Question à la Commission
Depuis le 15 Mai 2011, le mouvement espagnol dit "des indignés" se propage comme poudre à canon dans toute l'Europe. Les "indigné-e-s" se comptent aujourd'hui par millions. Parmi eux il y a beaucoup de jeunes, mais pas seulement.
Ce mouvement nous concerne toutes et tous.
Il réclame une démocratie réelle en opposition à l'exercice oligarchique du pouvoir que font majoritairement celles et ceux qui se veulent les représentants des peuples.
Il dénonce les plans d'austérité que le FMI, la Commission et la BCE imposent aux peuples avec l'aval plus ou moins contraint des gouvernements.
Il réclame aussi le respect des droits élémentaires que la précarisation grimpante bafoue à la faveur de la rigueur budgétaire imposée aux Etats et de la flexibilisation du marché du travail.
-La Commission européenne, dont les membres ne sont pas élus à l'instar du FMI et de la BCE, a-t-elle conscience de son illégitimité à agir au nom des peuples européens?
-Comment pense-t-elle répondre à la demande légitime de démocratie posée par ce mouvement populaire?
-Envisage-t-elle de proposer de revenir enfin sur le quasi monopole d'initiative législative dont elle jouit abusivement?
-Envisage-t-elle de revenir sur les politiques de flexibilisation de marché du travail et de privatisations accélérées qu'elle prône et fait exécuter?
-Pense-t-elle continuer à faire payer la crise aux citoyen-ne-s européen-ne-s qui n'en sont pas responsables?
La réponse de José Manuel Barroso: "tout est parfaitement démocratique"
05/08/2011 Réponse de Monsieur Barroso, Président de la Commission européenne
"L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'Homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes (Article 2 de TUE).
La démocratie s'exerce en Europe sous la forme de la démocratie représentative, sur base des élections libres pour les parlements nationaux, comme pour le Parlement européen, devant lesquels sont responsables les gouvernements nationaux dans le premier cas, et la Commission européennes dans le deuxième.
Il est compréhensible et légitime que les citoyens expriment leurs préoccupations face à la situation économique difficile à laquelle sont confrontés plusieurs Etats membres. La Commission y est sensible et est à l'écoute de ces préoccupations à maints niveaux.
Le droit d'initiative de la Commission est un élément clé du fonctionnement de l'Union. Ce n'est pas la Commission qui s'est octroyé ce droit. Il lui a été donné par les États membres qui l'ont inscrit à l'article 17 du traité sur l'Union européenne. Par ailleurs, la Commission a une légitimité démocratique claire : elle est nommée par le Conseil européen après un vote d'approbation du Parlement européen.
Dans la gestion de la situation actuelle, la Commission joue pleinement son rôle institutionnel, notamment en proposant un paquet de mesures pour réaliser une gouvernance économique effective de la zone euro et l'ensemble de l'Union.
L'établissement du semestre européen, dont les premières orientations viennent d'être accueillies par le Conseil européen des 23 et 24 juin 2011, s'est révélé être un succès substantiel. Les propositions formulées sont adaptées à la situation économique et sociale concrète de chaque Etat membre et incluent des suggestions pour une flexibilité du marché du travail qui pourraient générer une croissance économique et contribuer à améliorer notamment les chances des jeunes à pouvoir accéder au marché du travail. Il incombe aux Etats membres de les mettre en œuvre et à la Commission de soutenir ce processus.
Remarque:
Monsieur Barroso ne répond pas à la question posée. Il ne revient pas une seule fois sur l'illégitimité pour la Commission de disposer du quasi monopole d'initiative législative. Dans un régime démocratique, le droit d'initiative législative revient au parlement. Or le Parlement européen ne dispose de ce droit que pour quelques domaines très restreints: sa propre élection, son propre fonctionnement, l'élaboration du statut et des fonctions du médiateur européen. La Commission européenne, elle, en dispose dans tous les domaines. Face à cette aberration démocratique, Barroso se contente de rappeler que "ce n'est pas la Commission qui s'est attribuée ce droit". La belle affaire! Que ce quasi monopole et l'absence de parlement réel soit consacré dans le traité de Lisbonne ne rend pas l'UE plus démocratique. Au contraire! Les peuples n'ont pas eu leur mot à dire sur le sujet ou bien, les rares fois où ils l'ont eu, comme en France, on les a fait taire!
Monsieur Barroso explique que la légitimité démocratique de la Commission lui vient du fait qu'elle soit "nommée par le Conseil européen après un vote d'approbation du Parlement européen". Mais vu l'étendue absuive de ses pouvoirs, exiger qu'elle soit élue est la moindre des choses. Dans quel système démocratique existe-t-il un organe quasi plénipotentionnaire est-il simplement nommé? C'est là le cadet des soucis de Monsieur Barroso. Il préfère asséner que la gouvernance économique et son semestre européen, cette mise sous tutelle des budgets nationaux que la Commission européenne organise avec l'assentiment des gouvernements, sont un succès. A l'heure où l'Europe s'enfonce dans la crise un tel entêtement dans l'erreur est une absurdité sans nom. Et la démocratie là-dedans? Tout juste Monsieur Barroso reconnaît-il aux peuples le droit de "s'inquiéter". Monsieur Barroso, en démocratie, le peuple ne se contente pas de s'inquiéter: il décide.