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el-khomri-9-avrilLe 31 mars 2016, alors que 1,2 millions de salariés battaient le pavé pour demander le retrait de la loi Travail, le Commissaire européen en charge de l’euro et du dialogue social Vladis Dombrovskis était de passage à Paris. Il contre-manifestait en quelque sorte. Ce représentant de « l’Europe qui protège » s’est félicité de cette réforme. C’est normal, c’est lui qui l’a écrite. Ou presque. La loi Travail serait selon lui une « initiative qui est destinée à répondre aux rigidités du marché du travail, et qui devrait relancer l’emploi ». Ce n’est pas tout. L’ingérence s’étend. Car, selon ce monsieur, « Il y a 10 % de chômage depuis trop longtemps en France, il est donc important de s’engager dans des réformes rapidement ». Cet enthousiasme est révélateur. Il faut le savoir et le dire : la loi dite « El Khomri » n’est pas tant une proposition émanant du gouvernement qu’une réponse aux injonctions de la Commission de Bruxelles.

L’affaire remonte à juin 2014. Dans le cadre de ses « Recommandation pour la France » la Commission européenne indiquait qu’une « attention particulière devrait être accordée aux dispositions réglementaires du code du travail ou aux règles comptables liées à des seuils spécifiques qui entravent la croissance des entreprises françaises ». C’est beau comme du Macron. Il faut dire que le gouvernement n’a pas su obtempérer autant qu’il fallait. Alors, en juillet 2015, la Commission européenne s’est faite plus précise et plus pressante. Elle demandait à « réformer le droit du travail [pour] faciliter, aux niveaux des entreprises et des branches, les dérogations aux dispositions juridiques générales, notamment en ce qui concerne l’organisation du temps de travail ; à réformer la loi portant création des accords de maintien de l’emploi d’ici à la fin de 2015 en vue d’accroître leur utilisation par les entreprises ». Il va de soi que la loi El Khomri est alignée sur cet ordre.

C’est pourquoi dans ses nouvelles « recommandations » transmises fin février 2016, la Commission triomphe dès les premières lignes de son rapport : « L’adoption et la mise en œuvre de la réforme annoncée du code du travail restent déterminantes pour faciliter les dérogations aux dispositions juridiques générales ». Tout le monde peut le vérifier : les grandes lignes de la loi Travail suivent en tous points les recommandations bruxelloises. Celles-ci encouragent avec enthousiasme les liquidateurs du droit social français : « Les réformes récentes (qui) ont commencé à s’attaquer aux rigidités de la procédure de licenciement pour les contrats à durée indéterminée et à en réduire la complexité et les incertitudes ».

En clair, dans son document, la Commission se félicite des projets de démantèlement du droit du travail et de réduction (ou gel) des salaires prévus par la France, qui correspondent à ses analyses. Car le manque de création d’emploi et la faible croissance sont, selon les experts de l’exécutif européen, liés aux « rigidités structurelles » de notre économie et notamment aux difficultés de licencier des salariés : « La législation stricte régissant le licenciement des personnes en contrat à durée indéterminée accroît la complexité de ces derniers et accentue la précarité ». La Commission européenne regrette également que « les réformes menées récemment n’ont donné aux employeurs que peu de possibilités pour déroger aux accords de branche. Cela limite la capacité des entreprises à moduler leurs effectifs en fonction de leurs besoins. Il conviendrait d’accorder aux branches et aux entreprises la possibilité de déterminer de façon flexible, au cas par cas et après négociations avec les partenaires sociaux, s’il y a lieu de déroger à la durée légale du travail de 35 heures par semaine ».

En lisant ces lignes on ne peut s’empêcher de ressentir un malaise. Comment se fait-il que ce soit à ce point mot pour mot ce que répètent le gouvernement et le MEDEF… La Loi Travail en est une déclinaison stricte et parfaite. Que Valls et El Khomri ne rêvent pas pour autant. Il y a encore bien du chemin pour que Hollande accomplisse son rêve d’être le « meilleur élevé de la classe européenne » comme il l’avait déclaré. Car évidemment, « l’Europe qui nous protège » n’est jamais vraiment contente. Pour elle, ça ne saigne pas assez en France. En particulier, cette « Europe qu’il faut ré-enchanter », comme ils disent à « gôche », trouve que les salaires sont trop élevés en France. Pour l’Europe, les salariés en France gagnent trop bien leur vie : « La récente modération salariale, dans un contexte de chômage élevé, demeure insuffisante compte tenu du ralentissement de la croissance de la productivité ».

De toute façon, le commissaire, Vladis Dombrovskis, révèle que la Commission « surveille avec attention le débat politique » autour de cette loi. Brrrrr ! Ils ne « suivent pas » nos débats et ceux de notre Assemblée nationale ! Ils le surveillent ! C’est tout un programme. Car en vertu des traités, et plus particulièrement du TSCG et de la procédure de semestre européen qu’il a mis en place, la Commission peut infliger à la France une amende allant jusqu’à représenter plusieurs points de PIB en cas de non suivi de ses recommandations. Mais aussi car compte tenu de sa position centrale au sein de la zone euro, la France peut avoir un effet d’entraînement sur d’autres États membres, et peut donc être le maillon par lequel la chaîne craquera. Cette horreur n’arrivera pas, fait semblant de croire Valls. Mais le palais d’Haroun El Poussah contient plus d’une chausse-trappe et les eunuques y murissent maints complots. Et dans la rue on en est à « la Nuit debout », sans oublier un petit début d’incendie populaire boulevard Saint-Germain.

Et quand ça se saura que la loi El Khomri, c’est l’Europe qui la veut, ça ne va rien arranger.


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