fév 15 22

drapeau allemandOn me reproche parfois de focaliser sur lui. Mais la géopolitique commande la politique. Le dire, ce n’est pas céder à un quelconque ethnicisme. C’est seulement comprendre que les arrière-plans, effets de structures, dispositifs de classes, systèmes de domination, ne se déploient pas comme des abstractions surplombant le réel qui se contenterait d’en illustrer les contenus ! Ils se déploient à partir des conditions matérielles réelles et des circonstances concrètes. Le nombre de ceux qui m’objectent que « le problème ce n’est pas l’Allemagne c’est le capitalisme » me consterne. Revoilà la caverne de Platon de retour où les catégories idéelles précédent le réel ! Pour quelle raison l’Allemagne est-elle aujourd’hui collée à l’intérêt du capital transnational en Europe dont elle est le chien de garde zélé ? Pour les raisons liées à sa démographie, à ses rapports de domination de ses voisins de l’est, et à sa dépendance aux USA depuis 1945. L’existence détermine la conscience collective. En Allemagne, la conscience collective comme partout ailleurs se construit autour du modèle et des préférences du noyau central qui domine la société : les vieux retraités par capitalisation et les suivants de la classe moyenne et moyenne supérieure. C’est eux qu’il faut convaincre ou contraindre.

En atteste ce qui vient de se passer depuis quelques jours face à la Grèce. Je veux le récapituler pour que chacun s’en saisisse. Encore une fois, c’est pour nous la meilleure préparation. Les discussions entre la Grèce et les autres membres de la zone euro sont présentées comme un « dialogue de sourds ». La réalité est que les discussions butent sur l’intransigeance totale des « Européens », comme les nomment les commentateurs, sans se rendre compte de l’exclusion qu’ils prononcent ainsi à l’égard des Grecs. En fait ces « Européens » sont complètement sous tutelle de la droite allemande.

Depuis la victoire électorale de Syriza, les autres Européens n’ont fait aucun pas en direction du nouveau gouvernement grec. Les deux réunions de l’Eurogroupe, la réunion des ministres des Finances de la zone euro, en ont été de parfaites illustration. Ainsi, mercredi 11 février, les 18 autres pays de l’Eurogroupe ont proposé au gouvernement grec un document proposant une « extension » du programme actuel au-delà du 28 février. Or, l’extension de ce programme est catégoriquement rejetée par Alexis Tsipras ! Peut-il en être autrement ? Cela reviendrait pour lui à accepter la poursuite du « mémorandum » de réformes imposant l’austérité. Et donc d’exiger que Tsipras endosse la politique du précédent gouvernement de droite grec alors qu’il a été élu pour changer de politique.

La seule concession des autres européens aura été de ne plus utiliser le mot « Troïka ». Le symbole est important. Mais croire que cela suffirait, c’est croire que Tsipras se paye de mots. Changer les mots sans changer les choses est une ruse qui marche peut-être avec d’autres, mais pas avec le nouveau gouvernement grec. Le summum de l’arrogance au cours de cette réunion est revenu sans aucun doute au ministre allemand des Finances Wolfgang Schaüble, parti avant la fin de la réunion, pendant que le ministre grec des Finances téléphonait à son Premier ministre Tsipras pour valider la position de son pays. Le but de Schaüble est d’humilier ses interlocuteurs dans la tradition germanique la plus grossière et la plus haïssable.

Le lendemain, jeudi 12 février, au conseil des chefs d’État et de gouvernement, le dialogue a pu être rétabli. Aucune déclaration commune n’a été faite sur la Grèce et il n’y a pas eu de véritables discussions sur la dette ni sur le contenu du futur programme pour la Grèce. Pourtant, et c’est très important, il y a eu un accord pour engager des discussions techniques pendant le week-end sur le contenu d’un futur programme accepté par tous. Il s’agissait alors de préparer la réunion suivante, celle de l’Eurogroupe prévue pour lundi 16.

Pendant tout le weekend, les représentants du gouvernement grec ont ainsi travaillé avec les autres fonctionnaires pour essayer de rapprocher les points de vue. Le dimanche, c’est Alexis Tsipras lui-même qui a appelé le président de la Commission européenne Jean-Claude Junker pour avancer. Le gouvernement grec a ainsi discuté d’un projet d’accord avec le Commissaire européen Pierre Moscovici. Un document d’une page, en anglais, que le journaliste du Guardian, Paul Mason, a obtenu et publié sur sa page Facebook. On en était donc là. Arrivent les Allemands et tout s’écroule. Les faucons de l’austérité ont tout mis par terre. Toute la table a été renversée. Au point que, ce lundi 16 février, à l’Eurogroupe, Moscovici n’a jamais présenté le document travaillé pendant le weekend avec les Grecs. À la place, le président de l’Eurogroupe, le néerlandais Jeroen Dijsselbloem, une marionnette de Schaüble, a présenté un autre document. Un texte encore plus dur que celui rejeté la semaine précédente. Telle est la vérité ! Pendant que le gouvernement grec discutait et montrait sa volonté de conclure un accord honnête, l’Eurogroupe durcissait en secret sa position sur ordre de Berlin. Dans son texte, l’Eurogroupe exigeait purement et simplement du gouvernement qu’il demande l’extension du programme actuel. Retour au point de départ, comme une semaine auparavant, l’arrogance et le mépris pour les discussions du week-end en plus. Le ministre grec Varoufakis a évidemment refusé une nouvelle fois. L’Eurogroupe a ainsi adressé un véritable ultimatum à la Grèce, exigeant que la Grèce capitule avant d’envisager une nouvelle réunion. Alors que le gouvernement grec avait montré sa volonté de négocier et que les autres Européens n’avaient pas bougé d’un pouce, le président de l’Eurogroupe a ainsi eu le toupet d’exiger que « le prochain pas doit venir de la Grèce ».

C’est la ligne dure du ministre allemand qui l’a emporté. Les propos rapportés par la presse montrent que les proches de François Hollande n’ont pas joué le rôle de facilitateur qu’ils prétendent assumer. Le Commissaire européen Pierre Moscovici comme le ministre des Finances Michel Sapin ont répété en cadence ce que disait Wolfgang Schaüble. Comme l’a dit Michel Sapin : « Il y a seulement un chemin raisonnable, c’est une extension technique [du programme actuel] avec de la flexibilité. Si les autorités grecques veulent prendre ce chemin, une réunion aura lieu vendredi pour confirmer leur décision ». Ne pas comprendre le rôle agressif néfaste du gouvernement allemand c’est de l’iréalpolitique la plus puérile. Tout céder aux Allemands pour satisfaire au mythe du « couple franco-allemand » c’est enfiler soi-même la camisole de force qui ficelle l’action des Français.


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