I . La déclaration du Sommet de la Zone Euro (17)
La déclaration part d’un constat que nous partageons : « il est impératif de briser le cercle vicieux qui existe entre les banques et les États ». N’allez pas croire que les chefs d’Etat aient enfin décidé que la BCE devait prêter directement aux Etats sans passer par le biais des banques. N’allez pas croire même qu’ils aient décidé de donner au FESF et à son successeur, le futur MES, la licence bancaire nécessaire pour que la BCE leur prête. Rien de tout ça.
Voilà ce qu’ils ont décidé :
1. Création d’un mécanisme de surveillance bancaire de la zone euro
On apprend que la BCE sera associée à ce mécanisme.
On en déduit que l’ABE (l’Autorité Bancaire Européenne, l’une des trois agences européennes créées en grande pompe fin 2010 dans le cadre du « Système Européen de Surveillance Financière ») ne sert strictement à rien…
Ce mécanisme ne sera pas proposé avant la fin 2012. Il ne faut donc pas compter qu’il soit mis en place avant mi-2013 au plus tôt.
2. Le FESF puis le MES pourront désormais recapitaliser les banques (conformément à la demande de M. Rajoy)
Attention 1 ! Toute « aide » de ce type sera soumise à l’obligation de mettre en place un « memorandum » (plan de rigueur)
Attention 3 ! La décision d’octroyer une « aide » de ce type ne se prendra qu’ « à la suite d'une décision ordinaire » c’est-à-dire avec veto de la France et de l’Allemagne sur les conditions d’octroi (le « memorandum »)
3. Le FESF puis le MES pourraient racheter directement des titres de la dette des Etats les plus en difficulté (conformément à la demande de M. Monti).
C’est en tous cas ce qui semble se dessine derrière l’expression «avoir recours aux instruments existants du FESF/MES de manière souple et efficace » et dans les déclarations des chefs d’Etat
Attention 1 ! Seuls peuvent avoir accès à cette possibilité les Etats qui respectent les États membres qui respectent
-leurs recommandations par pays
-leurs autres engagements, y compris leurs calendriers respectifs, dans le cadre du semestre européen, du pacte de stabilité et de croissance et de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques
Attention 2 ! Là encore un mémorandum d'accord sera établi
Attention 3 ! C’est la BCE qui conduira les opérations sur les marchés financiers (donc elle ne prête pas mais elle dirige quand même les opérations)
II . Les conclusions du Sommet de l’UE (27)
Le texte sur lequel les chefs d’Etat devaient travailler ces 28 et 29 Juin a été rendu public peu avant 17H par le site Euractiv. Le texte était bien évidemment en anglais.
- Les recommandations par pays adoptées
« Le Conseil européen a approuvé les recommandations spécifiques par pays que chaque État membre traduira dans ses décisions nationales sur les budgets, les réformes structurelles et les politiques de l'emploi, concluant ainsi le semestre européen 2012»
Rappel 1 : Les recommandations de la Commission européenne pour la France
Plus de rigueur budgétaire
-La Commission affirme que la France doit « garantir que le déficit excessif (plus de 3%) sera corrigé dans les délais fixés » (c’est-à-dire en 2013).
-Elle demande que « par la suite » la France « assure un effort d'ajustement structurel approprié pour progresser de manière satisfaisante par rapport à l'objectif budgétaire à moyen terme » (tout ce charabia veut dire que la France devra arriver ensuite le plus vite possible sous la barre des 0,5% de déficit structurel)
Aller plus loin dans la réforme des retraites
La Commission demande au gouvernement français de « poursuivre l'examen de la viabilité et de l’adéquation du système de retraite et à prendre des mesures supplémentaires si nécessaire »
Vive la TVA sociale
La Commission demande au gouvernement français de « d’introduire un système fiscal (…) qui déplacerait la pression fiscale du travail vers d'autres formes de fiscalité pesant moins sur la croissance et la compétitivité extérieure, notamment les taxes vertes et les taxes sur la consommation » (la TVA est clairement citée dans les considérants)
Libéraliser à tous les étages :
La Commission demande au gouvernement français de « poursuivre les efforts pour supprimer les restrictions injustifiées dans les professions et secteurs réglementés, notamment dans le secteur des services et du commerce de détail; à prendre de nouvelles mesures pour libéraliser les industries de réseau, notamment sur le marché de gros de l’électricité, pour développer les capacités d’interconnexion dans le domaine de l’énergie et pour faciliter l’arrivée de nouveaux opérateurs dans les secteurs du transport ferroviaire de marchandises et du transport international de voyageurs »
Déréglementer le marché du travail
La Commission demande de réformer notamment « la procédure administrative applicable aux licenciements individuels »
Quelle évolution du salaire minimum?
