jan 10 12

J’ai fait l’aller retour lundi à Bruxelles pour participer à l’audition de la madame Ashton, la nouvelle vice présidente de la Commission Européenne, en charge des affaires étrangères. Elle planchait devant la commission des affaires étrangères. Il y avait foule ! Photographes, journalistes super triés sur le volet, invités des autres commissions en nombre contingenté et ainsi de suite. Je suis le vice président de cette commission et je faisais donc partie des premiers intervenants autorisés à lui adresser la parole. Une minute pour moi pour une question et une seule. Deux pour elle pour répondre. Puis de nouveau une minute pour moi pour réagir et poser une autre question. Et une minute pour elle de conclusion. C’est ce que l’on appelle un débat contradictoire au parlement européen. Bon ! Pourquoi pas.

Le résultat a été assez consternant. Qu’on en juge. Je lui fais remarquer qu’elle n’a rien dit du partenariat transatlantique  dans son propos liminaire alors que la Commission, le Conseil et le parlement l’ont déclaré prioritaire. Je lui demande ce qu’elle compte faire pour la formation du grand marché transatlantique dont le Parlement et le conseil ont souhaité l’achèvement pour 2015. Je pousse la courtoisie jusqu’à lui préciser que je ne soutiens pas du tout ce projet pour lui éviter de faire du zèle le cas échéant. Il y a quelques rires amusés. Réponse stupéfiante. Elle dit qu’elle n’a jamais entendu parler de ce marché mais qu’elle veut confirmer que le partenariat transatlantique est prioritaire ! Je lui réplique que je suis désolé qu’elle ne connaisse pas ce projet et que je la renvoie pour le connaître aux nombreux textes de la commission, du conseil et du parlement. Elle me remercie de les lui envoyer ! Je crois qu’elle se moque de moi, tout simplement ! Mais quand je lui demande si elle peut me dire quel est, d’après elle, l’adversaire qu’affrontent les troupes européennes en Afghanistan, si elle peut le nommer, et nous dire où nous en sommes par rapport aux buts de guerre poursuivis ça devient surréaliste. Elle me dit que l’Europe fait bien son travail et que de nombreux hôpitaux ont été construits. Mais « il reste beaucoup a faire pour la population » !

A ce moment je me dis qu’en réalité elle ne connait rien aux sujets qui nous occupent. La suite me confortera dans cette impression. Quand l’italien de droite Mario Mauro lui demande à quelle position elle se rattache en ce qui concerne les nombreux points de vue à propos du siège de l’Union européenne au conseil de sécurité de l'ONU, elle répond qu’elle sèche car elle ne connaît pas le dossier ! Quand un autre dit que les tensions, avec la Moldavie, la Biélorussie, les Balkans et ainsi de suite et même la Turquie ont pour dénominateur commun l’action de la Russie et qu’elle lui demande ce qu’elle compte faire, elle répond qu’elle va aller sur place pour connaître les motifs de ces tensions. Quand on lui demande ce qu’elle pense du partenariat privilégié avec le Maroc, et ce qu’elle compte faire, elle déclare que c’est très important et qu’il faut réfléchir tous ensemble à ce sujet. A une nouvelle question sur l’Afghanistan elle rappelle que de nombreux résultats sanitaires ont été obtenus et répète qu’il reste beaucoup à faire car le pays manque souvent de l’essentiel ! Par exemple est-ce que nous savons que dans certains ministères il n’y a pas de téléphone ?  Quand il lui est demandé comment elle pense que s’appliquerait la clause d’obligation d’assistance mutuelle en cas d’agression militaire contre un des membres de l’Union, elle répond en nous lisant l’article 42.7 qui le prévoit et nous affirme qu’il faut que le Conseil et la commission y réfléchissent sérieusement  pour dire comment cela doit se faire selon les circonstances.  En Bosnie elle dit que le vrai problème c’est que les gens veulent seulement vivre en paix. Mais comment ? Bien sûr la question est posée et nous devons y réfléchir tous ensemble ! D’une façon générale, cette femme n’est en rien une pauvre innocente qui serait bizutée par une assemblée de vieux renards.

Elle ne sort pas de l’œuf davantage qu’aucun de nous. Elle a été  commissaire au commerce extérieur. Elle manie donc sciemment la langue gluante de l’Europe des élites qui agissent sans contrôle. Elle manie cette langue prétexte  comme personne ! Toutes ses réponses sont des esquives brodées de bonnes intentions affirmées sur le ton passionné d’une dame catéchiste. « Nous devons absolument dialoguer (prout prout !)  et trouver ensemble (prout prout !) une réponse sur ce point » « Nous ne devons pas relâcher nos efforts (scrogneugneu !) en vue d’aboutir à une solution qui convienne sur ce point » « Tous ensemble (ouf !) , nous avons le devoir de réfléchir (ollé !)pour dire comment continuer notre travail (ollé !)  en vue de voir le succès de nos nouveaux efforts (ollé !) » etc… Jusqu'à la nausée ! J’ai fini par me lasser et je suis parti, mort d’ennui et sidéré par cette scène ou la démocratie parlementaire n’est plus qu’une comédie sans objet ni dignité. Je n’ai même pas eu l’envie de participer à la séance d’évaluation par le bureau de la commission. Je lui donne pourtant 20 sur 20. Personne n’a mieux démontré l’ineptie de sa fonction que cette femme. Sur un plan personnel je lui mets aussi 20 sur 20 car elle ne peut que nous surprendre agréablement à l’avenir parce qu’elle part de zéro et qu’il n’y pas de raison qu’elle ne finisse par apprendre quelque chose, chemin faisant.


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