librement au sein de l’Union pour y travailler à égalité de traitement, et protège les droits sociaux des travailleurs et des membres de leur famille;
C. considérant que l'article 45 TFUE interdit toute discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail;
D. considérant que, dans le cadre de dispositions transitoires prévoyant trois étapes, et qui parviendront à expiration au 31 décembre 2013, certains États membres continuent de limiter la libre circulation des travailleurs en provenance de Bulgarie et de Roumanie;
E. considérant que la deuxième étape de la période de transition pour ces deux pays devrait parvenir à expiration à la fin de 2011;
F. considérant que les ressortissants roumains représentant plus de 80% des nationaux de ces deux pays (Roumanie et Bulgarie) résidant dans un autre État membre et qu'ils résident principalement en Italie (41%) et en Espagne (38%), suivies par l'Allemagne (5%), tandis que les ressortissants bulgares se rencontrent principalement en Espagne (38%), en Allemagne (15%), en Grèce (12%), en Italie (10%) et au Royaume-Uni ( 7%);
G. considérant que la Bulgarie et la Roumanie ont été sévèrement touchées par la récession économique et que les écarts salariaux importants avec les pays de l'UE à 15 demeurent un puissant facteur d'attraction; que des politiques sévères d'austérité et des "réformes structurelles", mises en œuvre soit sur les consignes de la "troika" Commission européenne-BCE-FMI (pour la Roumanie), soit par des décisions du gouvernement national (pour la Bulgarie) aggravent la récession dans ces deux pays et constituent un puissant facteur d'attraction;
H. considérant que les travailleurs mobiles roumains et bulgares se concentrent sur des secteurs d'activité à faible (40%) ou moyenne (53%) qualification, et que seuls 7% des travailleurs mobiles de ces pays exercent des emplois hautement qualifiés;
I. considérant qu'à long terme, la mobilité au sein de l'Union risque de mettre à rude épreuve la pyramide des âges et les finances publiques des pays d'origine dans la mesure où la Roumanie et la Bulgarie subissent une forte hémorragie de citoyens jeunes; que l'on risque d'assister à une fuite des cerveaux en provenance de ces deux pays dans le secteur de la santé, lequel a été réduit brutalement par les politiques d'austérité;
1. estime que par principe, le droit de libre circulation des travailleurs doit être accordé à partir de la date d'adhésion d'un pays à l'Union européenne et qu'il convient d'éviter tous arrangements transitoires limitant ce droit;
2. invite les États membres qui maintiennent des restrictions de l'accès au marché des ressortissants roumains et bulgares à les lever d'ici à la fin de 2011, conformément au calendrier établi dans le traité d'adhésion;
3. demande aux autorités publiques et à toutes les parties prenantes de faire leur possible pour que les travailleurs soient davantage conscients de leurs droits et des divers instruments (droit du travail, conventions collectives, prestations de sécurité sociale, logement, éducation, garde d'enfants etc) qui régissent leur relation de travail ainsi que leurs conditions de vie et de travail;
4. relève les conclusions du projet de rapport conjoint sur l'emploi de la Commission, qui prévoit une nouvelle aggravation du chômage et de la pauvreté dans l'Union européenne par suite de la crise économique et financière durable; signale une augmentation de l'emploi temporaire ou à temps partiel, la montée du chômage chez les jeunes, du chômage de longue durée ainsi que parmi les travailleurs peu qualifiés; souligne la persistance du travail non déclaré qui représente, dans certains États membres, plus de 20% de l'économie; note que la montée du chômage, résultat de la crise actuelle, entraîne par nécessité une augmentation spectaculaire des déplacements involontaires de travailleurs de plusieurs États membres; note également que le seul moyen d'enrayer cette tendance est de procurer des emplois suffisants et de qualité, et d'en augmenter le nombre, dans tous les États membres touchés, afin que toute libre circulation obéisse à un choix et ne soit pas dictée par la nécessité;