Pas de préconisation claire pour le coup, mais la Commission y fait tout de même allusion. Elledemande au gouvernement de « veiller à ce que toute évolution du salaire minimum favorise la création d'emplois et la compétitivité »
- Le projet fédéraliste et austéritaire de Van Rompuy et compagnie suit son cours
« le président du Conseil européen a été invité à élaborer, en étroite collaboration avec le président de la Commission, le président de l'Eurogroupe et le président de la BCE, une feuille de route précise et limitée dans le temps pour la réalisation d'une véritable Union économique et monétaire, qui comprendra des propositions concrètes sur la préservation de l'unité et l'intégrité du marché unique des services financiers et qui tiendra compte de la déclaration de la zone Euro (…) Ils examineront ce qui peut être fait dans les traités actuels et qui mesure exigerait la modification du traité (…) les États membres seront étroitement associés aux réflexions et régulièrement consultées. Il y aura également des consultations avec le Parlement européen. Un rapport provisoire sera présenté en octobre 2012 et un rapport final avant la fin de l'année. »
Rappel : Principales mesures proposées :
1. Une union financière intégrée pour lutter contre les défaillances bancaires
- Elle serait fondée sur un règlement uniforme
- Elle serait placée sous l’autorité de « l'échelon européen » (potentiellement la BCE citée pour exercer la « surveillance »… bien qu’on ait créé une agence européenne pour cela en 2011 : l’ABE…)
- Elle comporterait un « système européen de garantie des dépôts » des banques
- Elle comporterait aussi un « fonds européen de résolution » des défaillances bancaires. Il serait alimenté « en priorité » (mais pas que) par les contributions des banques. Son but : « liquider d'une manière ordonnée les établissements non viables et de protéger ainsi les fonds des contribuables »
- Le MES serait le « filet de sécurité financier » de ce système
2. Une union budgétaire encore plus intégrée dans la zone euro
- Mise en place de plafonds applicables au solde budgétaire annuel et au niveau de la dette publique des différents États membres arrêtés « d'un commun accord » par le Conseil (commun accord veut généralement dire vote à la majorité)
- Possibilité d'exiger une modification des enveloppes budgétaires des Etats si elles sont contraires aux règles budgétaires contenues dans le pacte de stabilité et le pacte Merkozy (l’instance qui pourrait l’exiger n’est pas spécifiée)
- mise en place d'un ministère des finances de la zone euro
- redéfinition du rôle et des fonctions du budget européen et de son articulation avec les budgets nationaux
- possibilité d’émettre des eurobonds à moyen terme mais sous réserves de conditions de discipline budgétaire et de concurrence très strictes
3. Un cadre de politique économique plus intégré ?
- La seule chose proposée ici est en fait de « faire mieux appliquer le cadre de coordination des politiques » existant
4. Comment assurer la légitimité démocratique et l'obligation de rendre compte ?
- Rien de nouveau ici bien entendu… Il s’agit juste de faire en sorte que le Parlement européen et les parlements nationaux soient « étroitement associés » aux prises de décisions budgétaires et économiques. Comment ? En respectant la « méthode communautaire ». C’est-à-dire : les parlements discutent, le Conseil décide à la majorité.
- A noter : le cynisme de ce rapport qui indique clairement « Les décisions relatives aux budgets nationaux sont au cœur des démocraties parlementaireseuropéennes »
- Le “Pacte pour la croissance et pour l’emploi” a été adopté
Présenté comme la grande victoire de François Hollande, ce « pacte » n’est qu’une resucée de mesures déjà prises ou en cours de validation au sein des instances européennes. Quant aux fonds alloués, ils sont majoritairement repris à des projets que les régions européennes n’ont pas fini de financer.
