Résolution du Parlement européen sur les déséquilibres de la chaîne d’approvisionnement alimentaire
déposée à la suite des questions avec demande de réponse orale B7 0021/2012, B7–0675/2011 et B7 0676/2011 conformément à l'article 115, paragraphe 5, du règlement
sur les déséquilibres de la chaîne d'approvisionnement alimentaire (2011/2904(RSP))
Alfreds Rubiks, Patrick Le Hyaric, João Ferreira, Nikolaos Chountis, Kartika Tamara Liotard, Marisa Matias, Willy Meyer, Jean-Luc Mélenchon
au nom du groupe GUE/NGL
Résolution du Parlement européen sur les déséquilibres de la chaîne d'approvisionnement alimentaire (2011/2904(RSP))
Le Parlement européen,
– vu sa résolution du 8 juillet 2010 sur l'avenir de la politique agricole commune après 2013 , sa résolution du 18 janvier 2011 sur la reconnaissance de l'agriculture comme secteur stratégique dans le cadre de la sécurité alimentaire et sa résolution du 23 juin 2011 sur la PAC à l'horizon 2020: alimentation, ressources naturelles et territoire – relever les défis de l’avenir ,
– vu la communication de la Commission intitulée "Une chaîne d'approvisionnement alimentaire plus performante en Europe" (COM(2009)0591) et les différents documents de travail qui l'accompagnent, ainsi que sa résolution du 7 septembre 2010 intitulée "Des revenus équitables pour les agriculteurs: une chaîne d'approvisionnement alimentaire plus performante en Europe" ,
– vu la décision de la Commission du 30 juillet 2010 instituant le Forum à haut niveau sur l'amélioration du fonctionnement de la chaîne d'approvisionnement alimentaire (2010/C 210/03),
– vu les recommandations finales du groupe de haut niveau sur la compétitivité de l'industrie agroalimentaire du 17 mars 2009 et les conclusions adoptées le 29 mars 2010 par le Conseil sur la communication "Une chaîne d'approvisionnement alimentaire plus performante en Europe",
– vu les données d'Eurostat sur les indices des prix relatifs aux moyens de production agricole (coûts des intrants) et les indices des prix des produits agricoles (prix à la production) ,
– vu sa déclaration du 19 février 2008 sur la nécessité d'enquêter sur les abus de pouvoir des grands supermarchés établis au sein de l'Union européenne et de remédier à la situation , et sa résolution du 26 mars 2009 sur les prix des denrées alimentaires en Europe ,
– vu le rapport du Centre commun de recherche de la Commission de 2008 intitulé "Systèmes d'exploitation à faible consommation d'intrants: une occasion de développer l'agriculture durable" ,
– vu l'article 115, paragraphe 5, et l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que les problèmes de revenus des agriculteurs continuent de s'aggraver et que le prix payé par le consommateur pour les produits qu'il acquiert ne se traduit pas dans le prix perçu par les agriculteurs pour leur production;
B. considérant que le système alimentaire est dominé par un modèle d'agriculture industrialisée contrôlé par quelques groupes alimentaires transnationaux, parallèlement à un petit groupe de grands distributeurs; considérant que ce modèle, conçu pour engendrer des bénéfices, est dans l'incapacité absolue de fournir à la population des denrées alimentaires saines et d'un prix abordable, ainsi que des revenus équitables aux producteurs, mais qu'il se concentre de plus en plus sur la production de matières premières, comme les agrocarburants, les aliments pour animaux ou les cultures de produits de base;
C. considérant que les producteurs agricoles et l'industrie agroalimentaire voient leur pouvoir de négociation diminuer progressivement dans l'Union par rapport à celui des grands distributeurs pour ce qui est de la détermination du niveau des prix tout au long de la chaîne de valeur, depuis la production primaire jusqu'au consommateur final, en passant par le stade de la transformation;
D. considérant que la souveraineté alimentaire accorde aux citoyens le droit de définir leur politique agricole et alimentaire en fonction des besoins de la population et de son environnement, et non des règles du commerce international édictées par l'OMC;
E. considérant qu'il existe des déséquilibres grandissants entre les États membres dont les systèmes de production présentent différents niveaux de développement, qui entraînent des déficits croissants et une dépendance alimentaire accrue dans les pays caractérisés par un système productif plus fragile;
F. considérant que l'on ne garantit pas aux agriculteurs un prix équitable pour leurs produits, ce qui incite nombre d'entre eux à quitter le secteur;
G. considérant que la Commission ne remédie pas aux abus de la part des gros acheteurs dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire;
H. considérant que les relations entre les distributeurs et les fournisseurs du secteur alimentaire ne sont manifestement pas équilibrées, avec pour conséquence que les derniers subissent de plein fouet tout ralentissement de l'activité, tandis que les premiers conservent leurs marges bénéficiaires;
1. est fermement opposé à la concentration actuelle du pouvoir entre les mains du secteur des distributeurs et des grands groupes industriels, et exige des solutions pour enrayer la tendance et l'inverser, notamment par une réglementation appropriée de la chaîne d'approvisionnement alimentaire;
2. rappelle que la chaîne d'approvisionnement alimentaire, l'agriculture, le secteur agroalimentaire et la distribution représentent 7 % du total des emplois dans l'Union européenne et génèrent 1 400 000 000 000 EUR de revenus par an, soit plus que tout autre secteur manufacturier dans l'Union;
3. demande que la garantie d'un salaire juste et décent pour les agriculteurs constitue une priorité pour l'Union et appelle à un accroissement significatif du pouvoir de négociation des agriculteurs et de leurs organisations;