5. souligne, dans cette optique, que les travailleurs roumains et bulgares subiront très probablement des pressions pour "s'adapter" à cette situation en acceptant des conditions d'emploi et de travail qui sont contraires au principe d'égalité de traitement et aux droits consacrés par la législation de l'Union relative à la libre circulation des travailleurs et de leurs familles; fait observer qu'étant donné le profil de qualification des travailleurs mobiles roumains et bulgares, la pression exercée pour qu'ils acceptent n'importe quel emploi très mal payé ou précaire augmentera;
6. critique sévèrement le concept de gouvernance économique défendu par l'Union européenne dont les politiques en matière d'emploi promeuvent des marchés du travail flexibles où la protection sociale, l'État providence, les droits des travailleurs, les conventions collectives etc sont démantelés, et où toute tentative sérieuse de faire face à la crise économique en investissant dans un développement durable économiquement et socialement, est contrecarrée; souligne que les politiques d'austérité et les "réformes structurelles" telles qu'elles ont mises en œuvre par l'Union et ses États membres enclenchent une logique de mise en concurrence des travailleurs les uns avec les autres, indépendamment de leur nationalité ou origine ethnique, au niveau des conditions de travail, des salaires, de la sécurité sociale etc; souligne par conséquent que l'actuelle gouvernance économique européenne et les politiques de l'Union en matière d'emploi ne peuvent garantir les droits des travailleurs dans le contexte de la libre circulation;
7. rappelle qu'en 2008, il avait demandé au Conseil de convenir d'un objectif européen en ce qui concerne le revenu minimum (statuts, conventions collectives à l'échelle nationale, régionale ou sectorielle) afin de prévoir une rémunération égale à au moins 60% du revenu moyen pertinent (national, sectoriel, etc.) et, ensuite, de convenir d'un calendrier pour atteindre cet objectif dans l'ensemble des États membres; fait observer qu'une politique de salaire minimum effectif est essentielle pour empêcher que la libre circulation des travailleurs n'ouvre la porte à des abus de la part d'employeurs pratiquant le dumping social;
8. rappelle que les États membres ont l'obligation d'appliquer correctement l'Agenda pour le travail décent de l'ONU et de l'OIT; insiste sur la nécessité d'une réorientation des politiques de l'Union européenne et de ses États membres en matière d'emploi afin de promouvoir la notion de "bon travail" sous tous ses aspects; souligne que c'est là une condition préalable pour que soient garantis les droits sociaux des travailleurs et de leurs familles dans un contexte de libre circulation;
9. insiste sur une application rigoureuse du principe d'égalité de rémunération et de conditions de travail pour un travail d'égale valeur pour les femmes et les hommes sur le même lieu de travail;
10. souligne que l'efficacité des contrôles effectués par les inspecteurs du travail est un instrument essentiel pour garantir l'égalité de traitement et lutter contre le travail au noir et le dumping social; demande aux États membres d'augmenter les contrôles de l'inspection du travail et de fournir des ressources suffisantes à cette dernière; demande à la Commission d'améliorer la coopération et la coordination des contrôles de l'inspection du travail dans les régions transfrontalières;
11. prend acte de rapports faisant état d'enfants que leurs parents, travailleurs mobiles roumains et bulgares, ont laissés derrière eux lorsqu'ils recherchent un emploi dans d'autres pays de l'Union; signale que cette situation est totalement inacceptable, compte tenu notamment des obligations qui incombent aux pays d'origine; estime que les États membres doivent veiller à ce que les enfants des travailleurs européens mobiles ne soient pas confrontés à des problèmes de nationalité ou de citoyenneté découlant du choix professionnel de leurs parents et que tous les moyens nécessaires doivent être mis à leur disposition pour assurer leur bien-être, leur éducation et leurs perspectives de vie;
12. invite les États membres à s'attaquer à la problématique des faux travailleurs indépendants parmi les travailleurs mobiles; met l'accent sur la nécessité d'assurer à ces travailleurs l'accès aux droits et à la protection;
13. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu'aux gouvernements et aux parlements des États membres.