En voici les principaux points :
Actions qui doivent être entreprises au niveau des Etats membres
- mettre en œuvre les objectifs de la stratégie UE2020 (suite de la stratégie de Lisbonne : libéralisations notamment)
- appliquer les dispositions des « nouveaux outils de la gouvernance économique » (6 pack, Semestre européen, Pacte pour l’euro plus)
- faire en sorte que le 2 pack soit adopté rapidement
- suivre les appréciations de la Commission sur les dépenses publiques
- compléter la « restructuration du secteur bancaire » pour garantir qu’ils prêtent à l’économie réelle
- going further in structural reforms to unlock domestic potential for growth, including through opening up network industries, promoting the digital economy, removing unjustified restrictions on service providers and making it easier to start a business
- utiliser le fonds social européen pour aider les politiques d’éducation, d’apprentissage et les stages
- mettre en œuvre les recommandations pour l’emploi faites à l’Etat par la Commission européenne (« plans national pour l’emploi » : semestre européen de l’emploi)
- moderniser l’administration publique notamment via l’ « e-governement »
Contributions de l’UE
On retrouve grosso modo la même chose qu’au sommet de Mars dernier :
- approfondir le marché unique en « supprimant les barrières restantes »
- mettre en œuvre pleinement la directive services (ils pensent en tirer 330 milliards d’euros)
- développer le marché unique du numérique (qu’il soit totalement effectif en 2015)
- réduire le poids de la réglementation aux niveaux européen et national
- approfondir le marché unique de l’énergie (qu’il soit totalement effectif en 2014)
- investir dans la recherche pour qu’elle se traduise en innovations
- promouvoir la remise au travail des travailleurs les plus âgés
- faciliter les migrations du travail au sein de l’UE
- faire en sorte que le budget européen serve la croissance
- d’accord pour mettre en place véritablement un semestre européen de l’emploi
- promouvoir le libre-échange et accède aux marchés publics des pays tiers (notamment : ratification rapide des accords de libre-échange signés, finalisation rapide de l’accord économique et commercial global avec le Canada, lancement des négociations d’un accord global sur le commerce et les investissements transatlantique -une partie du grand marché transatlantique- en 2013)
-120 milliards pour « booster le financement de l’économie » (69,5 milliards en fait dont 55 milliards sont des fonds structurels déjà existants + 60 milliards de prêts garantis)
—les Etats verseront10 milliards de plus au capital de la BEI (au plus tard le 31 Décembre 2012. Ce projet était dans les arcanes européennes depuis un bon moment)
—ils consentiront 60 milliards de capacité de prêts supplémentaires à la BEI (au plus tard le 31 Décembre 2012. Ce projet était dans les arcanes européennes depuis un bon moment)
—ils investiront pour 4,5 milliards dans des project bonds dès cet été (comme déjà prévu et validé par le Parlement européen) et plus si les effets constatés sont positifs
—55 milliards de fonds structurels non utilisés seront à réallouer par les Etats eux-mêmes en travaillant avec la Commission (c’est une idée de la Commission européenne. Rien de nouveau ? Par contre quand cela sera-t-il fait ? comment ? au détriment de quels projets ?)
- la taxe sur les transactions financières
Les 9 pays concernés (ceux qui l’ont demandé en Février : la France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, l’Autriche, l’Espagne, la Finlande, la Grèce et le Portugal) devraient l’adopter en Décembre 2012. Rien de nouveau là dedans non plus.
- Et à part ça ?
Immigration: la libre circulation dans l’espace Schengen réaffirmée mais les politiques migratoires maintenues
« Il souligne également l'importance de la libre circulation au sein de l'espace Schengen » « Le Conseil européen félicite des progrès accomplis dans le règlement de Dublin (…) et en ce qui concerne la réinstallation »
La Cour européenne des brevets aura son siège à Paris
Bien maigre victoire pour Hollande. Désormais, les brevets seront donc enregistrés et défendus à Paris. La Cour ne travaillera qu’en français, anglais et allemand, raison pour laquelle l’Italie et l’Espagne ont refusé de participer au système européen des brevets et à cette Cour qui en est l’appendice judiciaire.
Des antennes thématiques seront néanmoins créées à Londres (chimie, y compris les produits pharmaceutiques, et ressources humaines) et à Munich (génie mécanique).
En compensation, le premier président de cette Cour sera français.
Energie nucléaire: rien de nouveau
Le Sommet se contente de rappeler les Etats membres à leurs obligations en matière de tests de sûreté nucléaire. Pas de plan européen de sortie du nucléaire à l’horizon, loin de là.
Syrie : vers plus de sanctions
«Il a appelé à une action unie par le Conseil de sécurité de l’ONU à ajouter plus robuste et efficace la pression, y compris l'adoption de sanctions globales en vertu du chapitre VII»
Iran : inquiétudes sur le programme nucléaire
Rien de bien nouveau
Droits de l’Homme: pas un mot sur le Paraguay !
Les dirigeants européens ne parlent même pas du coup d’Etat au Paraguay, pas plus qu’ils ne parlent du coup d’Etat du Honduras dont on fête ce 28 Juin le troisième anniversaire !
Ils se contentent de déclarer que l’UE mettra les droits de l’Homme au cœur de sa politique étrangère…. On voit ça oui !