4. plaide pour l'équité et la transparence dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire afin d'éviter les abus de la part des gros acheteurs et invite la Commission à donner aux agriculteurs la possibilité d'être pleinement informés des prix proposés par les producteurs et les distributeurs;
5. préconise vivement une définition claire, rigoureuse et objective des pratiques abusives et déloyales;
6. demande que la production de denrées alimentaires soit autant que possible relocalisée et qu'il soit mis un terme à la mainmise des grands distributeurs et de l'industrie sur la chaîne alimentaire;
7. plaide pour l'établissement de mécanismes réglementaires efficaces dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire visant à défendre les producteurs, à instaurer des relations contractuelles claires, notamment pour les producteurs de petite et moyenne taille, l'emploi dans l'agriculture et la réduction des importations, tant au niveau national qu'à l'échelle de l'Union;
8. demande instamment la garantie de prix équitables et rémunérateurs aux exploitations agricoles pour leur production ainsi que le renforcement d'un système de sécurité à divers niveaux comportant un mécanisme de sauvegarde en cas de crise, et ce afin de limiter la volatilité des prix à la production due à la spéculation financière sur les produits agricoles de base;
9. appelle à une décentralisation des chaînes alimentaires, par la promotion de marchés diversifiés fondés sur la solidarité et des prix justes, ainsi qu'à des filières d'approvisionnement courtes et à des relations plus poussées entre les producteurs et les consommateurs dans les chaînes alimentaires locales afin de contrecarrer l'expansion et le pouvoir des services d'achats centralisés;
10. demande à la Commission de maintenir le système des quotas de production dans le secteur du lait ou du sucre, entre autres; précise qu'il convient d'adapter les régimes de quotas aux besoins des différents pays et aux stades de développement respectifs de leurs systèmes de production, ce qui permettrait le développement relatif des États membres accusant des déficits plus élevés;
11. préconise l'établissement de plafonds pour les marges bénéficiaires commerciales, notamment pour les grands supermarchés et les distributeurs, en prenant comme référence le prix payé aux producteurs, de manière à encourager une répartition équitable de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne d'approvisionnement alimentaire;
12. se prononce en faveur de l'octroi d'une aide à l'établissement et au fonctionnement de systèmes nationaux de suivi de la formation et de l'évolution des prix dans le commerce de détail et les supermarchés;
13. dénonce la manipulation des prix et les ententes sur les prix de la part de nombreux acteurs de la distribution, et exige que des mesures soient prises d'urgence pour mettre fin à cette situation et garantir la transparence du processus de formation des prix jusqu'au consommateur final;
14. estime que la sécurité alimentaire, la sûreté alimentaire, la préservation de l'écosystème et la consolidation du tissu économique et social dans le secteur primaire au sein des différents États membres passent par le refus de la libéralisation des échanges et par le changement d'orientation du commerce international vers une logique de complémentarité plutôt que de concurrence;
15. souligne l'importance de filières d'approvisionnement courtes, et estime que l'Union doit soutenir énergiquement la production locale et régionale ainsi que les marchés locaux et régionaux, tout en encourageant le raccourcissement des cycles de production et de consommation, en guise de préalable à la viabilité sociale, économique et environnementale;
16. préconise l'adoption immédiate de mesures afin de mettre fin aux opérations de dumping entre États membres, déjà observables par exemple dans le secteur laitier;
17. rappelle que la politique agricole doit permettre aux petites et moyennes exploitations agricoles, y compris à caractère familial, de percevoir un revenu décent, de produire des denrées alimentaires qui soient suffisantes en termes de quantité et de qualité, à des prix abordables pour les consommateurs, de créer des emplois, de favoriser le développement rural ainsi que d'assurer la protection de l'environnement et le développement durable;
18. demande la mise en place de cadres juridiques qui garantissent des prix stables et justes aux producteurs de denrées alimentaires, encouragent une agriculture respectueuse de l'environnement, internalisent les coûts externes et mettent en œuvre une réforme foncière;
19. critique fermement la proposition de la Commission concernant la réforme de la PAC ainsi que les objectifs qui y sont poursuivis en matière de déréglementation; est d'avis que cette approche creusera les déséquilibres, déjà colossaux, qui existent dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire; défend une politique agricole qui observe les principes suivants:
– le droit à la sécurité et à la souveraineté alimentaires, en fonction des besoins de chaque pays et de ses caractéristiques propres,
– l'existence d'instruments de régulation du marché, afin de remédier à l'instabilité des secteurs productifs due aux fluctuations de la production et de la consommation, et de garantir des prix justes aux producteurs,
– une répartition équitable des subventions entre les agriculteurs, les productions et les États membres, ainsi qu'un régime d'aide à la production dûment modulé aux niveaux national, régional et sectoriel;
20. invite la Commission à faire cesser, de toute urgence, les spéculations financières dont sont l'objet le secteur alimentaire, les cours des produits de base ainsi que le secteur des biocarburants, qui influe, plus que jamais, sur la chaîne d'approvisionnement alimentaire;
21. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.