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travaileur

Une directive encadre le détachement des travailleurs depuis 1996 et doit être révisée par l’Union européenne, avant d’être soumise au vote final du Parlement européen en mars prochain.

Les négociations entre les différentes institutions avancent sans que rien ne soit changé au fond de l’affaire : les entreprises ne paient pas les cotisations sociales sur le lieu où elles emploient des travailleurs.

Des sociaux-démocrates sont pourtant au cœur de cette bataille. Ils auraient pu œuvrer pour améliorer les conditions de travail et les rémunérations de ces salariés détachés. Martin Schulz, à la tête du Parlement européen, et Pervenche Berès, députée en charge de ce dossier, sont au contraire en train d'empêcher toute révision contraignante pour les employeurs qui exploitent les différences de droits sociaux entre les Etats.

La directive au quotidien : fraude d’entreprises et salaires à 3 euros l’heure

Le détachement des travailleurs concerne près de 1,5 millions de salariés en Europe. Sans compter les centaines de milliers de travailleurs non déclarés, la France est le 2ème pays d’accueil.

La directive actuellement en vigueur est censée assurer un minimum de régulation et de respect des droits du pays d’accueil. Or, les abus de certaines entreprises sont innombrables. Chantier de l’EPR à Flamanville, Carré de Jaude à Clermont-Ferrand, abattoirs Gad en Bretagne ; les exemples ne manquent pas. La technique la plus courue consiste à utiliser des « sociétés boîtes aux lettres » situées dans un pays aux exigences sociales les plus basses possibles, qui permettent de payer des salariés travaillant en France sur cette base.

Outre le fait qu’il faudrait se doter de véritables moyens de contrôle contre ces fraudes, le problème de fond demeure : ces entreprises ne paient pas les cotisations sociales sur le lieu où elles emploient les travailleurs.

Premier coup contre ces travailleurs : pas de révision globale de la directive

M. Barroso, président de la Commission européenne, avait promis une révision de la directive puisqu’elle date de 1996. Il ne s’agit plus maintenant que d’un simple « toilettage » de cette législation. Avec la complicité enthousiaste de la social-démocratie européenne, le dumping social demeure, puisque les cotisations sociales (patronales comme salariales) continuent d’être déterminées et prélevées dans le pays d’origine des entreprises. Un gouffre sépare les législations des Etats les plus progressistes à l’Ouest des États dernièrement entrés dans l’Union à l’Est.

Le président Hollande et son gouvernement n'ont pas émis la moindre proposition pour faire cesser ce dumping sur les cotisations sociales.

Deuxième coup : le Conseil limite la responsabilité des entreprises

Les ministres du Travail européens se sont réunis les 9 et 10 décembre dernier. La Confédération européenne des syndicats faisait déjà remarquer le manque de volonté politique du Conseil : « Malgré tous les cas d’abus de travailleurs détachés, je crains que le Conseil des ministres de l'Emploi n’ait pas la volonté politique de parvenir à un accord sur des mesures effectives pour lutter contre la fraude et le dumping social ».

Le point le plus discuté de cette directive révisée concerne un « mécanisme de responsabilité solidaire » des entreprises et de leurs sous-traitants pour améliorer la protection des salariés et lutter contre le dumping social. Mais, le Conseil a limité la portée du texte au seul secteur de la construction. Ni Sapin, ni Hollande ne s’y sont opposés.

Quant aux moyens de lutter contre la fraude, encore faudrait-il assurer à l’inspection du travail les moyens en conséquence. Or, le « Plan de lutte contre travail illégal et détachement abusif », présenté par le ministre du Travail, est une bien pauvre rustine sur le système. L’inspection du travail a effectué moins de 2000 contrôles en 2011. Et la réforme Sapin ne permet naturellement aucune amélioration en la matière, tout au contraire.

Troisième et dernier coup : la députée Berès abandonne le terrain

Un énième « trilogue » – rencontre plus ou moins officieuse de négociation (non prévue par les traités) entre la Commission, le Parlement et le Conseil – s’est déroulé cette semaine.

Les députés européens avaient confié un mandat ferme à leur présidente de la Commission de l’Emploi et des Affaires sociales, Mme Berès. Elle devait défendre un système obligatoire de responsabilité pour tous les États membres. Il devait s'appliquer à tous les secteurs et à toute la chaîne de sous-traitance, et devait être doté de sanctions sévères.

Pourtant, après que le Conseil et la Commission ont rappelé leurs positions très éloignées, la députée Berès a tout laché. Elle a abandonné les principales exigences du Parlement. Exactement comme son collègue Martin Schulz avait trahi le Parlement européen sur le budget en cédant à toutes ses demandes.

Le Conseil s’est également opposé à une clause demandant aux États de prévoir des budgets suffisants pour effectuer les contrôles et inspections au motif de « l’autonomie budgétaire des États ». Cela ne leur a pourtant pas posé problème d’abandonner cette souveraineté lorsqu’il s’agissait du TSCG, et des directives two-pack et six-pack qui abandonnent le contrôle des budgets nationaux à la Commission. Madame Berès a avalisé la position du Conseil ; elle capitule donc avant même d’avoir livré bataille.

A chaque étape de cette révision de la directive, des élus sociaux-démocrates détenaient des postes clefs et auraient pu défendre une Europe des droits des travailleurs. Une fois de plus « l’Europe sociale » annoncée est un slogan creux et trompeur. L’Europe n’est guère amendable. Il faut la refonder. Et c’est au peuple de le faire avec ses bulletins de vote.


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